12: Psychothérapie de soutien dans les crises suicidaires

Chapitre 12 Psychothérapie de soutien dans les crises suicidaires



S. Lorillard, L. Schmitt


Les crises suicidaires représentent des périodes de l’existence où l’idée de mourir, d’abord épisodique et combattue, devient acceptable ; parfois elle semble la seule solution envisageable. Une crise suicidaire est un processus qui s’étale sur 8 à 10 semaines. Durant cette crise, même s’il existe une disparition des idées suicidaires durant un ou deux jours, elles persistent de façon quiescente pour réapparaître quelques jours plus tard. La crise suicidaire représente une impasse des possibilités d’adaptation ou de raisonnement : seule la mort semble une solution. Au début de la crise existe une profonde ambivalence ; l’idée de mourir s’impose à l’esprit mais plusieurs arguments permettent de la repousser. Lorsque la crise dure, les idées se cristallisent ; elles vont devenir permanentes et se compléter par la construction de plans suicidaires de plus en plus structurés et par une mise en œuvre du geste – la tentative de suicide. La psychothérapie de soutien intervient à toutes les étapes de la crise suicidaire. À son début, il s’agit de préciser quels sont les facteurs, souvent implicites, qui amènent le thérapeute à aborder la question du suicide ; lors de la crise suicidaire, une approche structurée s’avère indispensable ; après un geste suicidaire se pose la question des formes de soutien que le thérapeute peut mettre en place.


Il n’est pas toujours facile d’aborder une crise suicidaire. Du côté du thérapeute, on retrouve deux lieux communs, faux tous les deux, gênants une exploration suicidaire. L’idée qu’aborder ce sujet peut favoriser le passage à l’acte présente un caractère naïf et dangereux. Naïf, car les patients n’ont besoin de personne pour transformer une souffrance en idée suicidaire ; dangereux, car l’absence d’évaluation est considérée come une faute technique. Si livrer ce type d’idéation soulage un patient, il arrive souvent que des résistances intrapsychiques, par honte, peur d’être hospitalisé, sentiment de faiblesse morale, fassent qu’une réponse négative soit donnée. Il ne faut pas hésiter à poser de nouveau cette question. Du côté des patients, certains pensent qu’exprimer des idées suicidaires traduit une forme grave de « folie ». D’autres redoutent l’hospitalisation et tairont soigneusement ces pensées. Enfin, certains sujets, extrêmement déterminés à mourir, répondront à plusieurs reprises négativement à une évaluation des idées suicidaires pour ne donner aucune prise à un processus thérapeutique. Il est alors utile de faire une avance de parole du type : « Vous traversez des circonstances difficiles ou dures à supporter ; chez certaines personnes apparaissent, dans ces moments-là, des idées de mort, d’en finir ou des idées très noires. Vous est-il arrivé de penser à arrêter votre vie ? » Mais la première question, souvent difficile selon le contexte, concerne la façon d’aborder ou de rechercher des idées suicidaires.



Comment vient l’idée d’interroger un patient sur des idées suicidaires ?






Les éléments implicites et parfois trompeurs


Quels sont ces petits signes qui, en dehors de tout contexte évocateur, peuvent amener un clinicien à poser la question de l’existence d’idées suicidaires ? Certains semblent tout à fait aspécifiques ; il peut s’agir d’une insomnie tenace, le patient peut exprimer une fatigue intense ou mentionner des douleurs persistantes qui gênent son quotidien. Dans d’autres cas, le patient se situe dans un processus diagnostique ou d’escalade d’examens complémentaires pour affirmer ou infirmer une pathologie. Ce processus peut être inquiétant en soi et laisser planer l’idée d’une maladie grave, cachée au patient. Devant des patients qui négligent de manière manifeste leur santé, on peut être amené à explorer une dépression et l’existence d’idées suicidaires. Il ne faut pas négliger une forme d’intuition que l’on ressent devant un sujet désabusé, un peu ironique, caustique ou irritable. Ce type de questionnement doit également être effectué dans des tranches d’âge particulières que sont les adolescents ou les sujets passant du troisième vers le quatrième âge, dans un contexte de pathologies associées. De façon analogue, des sujets toxicomanes manifestent des idées suicidaires qu’ils mettent en acte, soit en réduisant leurs précautions d’hygiène, soit en majorant les consommations de toxiques ou en étant moins regardant sur leur origine. Dans ces circonstances, il est possible que l’on soit amené à formuler une question de la façon suivante : « Il me semble que vous traversez une période difficile ; est-ce que cela a été si difficile qu’ont surgi de mauvaises pensées ou des idées noires ? »


Lorsqu’on a eu l’idée d’interroger un sujet sur l’existence de pensées suicidaires, un autre contexte, plus classique, concerne l’exploration d’une crise suicidaire. On doit à Jean-Louis Terra (2010) une excellente mise au point sur les stratégies à mettre en place devant une crise suicidaire avérée.



L’évaluation du potentiel suicidaire


Elle s’appuie sur une triade simple comportant une appréciation du risque, de l’urgence et de la dangerosité dans une crise suicidaire, d’où l’acronyme RUD (risque, urgence, danger).


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Apr 23, 2017 | Posted by in MÉDECINE COMPLÉMENTAIRE ET PROFESSIONNELLE | Comments Off on 12: Psychothérapie de soutien dans les crises suicidaires

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