12 Principes des blocs nerveux périphériques échoguidés
L’échographie haute résolution peut fournir une imagerie des nerfs en temps réel et permettre d’observer la diffusion de l’anesthésique local [1]. Les progrès technologiques des sondes échographiques ainsi que l’amélioration de la portabilité des échographes ont facilité le développement des blocs nerveux périphériques échoguidés (figure 12.1). Différents modèles de sondes échographique peuvent convenir pour la réalisation des blocs nerveux (figures 12.2 à 12.4). Le succès d’un bloc nerveux périphérique échoguidé nécessite une connaissance approfondie des coupes anatomiques ainsi qu’une bonne coordination entre les yeux, la sonde échographique et l’aiguille. Une amélioration du taux de succès des techniques de cathétérisme périnerveux est aussi possible [2,3].
Figure 12.1 Échographe portable avec sonde échographique linéaire HFL 38/13–6 MHz (MicroMaxx®, SonoSite).
Figure 12.2 Vue latérale d’une sonde échographique (type « club de golf ») SLA/13–6 MHZ (MicroMaxx®, SonoSite).
Apparence échographique des structures anatomiques pertinentes
En fonction de la quantité d’ondes captées par la sonde, les structures anatomiques prennent un degré d’échogénicité différent. Les os et les tendons bloquent la transmission des ondes ultrasonores, créant un fort signal réfléchi vers la sonde échographique, donnant à ces structures une apparence hyperéchogène (blanche, brillante) à l’écran. La figure 12.5 montre les propriétés hyperéchogènes des structures avoisinant les nerfs. Les structures avec un fort contenu en eau telles que les vaisseaux sanguins et les kystes apparaissent hypo-échogènes (noire ou sombre), car les ondes ultrasonores sont facilement transmises à travers ces structures et sont peu réfléchies. Les interfaces liquidiennes ont une apparence sombre (hypo-échogène), comme le montre la figure 12.6. Les structures de densité et d’impédance acoustique intermédiaire comme le parenchyme hépatique ou la glande thyroïde apparaissent en grisé. Le tissu nerveux est plus dense que les muscles et apparaît plus brillant (hyperéchogène). Les nerfs cheminent le long des bords d’autres structures, en particulier entre les différents groupes musculaires. Un fond brillant peut gêner la visualisation de structures plus discrètes dans le champ échographique. Les troncs du plexus brachial apparaissent creux à l’échographie (comme les vaisseaux sans débit) au niveau de l’espace interscalénique. Ces nerfs prennent un aspect en nid d’abeille lors de leur trajet plus périphérique. Ceci s’explique par la quantité de tissu conjonctif présent. Au niveau de la racine nerveuse, le tissu conjonctif est minime. Alors que le nerf devient plus périphérique, la quantité de tissu conjonctif augmente. Ceci est particulièrement vrai lorsque le nerf traverse une articulation. L’apparence caractéristique d’un nerf périphérique en section transverse est celle d’un paquet de pailles pour boire vu à son extrémité (figure 12.7). Les nerfs peuvent avoir une forme arrondie, ovalaire ou triangulaire et peuvent présenter ces trois formes au cours de leur cheminement. Les paquets neurovasculaires en section transverse peuvent avoir un aspect en grappe de raisin avec les artères et veines à la périphérie (figure 12.8). Les nerfs sont des structures dynamiques et peuvent être déplacés par l’avancée de l’aiguille ou la diffusion de l’anesthésique local. Un exemple d’une vue transverse du nerf musculocutané est représenté sur la figure 12.9, mettant en évidence des structures arrondies, ovalaires et triangulaires. En vue longitudinale, les nerfs apparaissent comme une structure rectangulaire allongée aux bords blancs brillants avec des stries au centre (aspect fasciculaire) (figure 12.10). Les racines cervicales (rameau ventral) ont une apparence monofasciculaire à l’échographie alors que les nerfs plus périphériques présentent un aspect fasciculaire interne caractérisé par des fascicules hypo-échogènes (sombres) entourés par du tissu conjonctif hyperéchogène (clair). En vue transverse, cela donne un aspect échographique en nid d’abeille [4]. L’identification du nerf peut être confirmée en balayant le trajet connu du nerf avec la sonde d’échographie. Le plan transverse (petit axe) est préféré pour le suivi du nerf le long de son trajet (« technique de l’ascenseur »). Bien que la vascularisation nerveuse puisse être mise en évidence par Doppler couleur chez les patients sains, l’imagerie Doppler est utile pour distinguer les petits nerfs des vaisseaux. De façon spécifique, un signal Doppler clair permet de faire la distinction entre un vaisseau et un nerf de petitetaille. À la différence des vaisseaux, les nerfs ne sont pas des structures compressibles. Les structures vasculaires sont facilement distinguables des autres cibles. Le Doppler couleur peut être utilisé pour détecter un flux. Alternativement, maintenir la sonde échographique immobile et rechercher l’aspect pulsatile des artères ; la pression avec la sonde échographique a pour effet de comprimer les veines. Les tendons ont une structure échographique similaire à celle des nerfs périphériques. La texture échographique des tendons consiste en un aspect fibrillaire : de fins échos linéaires ressemblant à des fibrilles avec des zones hypo-échogènes non prédominantes. Une sonde de 10 MHz peut permettre de différencier les aspects fasciculaires des aspects fibrillaires. De plus, les tendons se forment aux extrémités des muscles alors que les zones nerveuses sont uniformes le long du trajet des nerfs. Les tendons sont plus anisotropiques que les nerfs, avec l’intensité de l’écho variant substantiellement en fonction de l’angle d’insonation. Les ligaments peuvent ressembler aux nerfs à l’échographie, mais ils apparaissent plus denses que les nerfs, et ceci sur plusieurs angles de vue. Les tendons et les ligaments ont tendance à être plus proches des os. À l’échographie, les mouvements d’un membre peuvent produire des mouvements du tendon plus facilement observables que pour un nerf. L’utilisation de manœuvres dynamiques telles que la manœuvre de Valsalva, faire renifler ou avaler le patient peut aider à identifier les structures. Les mouvements musculaires tels que la contraction du biceps peuvent fournir des points de repères concernant les tissus mous. Le fait de déterminer des plans tissulaires en identifiant les muscles aide à l’identification des ligaments. Les sondes linéaires haute fréquence donnent la meilleure imagerie des nerfs [5]. L’affichage échographique des nerfs est réalisé par traitement des différents niveaux de gris ; cependant, l’encodage couleur des échos pourrait améliorer l’imagerie musculosquelettique [6].
Figure 12.5 Échographie mettant en évidence l’apparence de structures hyperéchogènes (blanches, brillantes).
Figure 12.6 Échographie mettant en évidence l’apparence de structures hypo-échogènes (noires, sombres).
Équipement échographique
L’échographie a bien des applications en anesthésie. L’imagerie vasculaire, nerveuse, l’échocardiographie peuvent être réalisées par la même machine si les sondes échographiques appropriées sont utilisées. La résolution des images nerveuses est améliorée lorsque de multiples lignes de cristaux à la surface de la sonde (à l’opposé d’une seule ligne de cristaux) émettent et reçoivent les ultrasons dans de multiples plans avant l’affichage final de l’image électroniquement reconstruite. Le Doppler couleur est un autre accessoire utile qui permet de différencier les structures vasculaires des structures non vasculaires (les nerfs, par exemple). Les unités compactes actuellement disponibles ne sont pas plus grandes qu’un ordinateur portable (figures 12.11 et 12.12). L’équipement nécessaire à la réalisation de blocs nerveux échoguidés (figures 12.13 et 12.14) comprend différents types d’aiguille (stimulantes et non stimulantes), des compresses, des OpSite® (Smith & Nephew, Largo, États-Unis) et un gel à base d’eau afin de maintenir le contact échographique. L’utilisation de films stériles ou d’OpSite® sur la sonde échographique permet la réalisation de bloc en condition aseptique (figures 12.15 et 12.16). L’agencement de la pièce où est réalisée l’anesthésie locorégionale doit permettre que les appareils de surveillance et l’écran de l’échographe soient dans le même champ de vision (figure 12.17).
Sondes échographiques
L’examen échographique des organes abdominaux profonds tels que le foie, la vésicule biliaire et les reins nécessite des sondes échographiques basse fréquence (3–5 MHz). À l’inverse, l’examen des structures superficielles telles que le plexus brachial nécessite des sondes échographiques haute fréquence (10–15 MHz) procurant une haute résolution axiale ; cependant, la pénétration du faisceau d’ultrasons est limitée à l’inverse à 3 ou 4 cm. Une sonde de plus basse fréquence (5–12 MHz) convient pour l’exploration des structures plus profondes telles que le plexus brachial au niveau de la région infraclaviculaire ou le nerf sciatique chez l’adulte [1].
Une variété de sondes échographiques aux caractéristiques et au design différents conviennent à l’anesthésie locorégionale. Des sondes échographiques, de différentes caractéristiques et empreintes cutanées, linéaires (figures 12.3 et 12.18) ou convexes (figure 12.4), sont disponibles pour convenir à des procédures particulières. Les sondes en « club de golf » (figure 12.2), possédant une empreinte cutanée réduite, sont utilisées pour l’anesthésie locorégionale en pédiatrie et les accès vasculaires. L’empreinte cutanée réduite permet une exploration plus aisée des structures de petite taille et une visualisation plus facile des petites aiguilles.