Préambule
Histoire du médicament
En Égypte
Plus tard, on retrouve en Égypte trois papyrus fondamentaux pour l’étude du médicament dans l’Antiquité : le papyrus de Smith, le papyrus de Brugsch et surtout le papyrus d’Ebers (figure 12.1). Ce dernier date de 1538 avant Jésus-Christ, il fait état de remèdes que l’on ne peut dissocier d’incantations et de formules au caractère divin. Les ingrédients sont parfois peu engageants, comme des déjections de mouche, de pélican ou encore de chauve-souris, de l’urine de femme, des yeux de porc, du sperme. Pour autant, malgré ces substances insolites, les autres ingrédients sont tout à fait rationnels comme l’aloès, l’absinthe, l’aneth, l’anis, le sulfate de cuivre, l’alun, le tilleul, la gomme arabique…La thérapeutique égyptienne est très évoluée : en effet, les collyres et pommades ophtalmiques sont monnaie courante, de même que l’opération de la cataracte. Les Égyptiens connaissent bon nombre de préparations galéniques qui n’ont rien à envier à celle du XIXe siècle : pilules, onguents, potions, cataplasmes, clystères.
Chez les Hébreux
Le médicament n’est pas oublié non plus dans la Bible, où l’Ancien Testament cite : « Le nard et le safran, le roseau aromatique et le cinnamome, Avec tous les arbres qui donnent l’encens ; La myrrhe et l’aloès » (Cantique des cantiques IV, verset 14), mais surtout le baume de Galaad qui aurait été un cicatrisant : « De la blessure de la fille de mon peuple je suis blessé, je reste accablé, l’épouvante me tient. N’y a-t-il plus de baume en Galaad ? N’y a-t-il là aucun médecin ? Oui, pourquoi ne fait-elle aucun progrès, la guérison de la fille de mon peuple ? » (Jérémie chapitre 8, versets 21 et 22).
En Grèce
On ne peut comprendre l’histoire du médicament sans aborder la Grèce antique, patrie d’Asclépios dieu de la médecine et de sa fille Hygie déesse de la Santé (figure 12.2). C’est la coupe de cette dernière et le serpent qu’elle tient qui formeront l’emblème de la pharmacie, emblème dont la première trace remonte à 1222 (où il fut utilisé pour la première fois par des apothicaires de Pise et de Padoue pour ne réapparaître qu’en 1796 sur les jetons de la société de pharmacie de Paris). En Grèce, les guérisseurs forment par ailleurs la caste des Asclépiades (figure 12.3).
Figure 12.3 Asclépios et son bâton
Aeskulap d’après Léon Noël, lithographie de Frey. Source : Images from the History of Medicine (IHM).
Plusieurs « écoles » de médecine furent créées : celle de Crotone et celle d’Alexandrie où officiaient Hérophile de Chalcédoine et Erasistrate de Céos. Bénéficiant de l’ouverture d’esprit des Ptolémée, ils purent disséquer des humains (voir en ce sens « Le temps des expériences », Chapitre 13).
Une autre école fut célèbre : l’école de Cos, l’école d’Hippocrate, « le père de la médecine ». Il naquit en 460 avant Jésus-Christ, étudia quelque temps en Égypte et sur l’île de Cos et s’installe en Thessalie où il exerce et enseigne. Il synthétise les connaissances anciennes et celle de l’époque : il rédige bien évidemment le serment éponyme et on lui attribue environ 70 ouvrages, bien que certains soient en fait ceux de ces disciples comme Polybe qui décrit dans La Nature de l’Homme la théorie des humeurs énoncée par son maître. Cette théorie selon laquelle les maladies du corps humain s’expliquent par un déséquilibre entre quatre humeurs : le sang, élément chaud-humide, le phlegme (ou pituite ou lymphe), froid et humide, la bile, jaune, chaude et sèche, et enfin l’atrabile ou bile noire, froide et sèche (figure 12.4). Afin de corriger ces déséquilibres, le médecin doit faire attention à l’alimentation du malade, et peut utiliser des purgatifs, des laxatifs, des diurétiques, etc. Hippocrate essaye d’apporter une certaine rationalité à la médecine et de se démarquer ainsi de la magie ou du religieux. D’autres médecins grecs furent renommés, comme Théophraste, un remarquable médecin botaniste qui écrivit De historia plantarum.
Rome
Mais le personnage le plus célèbre sera Galien (figure 12.5), appelé « le père de la pharmacie », car il s’attachera à décrire avec soin la fabrication des médicaments. Il naquit à Pergame, en Asie Mineure, autour de 130 après Jésus-Christ. Après de nombreux voyages, il devient le médecin personnel des empereurs Marc Aurèle, Commode et Septime Sévère. Inlassable chercheur, en soif de connaissances, il devient un adepte de la dissection des animaux, mais se refuse à disséquer les hommes, et réaffirme l’importance de l’observation et de l’expérimentation.
Figure 12.5 Galien
Dessin de Vigneron, lithographie de Grégoire et Deneux à Paris. Source : Collection BIU Santé Médecine.
C’est à Rome qu’Andromaque, médecin de Néron, réinvente un ancien mélange appelé mithridate et l’appelle thériaque. Les médecins d’alors étaient chargés de la préparation des médicaments et c’était un ensemble de castes qui était chargé de cueillir et gérer les plantes : les pigmentarii, les ungentarii et les aromatarii. La médecine était aussi pratiquée dans les camps militaires comme à Neuss où l’on retrouva une infirmerie avec des résidus d’aneth, de coriandre, de centaurée, de fenugrec, de verveine et de jusquiame.
En Gaule
Les Gaulois connaissaient et vénéraient de nombreuses plantes, à commencer par le gui, la verveine et le lycopode, mais aussi l’ail, la santonine, le nard celtique, le samolus, la petite centaurée, l’armoise et l’absinthe, la chélidoine, le lierre…. Nombre de ces plantes et de leurs utilisations sont décrites dans le traité De mendicamentis liber de Marcellus Burdigalensis, qui associe les remèdes de Pline l’ancien, ceux des médecins grecs et ceux du peuple gaulois. La préparation des médicaments n’était pas étrangère à nos ancêtres puisque plusieurs vestiges en témoignent, notamment une stèle du IIe siècle dite « stèle de la pharmacienne » (figure 12.6). L’on sait également que le peuple gaulois avait une très grande connaissance de l’ophtalmologie, sans savoir pourquoi cet art médical était si développé (on a retrouvé de nombreux cachets d’oculiste avec des formules de collyres en Gaule et de nombreux ex-voto dans le sanctuaire des sources de la Seine, actuellement conservés au musée Archéologique de Dijon).
Dans le monde arabe
À Bagdad, centre incontournable du monde arabe, seront créés les ancêtres des pharmaciens : les sayadila, profession réglementée et spécialisée dans la fabrication et la délivrance des médicaments. Les Arabes érigeront la pharmacie comme un art à part entière dont la place légitime est aux cotés de la médecine. Ainsi Cohen el Attar rapportait que : « La pharmacie, l’art des drogues et des boissons, est la plus noble des sciences avec la médecine ».
Parmi les grands médecins arabes, citons-en quelques-uns, parmi les plus connus :
• Ibn Zakariya al-Razi ou Rhazès (850–925), surnommé le Galien des Arabes, était médecin et alchimiste et aurait eu l’idée d’utiliser le mercure en pommade ;
• Abū’l-Qsim al-Zahrw ou Abulcassis (936–1013), qui était un grand chirurgien ;
• Ibn Sīn ou Avicenne (figure 12.7) (980–1037), probablement le plus grand médecin du monde arabe, rédigea le Canon de la médecine, un ouvrage exceptionnel qui rassemble les connaissances de l’Antiquité et du monde arabe et où environ 800 médicaments sont décrits. L’ouvrage sera traduit en latin au XIIe siècle par Gérard de Crémone.
La sombre époque du Moyen-Âge
Le temps des couvents
Ce sont surtout les bénédictins, dont le premier monastère ouvre à l’abbaye du Mont-Cassin, où travailla Constantin l’Africain, qui vont conserver les traités de la médecine arabe et les diffuser à l’Occident monastique. En effet, les bénédictins s’implantent partout en Europe, notamment à Cluny.
Les moines savent préparer les médicaments et savent cultiver les plantes dont ils ont besoin ; on appelle ces plantes les simples. La culture de ces simples se fait dans un lieu précis : l’herbularius. Charlemagne fera paraître un célèbre capitulaire : le capitulaire De Villis, qui, dans son article 70, décrit les plantes qui doivent composer les jardins. Le plus célèbre exemple sera le jardin de l’abbaye de Saint Gall (figure 12.8).
Figure 12.8 Le plan de Saint Gall Source originale : http://www.stgallplan.org (© University of California Los Angeles, University of Virginia, and University of Vienna). Retranscription de Mathieu Guerriaud.
La Renaissance et l’alchimie
Paracelse
Paracelse (figure 12.9) est un partisan de la médecine spagirique, autrement dit alchimique. Elle n’a pas pour but de transformer le plomb en or, mais de soigner, et mieux, de s’approcher de l’immortalité.