13: Deuils compliqués et psychothérapie de soutien

Chapitre 13 Deuils compliqués et psychothérapie de soutien



L. Schmitt


Tous les deuils ne sont pas identiques. Certains sont brutaux, inattendus et accidentels, d’autres sont annoncés, prévisibles, parfois souhaités. Le deuil représente une expérience humaine obligatoire, et chaque individu l’éprouvera à plusieurs reprises dans son existence. Le monde occidental redoutant la souffrance et son expression estompe progressivement les rituels sociaux du deuil. Les règles sociales et les usages – voile, registre de condoléances, visite à la famille, cartes, etc. – tendent à disparaître. Porter le deuil ou l’exprimer par une marque vestimentaire sont devenus des pratiques plus rares. Or, le deuil d’une personne fonctionne comme un processus étagé dans la durée. Au début, les sentiments de tristesse, de détresse ou d’angoisse, et les pleurs sont continus. Progressivement, ils évoluent par vagues ou bouffées d’abord spontanées, puis initiées par une image ou une parole. Le deuil aigu s’inscrit dans les premières semaines et sensiblement dans les 3 premiers mois après une disparition. Puis s’installe un processus dit de travail de deuil où se mélangent la souffrance, la démoralisation, l’insomnie mais aussi une réflexion sur la perte ou un mélange d’acceptation et de renoncement.


Le processus de deuil fait progressivement évoluer les pensées tristes, les pleurs et les images de la personne défunte vers une constitution de souvenirs moins présents et moins douloureux. La dernière partie de ce processus de transition ouvre une porte vers la reprise d’un fonctionnement retrouvé dans l’existence et une ouverture vers d’autres projets et d’autres investissements.



Comment un deuil est-il compliqué ?


Tous les deuils représentent des périodes douloureuses, et on ne peut pas définir avec précision un seuil où le deuil deviendrait compliqué. Cependant, on considère qu’il faut se donner 6 mois après la disparition d’un être aimé avant d’envisager un tel diagnostic. Parmi les éléments symptomatiques de la complication du deuil, cinq apparaissent importants :



Les symptômes du deuil compliqué comportent des intrusions de pensées, des signes d’évitement et des altérations du sommeil sous la forme d’insomnies mais aussi de cauchemars où la personne décédée se manifeste. Ces différents symptômes créent une véritable gêne dans la vie de l’individu, qu’elle soit professionnelle, familiale ou de loisirs. Pour certains, ces troubles doivent durer au moins 6 mois ; pour d’autres, le diagnostic de deuil compliqué ne peut se faire qu’après la date anniversaire d’un deuil, soit au moins 14 mois après la survenue du décès.


D’autres complications symptomatiques existent, tels des phénomènes de dissociation sous la forme de déréalité, de flottement, de suspension du temps, ou le sentiment d’être coupé de ses actions et de ses émotions. On peut également voir apparaître des hallucinations, surtout auditives. On parle d’hallucinations de veuvage. On entend la voix de la personne disparue et on éprouve le sentiment qu’elle vous a appelé. D’autres modalités hallucinatoires comprennent l’impression d’une présence derrière soi ou dans la pièce à côté.


Dans ce contexte, il est utile de faire décrire à la personne ses symptômes, d’en nommer certains et d’expliquer comment évolue un deuil ainsi que le processus qui se déroule.



Pourquoi un deuil est-il compliqué ?


Il existe plusieurs éléments qui rendent compte de la complication d’un deuil. Ils appartiennent à des théories explicatives différentes ou à des contextes variés.



Les théories de l’attachement


Elles rendent compte du processus relationnel qui se manifeste dans les familles mais aussi pour des amis. L’attachement s’est forgé au fil du temps, a été rendu plus solide par de nombreuses rencontres et une fréquentation de proximité selon Bowlby (1988). L’attachement a pu engendrer un sentiment de sécurité, prenant la forme d’un tuteur qui a pu soutenir une personne durant de nombreuses années. Cet attachement est pour partie lié avec l’amitié, l’affection ou l’amour. Le deuil représente une fracture dans ce processus. Plus l’attachement était intense, plus le deuil sera source de difficultés.



La culpabilité


Elle s’exprime de plusieurs façons. Ce peut être la culpabilité de ne pas avoir été présent lors des derniers moments ou de n’avoir pas pu aider ou soulager une personne mourante. Des enfants éloignés géographiquement ou des conjoints absents au dernier moment expriment cette forme de culpabilité. Une autre manifestation de la culpabilité apparaît lorsqu’une personne plus jeune, comme un enfant ou un adolescent, décède avant ses parents. Il s’agit d’un bouleversement de l’ordre habituel des disparitions dans les générations. Quelqu’un qui devait vous survivre décède avant vous.


D’autres manifestations de la culpabilité, plus subtiles, apparaissent quand on a pu nourrir des sentiments un peu hostiles à l’encontre de la personne décédée. Il arrive que ces situations surviennent entre frères et sœurs ou après des conflits familiaux ou des divorces. Ces sentiments peuvent se justifier par des comportements ou des paroles déplaisantes de la part du défunt. Et l’idée que la mort doit effacer même les mauvaises actions conduit à un sentiment de mal-être lorsqu’on a éprouvé des idées d’hostilité ou de mort vis-à-vis de la personne disparue. Il faut pouvoir confronter le sujet à ses sentiments de culpabilité et, avec lui, en clarifier l’origine.


Il est toujours utile de préciser des pensées ambivalentes et d’exprimer des émotions négatives afin qu’elles ne restent pas enfouies et enkystées à l’intérieur du sujet.


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Apr 23, 2017 | Posted by in MÉDECINE COMPLÉMENTAIRE ET PROFESSIONNELLE | Comments Off on 13: Deuils compliqués et psychothérapie de soutien

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