13 Anesthésie locorégionale ophtalmologique échoguidée
Depuis la fin des années 1800 et sa description officielle par Atkinson au début du xxe siècle, le BRB est resté la technique d’anesthésie locorégionale préférée pour la chirurgie ophtalmologique [1,2]. Ses avantages incluent la survenue rapide d’une akinésie profonde et une analgésie avec de faibles volumes d’anesthésique local. Cependant, dans l’espoir d’éviter des complications graves, telles que les ponctions du globe, les hémorragies et l’anesthésie du tronc cérébral, le BRB a été largement supplanté par d’autres méthodes. Les BPB peuvent présenter un profil plus sécuritaire, car les aiguilles sont placées dans l’orbite en dehors du cône musculaire avec moins de profondeur et d’angulation [3]. On observe un délai d’installation du bloc complet plus long et un volume d’anesthésique local nécessaire plus important ; cependant, le risque de séquelles graves existe quand même [4]. Les BST se veulent moins dangereux étant donné qu’ils sont réalisés avec des canules au lieu d’aiguilles. De petits saignements conjonctivaux et un chémosis sont souvent observés. La réinjection peropératoire d’anesthésique local peut être nécessaire. Compte tenu de l’augmentation du nombre de BST réalisés, on observe parallèlement une augmentation du nombre de complications graves décrites dans la littérature comprenant les effractions du globe, les hémorragies sévères et l’anesthésie du tronc cérébral [5,6].
Anatomie ophtalmique et anatomie échographique
L’orbite est de forme pyramidale, s’étendant de son apex au niveau postérieur à sa base au niveau antérieur [7]. L’orbite représente un volume de 30 ml. Le globe, les artères, les veines, les nerfs, les muscles, les glandes lacrymales, les tissus conjonctifs et la graisse sont logés dans ce petit espace. Le nerf optique entrant dans l’orbite par le canal optique est en forme de S et est relâché lorsque le globe regarde devant lui, en position neutre. Cette configuration relâchée permet d’éviter que le nerf ne soit excessivement tendu lors du regard latéral ou médial. L’artère et la veine ophtalmiques ainsi que leurs branches et subdivisions pénètrent l’orbite faisant saillie, principalement dans la moitie supérieure. Les muscles droits prennent leur origine au niveau de l’anneau tendineux de Zinn, se dirigent en avant et s’insèrent sur le globe formant la base du cône musculaire. Les muscles droit supérieur, inférieur, petit oblique et droit interne sont innervés par les branches du nerf oculomoteur. Le nerf abducens (nerf moteur oculaire externe) fournit l’innervation motrice du muscle droit externe et le nerf trochléaire innerve le muscle oblique supérieur. Le nerf trochléaire repose à l’origine en dehors du cône musculaire, pénétrant dans celui-ci au niveau distal. L’innervation sensitive provient du nerf ophtalmique, la première branche du nerf trijumeau. L’anesthésie locorégionale ophtalmologique échoguidée est réalisée avec une insertion de l’aiguille juste au-dessus du bord orbitaire inférolatéral et la sonde d’échographie positionnée au-dessus de l’œil de façon à ce que le faisceau d’ultrasons puisse être orienté en transoculaire. Une sonde échographique de 6 à 13 MHz peut faciliter l’identification des structures orbitaires et de l’aiguille et offrir le compromis optimal entre les priorités de pénétration et de résolution. L’espace nécessaire au trajet de l’aiguille peut être diminué en raison du déplacement caudal du globe oculaire par la sonde d’échographie, le risque de traumatisme dû à l’aiguille étant alors augmenté. En conséquence, la sonde doit être positionnée avec précautions en appliquant une pression minimale. La frontière entre le globe et l’orbite est facilement visualisée compte tenu du fait que ces tissus ont une impédance acoustique nettement différente (figure 13.1). Le vitré, qui constitue la majorité du contenu du globe, apparaît de façon anéchogène, alors que le contenu orbitaire externe à l’œil est plus échogène. Des artéfacts de réflexion et de réverbération créés par l’aiguille ne sont pas rares en intra-orbitaire (figure 13.2). Le nerf optique est moins échogène que la graisse orbitaire, qui tend à créer une ombre acoustique, le nerf n’étant souvent pas distinctement délimité. Le bord osseux infra-orbitaire peut devenir apparent après rotation de la sonde échographique. Les repères vasculaires ne sont pas utilisés en anesthésie locorégionale ophtalmologique ; de ce fait, le mode Doppler couleur n’est pas employé en routine ; cependant, il arrive que des pulsations de l’artère ophtalmique soient notées occasionnellement.
Technique de bloc échoguidé à l’aiguille
Par rapport aux autres techniques d’anesthésie locorégionale utilisant l’échoguidage pour faciliter le positionnement de l’extrémité de l’aiguille à proximité des troncs nerveux tout en évitant les structures vasculaires, l’utilité principale de l’échographie pour l’anesthésie locorégionale ophtalmologique est d’éviter les traumatismes du globe et du nerf optique par l’aiguille. Les anesthésistes et les ophtalmologistes utilisent régulièrement l’histoire de la maladie, l’examen des repères cutanés, la longueur axiale prédéterminée et la connaissance de l’anatomie de l’orbite afin de réaliser une injection à l’aveugle d’anesthésique local [8]. Idéalement, en utilisant la visualisation en temps réel de l’aiguille et sa progression au niveau de l’orbite, les praticiens peuvent s’assurer d’éviter les mésaventures liées aux techniques de bloc à l’aiguille.
Après obtention de l’accord éclairé du patient et mise en place du monitorage standard, il faut reconfirmer quel œil doit être opéré avant le début de l’anesthésie. On demande au patient, en décubitus dorsal, les bras sur les côtés, de regarder devant lui de façon à ce que le globe reste dans une position neutre et que le nerf optique soit relâché. L’anesthésiste se place habituellement du côté de l’œil à bloquer avec le monitorage dans le champ de vision du côté opposé à la tête du patient. La sonde est recouverte d’un film protecteur transparent (Bioclusive Select, Johnson & Johnson Medical Limited, Skipton, Royaume-Uni) et du gel échographique hydrosoluble (Aquasonic® 100, Parker Laboratories, Fairfield, États-Unis). La sonde est appliquée sur la paupière supérieure. La sonde échographique est positionnée sur le bord supra-orbitaire et une image transoculaire du globe et de l’espace intraorbitaire environnant est obtenue. L’orientation correcte de la sonde est confirmée en inclinant doucement un côté de la sonde sur la paupière. Une vue de la totalité du globe est obtenue après ajustement de la profondeur et de la fréquence. Dans notre expérience (University of Miami Miller School of Medicine’s Bascom Palmer Eye Institute), deux appareils sont utilisés : le MicroMaxx® (SonoSite, Bothell, États-Unis) et le I3 BDv2® (I3 Innovative Imaging, Sacramento, États-Unis). Le MicroMaxx® est équipé d’une sonde linéaire de 26 mm de type « club de golf » (SLA/13–6 MHz, référence P05174-10) avec une surface rectangulaire d’interface de 35 × 10 mm (figure 13.3). L’architecture géométrique de cette sonde limite son utilité à l’imagerie des structures orbitaires, étant donné que sa taille et sa configuration rectangulaire restreignent ses possibilités de positionnement au-dessus du globe. Il y a une tendance à empêcher l’alignement longitudinal de la sonde avec l’aiguille et par conséquent une plus grande facilité à adopter une orientation transverse (perpendiculaire) à l’origine d’une difficulté de visualisation du corps de l’aiguille (figure 13.4). À l’inverse, la petite taille de la sonde I3® et son profil circulaire (rayon de 9 mm) permettent un positionnement et une rotation des plans de vue plus faciles (figures 13.5 et 13.6). À la différence de la sonde du MicroMaxx® qui permet d’obtenir une distribution de la gamme de fréquence, la sonde I3® est fixée à 10 MHz.