Chapitre 13. Différentes techniques de traitement ostéopathique
Choix des techniques
Le choix des techniques de traitement se fait en fonction du tissu lésé ou du tissu responsable des symptômes (voir l’anamnèse), ou aussi de l’état du tissu lésé : les techniques ont seulement une action spécifique sur des tissus spécifiques.
Action sur les muscles : muscle energy, stretching, fonctionnel
Le choix des techniques variera selon le type de problème présenté par le tissu mou :
– si le muscle est hypotonique, le stretching ou le fonctionnel n’auront pas d’effet, tandis que le muscle energy, les techniques neuromusculaires ou les thrusts seront efficaces ;
– si le muscle est hypertonique, le stretching, l’inhibition ou le fonctionnel permettront de réduire le tonus.
– Les thrusts seront inefficaces et difficiles à employer.
Action sur les ligaments
Seules les techniques de stretching, de pompage et les techniques articulatoires s’avéreront efficaces.
Action sur les capsules articulaires et ménisques synoviaux
Seules les techniques avec thrust sont efficaces.
Choix des tissus à traiter
Le choix des régions et des tissus qu’il faut traiter dépend de plusieurs facteurs en rapport avec l’interrogatoire et les mécanismes de production des lésions, en relation avec l’analyse posturale et biomécanique.
Notion de lésion métamérique
Les niveaux vertébraux mis en évidence par l’étude métamérique des troubles, devront être des traités en priorité :
– il peut s’agir de la présence évidente d’une chaîne neuromusculaire perturbatrice en relation avec la combinaison facilitation–inhibition musculaire, en rapport probablement avec une dysfonction somatique vertébral chronique, responsable d’effets à distance ;
– il peut aussi s’agir de la présence de douleurs référées ligamentaires (ligaments iliolombaires, interépineux, sacro-iliaques, sacrosciatiques) ou musculaires maintenues par une dysfonction somatique quelconque ;
Notion de densité
La palpation des tissus sus-jacents en cas de dysfonction somatique présente une différence de densité : par exemple, il existe une différence fondamentale dans la palpation entre une zone saine, bien vascularisée où les tensions sont élastiques, sans douleur réflexe et sans spasme musculaire, et une zone pathologique où il existe une facilitation chronique, ce qui provoque des tensions, le réchauffement et l’inflammation des tissus.
D’autres régions présenteront au contraire une facilitation chronique et seront en restriction de mobilité importante en ce qui concerne d’autres zones en dysfonction plus récentes. La zone la plus dense devra être traitée en priorité. Il est possible de trouver différents lieux lésés présentant différents degrés de densification :
– une lésion récente sera peu dense ;
– ne lésion ancienne sera très dense.
Notion de restriction de mobilité majeure
De même qu’il existe des zones plus denses, certaines régions présenteront divers degrés de restriction de mobilité.
Une zone où il existe une surfonction mécanique d’adaptation, une inhibition du tonus musculaire, sera hypermobile ; ce type de région, presque toujours sus-jacente ou sous-jacente à une région facilitée. Ces zones de facilitation chronique devront être traitées en priorité.
Notion de paramètre lésionnel majeur en rapport avec la restriction de mobilité globale
Si, par exemple, il existe une restriction douloureuse globale en latéroflexion droite du tronc et qu’il existe une restriction de mobilité majeure en latéroflexion droite de L5 pour donner du confort au patient, on devra traiter L5 en priorité.
Différentes techniques ostéopathiques
Classiquement les techniques ostéopathiques sont classées en techniques structurelles et en techniques fonctionnelles, le reste des techniques de manipulation sont seulement des subdivisions de ces deux catégories de techniques (figure 13.1).
Figure 13.1 |
Chaque technique aura une action spécifique sur un élément anatomique donné, et aura un objectif neurologique et mécanique précis.
Techniques structurelles
Il s’agit de toutes les techniques [33, 34, 47, 67, 68, 69–72], quelques soient les tissus auxquels elles s’adressent, qui sont effectuées dans le sens de la barrière, contre la restriction de mobilité.
Toutes ces techniques obéissent à la loi de la non-douleur : toute technique douloureuse est contre-indiquée.
Les principes généraux de ces techniques consistent à aller dans le sens de la restriction de mobilité (sur un ou sur plusieurs paramètres restreints), afin de rompre les adhérences et régulariser le tonus musculaire en ajoutant une force supplémentaire par le thérapeute ou par le patient dans le but de restaurer la fonction et la mobilité articulaire.
Techniques rythmiques
Dans cette catégorie de techniques, le contrôle du rythme ainsi que la répétition sont prépondérants.
Chaque mouvement actif ou passif est accompagné de nombreux réflexes de régulation et d’adaptation incluant des phénomènes de facilitation et d’inhibition au niveau des mécanorécepteurs proprioceptifs qui répondent aux variations de tension dans le muscle, dans les tendons et dans les éléments capsuloligamentaires, le mouvement passif va créer des stimulations sélectives au niveau central et cortical.
Une certaine limite de tension passée, l’étirement réflexe va s’inverser et deviendra inhibiteur en raison des récepteurs tendineux de Golgi.
Les techniques, se servant de cette méthode, utilisent les mouvements de :
– translations ;
– tractions/compressions ;
– angulations ;
– impulsions qui forcent la limite articulaire motrice.
Techniques de stretching
Ces techniques ont pour objectif d’étirer les ligaments, les fascias, les muscles et les tendons en utilisant des bras de levier.
Nous utilisons une courte amplitude pour agir sur les éléments extrinsèques, c’est-à-dire sur les muscles. La force doit être appliquée lentement et progressivement afin de produire une relaxation dans les tissus : au fur et à mesure que les tissus modifient leur tension l’on augmente l’étirement afin de profiter de la nouvelle longueur acquise.
Techniques de pompage
Ces techniques s’adressent essentiellement aux aponévroses et aux ligaments. Pour libérer les tensions à ce niveau il faut passer entre les structures osseuses et les structures aponévrotiques, il faut essayer d’aller le plus profond possible, le plus près possible des zones d’insertion.
Quand la zone à traiter est localisée, le pompage sera effectué en alternant des tractions et des relaxations dans l’axe de la structure qu’il faut étirer jusqu’à ce que nous obtenions une sensation de diminution des tensions et une diminution de la douleur.
Techniques d’articulation
Ces techniques s’adressent aux éléments périarticulaires et elles sont basées sur les mouvements passifs répétitifs associés à un ou plusieurs bras de levier et à un fulcrum (point fixe) afin d’augmenter la force.
Le thérapeute reçoit de façon permanente l’information des tissus et augmente ou diminue l’intensité de son action en fonction de ses sensations.
L’utilisation d’un petit rebond au bout de l’amplitude permet de produire des changements plus rapides dans les tissus.
Ces techniques d’articulation permettent de gagner une plus grande amplitude de mouvements.
Techniques avec mise en tension maintenue
Ce type de technique utilise les principes des techniques avec thrust (extension-flexion, latéroflexion et contre rotation) ; la mise en tension est effectuée jusqu’à la réduction du slack, mais le thrust n’est pas réalisé, la mise en tension est maintenue tandis que le patient respire profondément jusqu’à ce qu’on obtienne une détente des tissus.
Techniques d’inhibition
Ces techniques s’adressent au spasme musculaire, elles consistent à exercer une pression perpendiculairement aux fibres musculaires : cette pression est maintenue jusqu’à ce que le muscle se relaxe, nous diminuons ensuite lentement la pression.
La technique est appliquée en fonction des réactions des tissus et du rythme respiratoire.
L’inhibition permet d’obtenir une détente, une augmentation de la circulation locale et une diminution de la réponse afférente.
Techniques de muscle energy
Il s’agit de l’utilisation neurophysiologique des contractions musculaires dans le but de restaurer la mobilité articulaire, ou de corriger un déséquilibre tonique agoniste-antagoniste, ou de lutter contre le raccourcissement myofascial [53, 54, 69–72].
Cinq formes possibles de contraction sont utilisées :
– relaxation post-isométrique (RPI) ;
– inhibition réciproque de Sherrington (IRS) ;
– contraction isotonique concentrique (CIC) ;
– contraction isotonique excentrique isolytique (CIEI) ;
– contraction myotensive (CM).
Mécanismes
Une stimulation des fuseaux neuromusculaires et des récepteurs de Golgi tendineux se produit : à chaque fois qu’on gagne sur la longueur du muscle pendant la relaxation post-isométrique due à la décharge des Golgi, les fuseaux neuromusculaires sont étirés, et peu à peu on obtient que ceux-ci récupèrent alors leur longueur initiale, ces derniers arrêtent de décharger de manière anormale. L’hyperactivité gamme disparaît.
Indications
– Spasmes des muscles polyarticulaires (ischiojambiers, etc.) et monoarticulaires (transversaires épineux) ;
– dysfonctions somatiques vertébrales, costales, pelviennes et des membres ;
– spasmes des muscles polyarticulaires (ischiojambiers, etc.) et monoarticulaires (transversaires épineux) ;
– préparation d’une articulation à une manipulation avec thrust.
Relaxation post-isométrique (RPI)
C’est la catégorie la plus utilisée en ostéopathie, elle consiste à utiliser l’état d’hypotonie d’un muscle qui suit sa contraction isométrique.
Principes
– Elle ne produit aucun mouvement ;
– elle requière une force de contraction de quelques grammes jusqu’à 10 kg ;
– l’articulation est mobilisée dans les trois plans de l’espace, jusqu’à atteindre la barrière motrice (sensation d’élasticité musculaire de l’étirement passif), dans une ou plusieurs directions de restriction ;
– on demande au patient une contraction musculaire dans une direction déterminée, la direction de la lésion ;
– la résistance du thérapeute est égale à la force du patient ;
– on utilise trois cycles de trois contractions isométriques de trois secondes : entre chaque cycle de contraction, on profite de la relaxation post-isométrique pour étirer le muscle raccourci et chercher une nouvelle barrière motrice (figure 13.2).
Figure 13.2 |
Inhibition réciproque de Sherrington (IRS)
Principes
– Elle est utilisée quand il sera impossible d’utiliser la RPI (douleur) ;
– on demande trois cycles de trois contractions isométriques de 10 à 20 secondes du muscle antagoniste au muscle spasmé. La force de contraction est plus importante que dans une technique de RPI (20 % de la force du muscle).
Mécanisme
– La contraction de l’agoniste inhibe le tonus musculaire de l’antagoniste (figure 13.3) ;
Figure 13.3 |
Indications
– Spasme musculaire (torticolis),
– mobiliser une articulation contre la barrière (dysfonction de la première côte),
– préparation à d’autres techniques (thrust, RPI…).
Contraction myotensive (CM)
Principes
– On place l’articulation contre la barrière de restriction ;
– on fixe l’insertion distale du muscle et on laisse libre l’insertion proximale de se déplacer ;
– on applique trois cycles de trois contractions isométriques fortes (plusieurs kilos) de trois secondes : entre chaque cycle on cherche une nouvelle barrière articulaire ;
– à la fin de la technique la position de l’os est différente, l’articulation est plus mobile ;
Mécanisme
– La traction musculaire déplace l’insertion libre et oblige l’os à se déplacer en position de correction.
Indications
– Lésions du bassin (iliaques, sacrum, symphyse pubienne) et des côtes.
Contraction isotonique excentrique isolytique (CIEI)
Principes
– On utilise une contraction isotonique excentrique ;
– la force du thérapeute est plus grande que la force développée par le patient ;
– un allongement du muscle se produit en même temps qu’il se contracte ;
– on commence la technique contre la barrière myofasciale. On applique trois à cinq cycles de contractions de deux à quatre secondes, entre chaque cycle on augmente la longueur du muscle en cherchant une nouvelle barrière fasciale ;
Mécanisme
– On rompt les adhérences entre les aponévroses musculaires et à l’intérieur du muscle.
Indications
– Rétraction myofasciale.
Contraction isotonique concentrique (CIC)
Principes
– La contraction produit un mouvement : la force de contraction développée par le patient est plus grande que la force de résistance du thérapeute. Un rapprochement origine–insertion se produit ;
– on commence la technique en course musculaire moyenne. Le patient développe progressivement une force plus grande pour utiliser davantage d’unités motrices au niveau de la plaque motrice ;
– le thérapeute augmente sa résistance dans la même proportion en laissant le muscle se raccourcir ;
– on utilise cinq à sept cycles de contractions de trois–quatre secondes.
Indications
– Tonifier un muscle hypotonique dans le cadre d’un déséquilibre postural,
– diminuer une hypermobilité.
Techniques de relaxation myofasciale
Le principe de base de cette technique est de détendre les tissus squelettiques myofasciaux.
On cherche la barrière fasciale localement : c’est pourquoi on utilise principalement :
– la traction axiale ;
– la torsion pour focaliser l’action.
On utilise également pour renforcer l’action, la mise en tension indirecte des articulations voisines, de manière indirecte : rachis cervical, ceinture scapulaire ou pelvienne.
La tension maximale se conserve durant plusieurs cycles respiratoires, jusqu’à parvenir à la relaxation tissulaire. C’est un travail des chaînes myofasciales (figures 13.4, 13.5).
Figure 13.4 |
Figure 13.5 |
C’est précisément l’inverse d’une technique fonctionnelle.
Technique Moneyron
Il y a plusieurs dizaines d’années, Moneyron, physiothérapeute français, a commencé à traiter ses patients en développant cette technique.
Cette technique donne habituellement des résultats intéressants sur une ou deux séances de traitement : le résultat est immédiat.
Ses indications sont la rhumatologie et la traumatologie. Elle agit sur des pathologies diverses comme les rachialgies aiguës ou torticolis, la sciatique ou la névralgie cervicobrachiale. Elle donne des résultats étonnants dans les entorses de cheville et du genou, sur les tendinites de l’épaule et sur toutes les articulations.
Le principe de la méthode est « d’entrer directement dans le symptôme du patient », chaque zone du corps a des « points majeurs ou clés » spécifiques.
La technique consiste en l’application de pressions ou de tractions dynamiques sur les tendons, le plus près possible de leurs insertions, grâce à un test de tension à un ou plusieurs doigts. On fait vibrer le tendon comme la corde d’une guitare jusqu’à obtenir la sensation de relaxation de la tension tendineuse sous les doigts du thérapeute.
La technique Moneyron est avant tout une technique de tissus mous. On n’applique aucun thrust articulaire, mais cette technique donne des résultats parfois meilleurs qu’une manipulation avec impulsion et n’implique pas ses contre-indications.
Techniques avec thrusts [16, 28, 30, 33, 44, 45, 47, 49, 63, 66, 69–72, 86, 87, 89]
Dans aucun cas elles doivent être effectuées hors des limites physiologiques des amplitudes de mouvement : dans les techniques indirectes, si nous employons une vitesse suffisante, la séparation des facettes articulaires peut être obtenue même au milieu des amplitudes articulaires et sans provoquer de traumatisme ; ce type de technique a été essentiellement développé à la British School of Osteopathy par L. Hartman [33].
NOTE : Contre-indications des manipulations vertébrales [18, 34, 47, 65, 67, 72] Ce sont celles inhérentes à certaines pathologies qui fragilisent les tissus – traumatismes (ruptures, entorses du 3 e degré, luxations) ;
– tumeurs osseuses ;
– infections (spondylodiscite) ;
– rhumatismes inflammatoires (pelvipondylite ankylosante, arthrite rhumatoïde, syndrome oculo-urétro-synovial de Reiter) ;
– syndrome de Barre-Liou ;
– vasculaires (anévrismes, insuffisance vertébrobasilaire) ;
– métaboliques (ostéoporose importante) ;
– congénitales (malformations charnière occipito- atloïdal, malformation d’Arnold Chiari…) ;
– syndromes hyperalgiques associés à des pathologies neurologiques ;
– psychiques (hystérie, névrose d’angoisse) ;
– paralysie périphérique ou centrale.
Mécanismes d’action des manipulations
Le thrust est appliqué parallèlement ou perpendiculairement au plan articulaire dans une des directions contre la barrière de l’articulation fixée.
La surprise des défenses physiologiques articulaires et la séparation brusque des surfaces articulaires surprennent le système nerveux central et provoque un « black out sensoriel local », le cercle vicieux irritatif qui maintient le spasme des petits muscles monoarticulaires (transversaires épineux, etc.) se rompt et ainsi le tonus musculaire peut être régularisé.
Il est probable qu’après cette séparation à 90° des facettes articulaires le retour au contact soit effectué avec une meilleure congruence des surfaces articulaires non génératrice d’irritation.
Claquement articulaire
Pendant une manipulation, la pression intraarticulaire chute, réduisant ainsi la valeur de la pression de saturation et permettant à certaines substances de se libérer (formation de gaz) comme l’azote et le dioxide de carbone [8].
Cette libération se fait rapidement vu que l’énergie produite (le thrust) est faite à haute vitesse.
Il existe ainsi un changement presque instantané de la compliance articulaire (variation du volume par rapport à la variation de pression).
L’articulation reçoit alors une mise en tension de son appareil ligamentaire (surtout celle de la synoviale contre la capsule) provoquant ainsi le fameux clac (figure 13.6).
Figure 13.6 |
Les traitements manipulatifs vertébraux sont accompagnés souvent de claquement audible [90]. Ce bruit de claquement articulaire est typiquement associé à la cavitation dans les facettes vertébrales, en fait il peut être obtenu sur n’importe quelle articulation du corps. On pense que la cavitation est un aspect important dans le traitement manipulatif vertébral, de nombreux thérapeutes font confiance à ce bruit pour juger de l’efficacité de leur traitement, et peuvent répéter une manipulation s’ils n’ont pas entendu le son de la cavitation.
Le but de l’étude [35] d’Herzog et al. fut de confirmer la perception d’un thérapeute d’une cavitation lors de traitements manipulatifs vertébraux dans une situation cliniquement adéquate en utilisant des enregistrements par accéléromètre. L’on suppose que la cavitation résulte d’une accélération de haute fréquence et d’amplitude plus grande que l’accélération associée à l’impulsion manipulative. Ils mesurèrent les signes d’accélération instantanés obtenus à partir d’une manipulation directe sur l’apophyse épineuse de T3 et d’une perception du thérapeute de la cavitation à la fin de chaque manipulation. Vingt-huit patients symptomatiques reçurent une manipulation de T4. Les manipulations furent effectuées avec les patients en décubitus dorsal en utilisant un contact unilatéral renforcé sur la apophyse transverse de T4 et en donnant une impulsion de direction postéroantérieure. Les signaux d’accélération pendant le traitement étaient mesurés en utilisant un accéléromètre uniaxial (Dytran 3115 A) fixé sur le processus épineux de T3 avec un ruban adhésif double. Les signes d’accélération se sont amplifiés, la bande de fréquence filtrée (3 Hz à 1 kHz), transmis en ligne à un enregistreur FM, et finalement digitalisé (2000 Hz) et régulé en amplitude sur un ordinateur.
Il résulte que la cavitation peut être mesurée lors de traitements manipulatifs vertébraux utilisant l’accélérométrie et que la perception du thérapeute de l’existence de la cavitation est très précise lors de traitements manipulatifs vertébraux.
Mécanismes d’actions des manipulations lombaires [40, 64]
Action mécanique
Au niveau du disque intervertébral, la manipulation peut produire un déplacement du nucléus au sein du disque ou elle favorise la réabsortion de la protrusion discale.
Au niveau des apophyses articulaires, la manipulation ouvre la facette et libère le ménisque synovial, en restaurant le jeu articulaire. Elle supprime les adhérences (figure 13.7).
Figure 13.7 |
La manipulation ouvre le trou de conjonction.
La manipulation agit sur le disque et l’hernie discale.
Action réflexe
L’étirement de la capsule articulaire pendant la séparation des facettes stimule les récepteurs de Paccini, l’information sensitive va le long des fibres afférentes jusqu’à la corne postérieure de la moelle épinière : à ce niveau, il se produit une inhibition des motoneurones alpha et gamma, et par conséquent une inhibition du spasme musculaire qui fixe la dysfonction articulaire. Les manipulations induisent un effet inhibiteur du spasme musculaire par la stimulation des mécanorécepteurs capsulaires (figure 13.8) :
Figure 13.8 |
– réactions neurovégétatives locales et à distance dans l’ensemble du métamère. Stimuler les centres sympathiques pour obtenir la rupture de l’arc réflexe neurovégétatif pathologique ;
– effet analgésique immédiat (théorie du gate control de Melzack et Wall, plus action libératrice d’endorphines). Puisque nous savons que les manipulations lumbar roll ne font pas toujours disparaître la hernie discale, il faut chercher une autre explication à la disparition ou la diminution des symptômes. À partir de la capsule articulaire naissent deux types de fibres nerveuses qui vont à la corne postérieure de la moelle épinière :
• fibres de gros diamètre qui véhiculent les informations sur la position articulaire et sur le mouvement ;
• fibres de petit diamètre qui véhiculent des informations douloureuses. Dans la manipulation une stimulation massive des fibres de gros diamètre se produit parce qu’on ouvre l’articulation, et de manière réflexe la stimulation de fibres de petit diamètre qui transmettent la douleur s’arrête (figure 13.9).
Figure 13.9 |
Le patient ressent alors moins de douleur et davantage de mobilité (il s’agit du même principe que pour les exercices qui ferment la porte aux messages des fibres de petit diamètre).
Celui-ci est aussi le principe du « gate control system » de Melzack et Wall [92].
Au niveau supramédulaire, les informations reçues à travers les fibres de gros diamètre sont responsables de la production durable d’endorphines avec un important effet antalgique, ces endorphines prendraient la relève de l’effet antalgique immédiat dans l’heure qui suit la manipulation, pendant plusieurs heures.
Réflexe neurovasculaire local et dans le métamère (effet aspirine). L’ouverture du trou de conjugaison est accompagnée d’un réflexe neurovasculaire qui combat l’œdème du tissu conjonctif du canal rachidien, et ainsi l’inflammation (figure 13.10).
Figure 13.10 |
D’autre part le réflexe neurovasculaire provoque une vasodilatation qui augmente la vascularisation de la racine nerveuse ischémique.
Action ou effet placebo
– Contact physique avec le thérapeute.
– Bruit articulaire (libération de gaz intraarticulaires due à la brusque séparation articulaire).
– Objectifs des techniques avec thrust :
• rompre les adhérences et libérer le ménisque synovial ;
• faire que les facettes articulaires puissent glisser et restaurer la fonction articulaire ;
• normalisation du système vasculaire local ;
• provoquer un réflexe afférent ;
• diminuer la pression intradiscale.
Les réactions au traitement
Parfois il existe un « feed back » grâce aux tissus ou au psychisme du patient qui se traduit par des réactions douloureuses : parfois il est difficile d’utiliser la force minimale nécessaire au traitement. Étant donné la « mémoire » musculaire, il est nécessaire de répéter plusieurs fois les processus thérapeutiques, la rapidité du résultat dépend de l’état de santé général du patient, de l’état de ses tissus et il est rare d’effectuer un seul traitement « miraculeux ».
NOTES
– Le claquement articulaire est du à la libération de gaz (80 % de dioxyde de carbone).
– Le thrust produit une augmentation de l’espace intra-articulaire de 0,88 mm, tandis qu’une autre technique sans thrust qui ne produit pas de craquement articulaire, s’accompagne d’une augmentation de l’espace intra-articulaire de 0,45 mm.
– L’augmentation d’amplitude articulaire n’est pas due à la cavitation mais bien sûr à l’étirement des tissus mous qui activent les mécanorécepteurs, ce qui produit un réflexe médullaire de relaxation. Pour cette raison le thrust est la technique la plus réflexogène.
Manipulations en lumbar roll et hernies discales
Le rôle de la rotation vertébrale dans la pathogénie des hernies discales lombaires est très contesté [59].
Selon Malawski et al. [51] des complications causées par des manipulations se sont présentées dans trois cas. En premier, il n’y eut pas de diagnostic médical différentiel. D’autre part, dans tous les cas les noyaux pulpeux faisaient protrusion contre le ligament postérieur ou bien dans le canal vertébral. Il en a résulté une aggravation marquée de l’état clinique du patient. Le mécanisme du dommage discal a été déterminé durant la chirurgie. Les auteurs concluent que la thérapie manuelle non précédée par un diagnostic précis est très risquée.
Farfan [25, 26] a été le premier en 1970 à préconiser l’idée que les stress en torsion causent une dégénérescence discale ; cette idée a fait penser, autant aux ostéopathes qu’aux chiropracteurs, que la rotation doit être évitée lors des manipulations lombaires en cas de lésion discale.
Pour détériorer un disque sain, selon Farfan, la rotation doit avoir une amplitude de 22,6° et pour un disque pathologique de 14,3° ; toutefois, d’un point de vue biomécanique le degré de rotation possible au niveau des facettes articulaires lombaires est nettement moindre. Cette rotation au niveau lombaire est physiologiquement comprise entre 2 et 3° ; pour que la rotation puisse détériorer le disque intervertébral, il est nécessaire de produire avant une fracture des facettes articulaires postérieures.
Les forces de pression sur le disque intervertébral sont minimales en rotation (tableaux 13.1, 13.2).
Niveau | Flexion | Extension | Latéroflexion | Rotation |
---|---|---|---|---|
L1–L2 | 8° | 5° | 10° | 2° |
L2–L3 | 10° | 3° | 11° | 2° |
L3–1,4 | 12° | 1° | 10° | 3° |
L4–L5 | 13° | 2° | 6° | 3° |
L5–S1 | 9° | 5° | 3° | 2° |
Mouvements | Pression |
---|---|
Flexion | 267 kgPA |
Extension | 49 kgPA |
Rotation | 32 kgPA |
Les pressions sont maximales, surtout en flexion et en latéroflexion, par conséquent, la flexion lombaire comme bras de levier devra être évitée s’il existe une lésion discale.
Il n’y a pas parallélisme entre l’importance de la hernie discale et les symptômes, il est communément admis que la hernie discale comprime rarement la racine nerveuse, c’est le problème mécanique qui engendre une inflammation et un œdème qui seront les responsables de l’irritation. Le disque libère une substance algogène, l’immunoglobuline G 51 qui paraît avoir un rôle important dans l’irritation nerveuse.
Le traitement au moyen de manipulations par lumbar roll provoque une diminution des douleurs dans 80 % des cas de névralgies sciatiques [58].
Les manipulations en rotation dans de nombreux cas contrôlés radiologiquement, provoquent une diminution de la taille de la hernie discale [23]. Toutefois, d’autres études montrent que malgré la disparition de la douleur, la taille de la hernie ne varie pas.
Lors d’une manipulation en rotation, la facette supérieure s’ouvre et le centre du mouvement n’est pas au niveau du disque intervertébral, mais au niveau de la facette opposée [11] (figure 13.11).
Figure 13.11 |
Ceci permet d’étirer les ligaments et les muscles mono-articulaires, en plus d’ouvrir la facette articulaire. La mise en tension ne doit pas provoquer de douleur, si c’est le cas, la manipulation est contre-indiquée comme dans le cas d’une sténose du canal médullaire.
Les techniques utilisées sont indirectes ou semi-directes, du type « push move » ou « pull move », le rachis lombaire en très légère extension. Si on évite la flexion et si on utilise peu de latéroflexion, la technique est indolore et sans danger.
Maigne et Guillon [48], pour démontrer le mouvement relatif vertébral et les variations des pressions intradiscales lors de manipulations vertébrales lombaires en flexion et en extension, ont étudié les effets des manipulations sur deux cadavres frais non embaumés. Un censeur de pression fut inséré dans le disque L3–L 4 du cadavre 1 et dans les disques L1–L2 jusqu’à L4–L5 du cadavre 2. Les deux vertèbres adjacentes (L3 et L4 sur le cadavre 1, et L4 et L5 sur le cadavre 2) étaient chacune équipées de deux accéléromètres mono-axiales pour enregistrer l’accélération sur l’axe caudocranéal et un autre biaxial, pour enregistrer les mouvements de la vertèbre adjacente. Pendant le thrust, des mouvements intervertébraux relatifs ont été démontrés ; les mouvements ont différé selon le type de manipulation (flexion ou extension). La pression intradiscale a initialement augmenté et ensuite a diminué. Ils ont conclus que les manipulations vertébrales lombaires ont un effet biomécanique sur les disques intervertébraux, en produisant un changement bref mais marqué sur la pression intradiscale. Cet effet diffère légèrement des différents types de manipulation. La manipulation vertébrale est une modalité largement utilisée pour le traitement de la douleur lombaire.
Plusieurs travaux publiés ont montré récemment que la manipulation était bénéfique dans la lombalgie. Toutefois, le mécanisme est inconnu.
Shekelle [78] a identifié quatre effets :
– libération du ménisque synovial pincé ;
– relaxation des muscles hypertoniques par l’étirement soudain ;
– rupture des adhérences articulaires ou périarticulaires ;
– libération des mouvements des segments qui ont souffert d’un déplacement disproportionné.
Parce que le disque intervertébral est le composant principal du segment de mouvement [16, 27] les modifications de pression intradiscale et les mouvements de la vertèbre adjacente au moment du thrust manipulatif sont des aspects importants. On a montré sur les cadavres en utilisant des broches mises sur les apophyses épineuses T10, T11 et T12, que le thrust est accompagné d’un mouvement relatif de la vertèbre. La conclusion logique serait que ce mouvement puisse affecter la pression intradiscale. Quelques auteurs ont suggéré, toutefois, qu’une chute de pression sur les disques pourrait jouer un rôle dans la manipulation lombaire ou cervicale [32] (figure 13.12).
Figure 13.12 |
Pour la seconde manipulation (manipulation en extension), le cadavre fut placé sur son côté droit en décubitus latéral, la hanche en extension complète et le rachis lombaire en extension. L’avant-bras de l’opérateur était perpendiculaire au plan lombaire. L’impulsion était appliquée par la main de l’opérateur en angle droit de l’axe de la colonne. L’objectif était de produire une rotation de la colonne lombosacrée et de forcer l’extension (figure 13.13).
Figure 13.13 |
Maigne et Guillon [48] réalisèrent deux manipulations en flexion et deux manipulations en extension sur chaque cadavre ; le nombre total de tests était de huit.
Le début des variations de la pression intradiscale était rapide (moins de 200 msec) avec les manipulations en flexion et plus lent (400–700 msec) avec les manipulations en extension. Maigne et Guillon [48] observèrent une augmentation de pression lors de la première phase du thrust (valeur moyenne, 0,5 ± 0,17 barre), suivie par une chute de la pression pendant la phase tardive (valeur moyenne, 0,65 ± 0,2 barre) (figure 13.14).
Figure 13.14 |
– ligament vertébral commun postérieur et à travers de lui sur le disque intervertébral ;
– périoste de la paroi antérieure du conduit rachidien et trous intervertébraux (figure 13.15).
Figure 13.15 |
Ils représentent un important système de stabilisation ventrale du contenu neural rachiforaminal, ces auteurs ont trouvé de solides adhérences à d’anciennes protrusions, au niveau duquel la mobilité du sac dural s’avérait pratiquement nulle. L’insertion sur des structures riches en innervation d’origine segmentaire fait supposer que les ligaments duraux coparticipent de cette innervation métamérique ; il ne paraît pas exclu de supposer que la traction de ces derniers puisse être, par elle-même, une cause ajoutée ou une source principale de douleurs irradiées. Les ligaments duraux résultent de structures résiduelles du mésenchyme dorsal primitif, recevant la même innervation de nature segmentaire caractéristique des structures anatomiques sur lesquelles ils s’insèrent. On peut, pour cette raison, conclure que la noxa mécanique (compression–élongation) sur ces derniers peut être une cause ajoutée ou une douleur rachidienne principale. On leur attribue un rôle stabilisateur et protecteur ventral du sac dural et de ses prolongations radiculaires dans le conduit rachidien.
Les racines épineuses sont fixées :
– latéralement, sur les berges du trou de conjugaison intervertébral par l’insertion de la duremère ;
– médialement par les ligaments duraux (figure 13.16).