CHAPITRE 12 Implants accommodatifs
La chirurgie de la cataracte avec implantation intraoculaire est aujourd’hui devenue une procédure de routine. Il y a seulement deux générations, l’ablation d’un cristallin opaque était le seul but de cette chirurgie et l’extraction intracapsulaire du cristallin sans remplacement prothétique a ainsi été pendant plusieurs décennies la technique de référence.
Physiopathologie, mécanismes
On connaît l’augmentation continue du volume cristallinien au cours de la vie, modifiant ses relations avec la zonule, et d’autres études ont montré qu’il existait, avec l’âge, des modifications des propriétés élastiques du cristallin et de sa capsule. A contrario, d’autres travaux utilisant l’UBM ou l’IRM de haute résolution ont pointé la persistance de bonnes capacités contractiles du muscle ciliaire chez des sujets âgés, y compris chez des sujets pseudophaques, rendant compte des performances parfois étonnantes en vision de près de certains patients opérés de cataracte équipés d’implants monofocaux, et faisant parler de pseudoaccommodation ou d’accommodation apparente — le terme de pseudoaccommodation est en effet aujourd’hui plutôt utilisé pour rendre compte des performances en vision de près des yeux pour lesquels la chirurgie vise à créer un système bi- ou multifocal, qu’il s’agisse d’implants cristalliniens, réfractifs et/ou diffractifs ou d’une chirurgie cornéenne en presbyLASIK ou en kératotomies intrastromales au laser femtoseconde.
– opacification capsulaire majeure et globale;
– difficultés à réaliser l’ablation du cristallin au travers d’un petit orifice fait dans la cristalloïde antérieure, dont il faut en outre assurer ensuite l’étanchéité;
– erreurs réfractives non prédictibles et instables;
– inefficacité caractérisée par la faible amplitude d’accommodation obtenue.
Évaluation et mesure de l’effet des implants accommodatifs
MESURE OBJECTIVE DE L’AUGMENTATION DE PUISSANCE DIOPTRIQUE
RÉTINOSCOPIE DYNAMIQUE
La rétinoscopie est considérée comme une technique objective de mesure permettant de visualiser de façon directe la modification du pouvoir dioptrique de l’œil. La procédure « manuelle » traditionnelle repose cependant sur l’interprétation de celui qui procède à l’examen; ces résultats apparaissent assez peu reproductibles [47].
En revanche, les techniques de photorétinoscopie automatisée fournissent des mesures objectives de la réfraction. Plusieurs publications portant sur l’évaluation d’implants accommodatifs rapportent les résultats, intéressants du fait de leur reproductibilité, obtenus avec le photorétinoscope PowerRefrator® de la société PlusOptix (Allemagne), cet appareil permettant une mesure rapide de la réfraction, qui se fait simultanément de façon bilatérale. La précision et la prédictibilité des mesures ont pu être comparées à celles obtenues avec un autoréfractomètre Nidek®, le PowerRefractor® ayant en outre l’intérêt de mesurer la position de l’œil, la taille de la pupille et la dynamique de l’accommodation [3]. Un calibrage préalable de l’appareil est cependant nécessaire avant chaque patient.
J.S. Wolffsohn [49] rapporte ainsi, dans une étude portant sur vingt patients implantés avec l’implant 1CU®, une amplitude objective moyenne d’accommodation de 0,72 D, alors que l’amplitude subjective mesurée était de 2,24 D, la différence s’expliquant par la profondeur de champ des yeux implantés et par la nature asphérique de l’implant. L’étude montrait en outre une diminution dans le temps des performances accommodatives de l’implant.
AUTORÉFRACTOMÈTRES
Wolffsohn [49] rapporte cependant les résultats mesurés avec le Shin-Nippon® SRW 5000, autoréfractomètre réalisant des mesures en système ouvert et permettant un enregistrement continu objectif de l’accommodation dynamique.
ABERROMÈTRES
Cette méthode se heurte cependant aux mêmes limites que les autoréfractomètres en ce qui concerne le diamètre pupillaire et très peu d’études ont jusqu’à présent utilisé l’aberrométrie pour l’évaluation des implants accommodatifs. Dick et Kaiser [8] rapportent cependant en 2002 des résultats intéressants et reproductibles d’un aberromètre de type Hartmann-Shack pour analyser et comparer les résultats obtenus avec plusieurs implants qualifiés de « potentiellement accommodatifs ».
Cependant, malgré le caractère à la fois objectif et indépendant de l’observateur des mesures aberrométriques, elles sont généralement obtenues dans un espace fermé et avec un stimulus susceptible d’induire une myopie dite proximale ou instrumentale, et certains auteurs remettent de ce fait en question la précision et la reproductibilité des mesures de la réfraction effectuées en aberrométrie [32].
ANALYSE DES MOUVEMENTS DE L’OPTIQUE
Si ces différents appareils peuvent permettre de déterminer le déplacement axial d’une optique, ils ne mesurent en revanche pas de façon directe la modification de la puissance dioptrique de l’œil. Celle-ci peut cependant être calculée à l’aide d’une formule mathématique très simple, telle que proposée par McLeod [28]:
avec:
– ΔDc, modification du pouvoir dioptrique de l’œil;
– Dm, puissance dioptrique de la lentille mobile;
– Δs, modification de la position de la lentille, exprimée en millimètre.
La plupart des études qui ont essayé de mesurer le déplacement antérieur d’un implant accommodatif en réponse à un effort accommodatif ont utilisé une stimulation pharmacologique (test à la pilocarpine) du muscle ciliaire, le plus souvent par application topique de pilocarpine à 2 %, parfois couplée à des mesures faites, au contraire, après application de cyclopentolate destinée à entraîner une relaxation maximale du muscle ciliaire. Cette stimulation pharmacologique a l’avantage de ne pas dépendre de la compliance du patient, contrairement à l’accommodation induite par un stimulus visuel. Elle a cependant l’inconvénient de ne pas rendre compte de la réponse accommodative physiologique, puisqu’elle peut entraîner un véritable spasme accommodatif sans commune mesure avec celui produit par un stimulus visuel, conduisant à surestimer la réponse accommodative. Kriechbaum [19] a ainsi montré, dans un travail portant sur le 1CU® (cf. infra), que le déplacement antérieur moyen de l’implant était de 200 µm après pilocarpine, alors que les mouvements étaient non détectables avec un stimulus visuel.
Au total, l’évaluation idéale d’un implant accommodatif devrait associer des mesures objectives de la réfraction et des modifications biométriques, de préférence sans agent pharmacologique, afin de démontrer l’existence d’une réelle accommodation pseudo phaque en réponse à un stimulus visuel. Si les mesures subjectives de l’acuité visuelle ne peuvent évidemment pas être exclues d’une étude clinique, elles ne peuvent pas être le seul élément analysé.
Jusqu’à aujourd’hui, la plupart des études publiées portant sur des implants accommodatifs ont tendance à ne tenir compte que des résultats subjectifs, éventuellement associés aux résultats des stimulations pharmacologiques. À l’inverse, très peu de travaux ont analysé les modifications objectives de la réfraction et de la position des implants accommodatifs en réponse à des stimuli visuels. Une standardisation des méthodes objectives d’analyse de l’accommodation de l’œil pseudophaque paraît hautement souhaitable dans l’avenir [41].
Implants à optique unique
IMPLANT CRYSTALENS® AO (BAUSCH & LOMB)
L’optique a un diamètre de 5 mm et l’implant existe en deux versions, de 11,5 mm ou de 12 mm de diamètre hors-tout selon la puissance (fig. 12-1). De 33 D à 17 D, le diamètre est ainsi de 11,5 mm et passe à 12 mm pour les implants de 16,5 D à 10 D, destinés à des yeux myopes dont le sac capsulaire est susceptible d’être de plus grand diamètre.

Fig. 12-1 Implant Crystalens® AO.
a. Implant. b. Détail géométrique montrant l’articulation des haptiques.
(Avec l’aimable autorisation de Bausch & Lomb.)
DESCRIPTION, HISTORIQUE
Le septième design de cet implant correspond à l’implant Crystalens® AT45, qui fut utilisé pour la première fois en 1998 et qui fut le premier implant accommodatif à obtenir l’approbation de la FDA en 2003. Depuis lors, son dessin a encore été modifié à plusieurs reprises, pour aboutir aujourd’hui au Crystalens® AO (fig. 12-2), représentant la cinquième génération commercialisée de cet implant accommodatif qui est, encore aujourd’hui, le seul ayant reçu l’agrément de la FDA aux États-Unis.
Il a connu en vérité différentes évolutions de son dessin:
– l’AT45 fut la première version commercialisée par la société Eyeonics;
– l’AT45 SE fut la deuxième version, marquée par l’apparition d’un bord carré sur l’optique;
– le Five-O®, fut la troisième version, également dénommé AT-50 ou AT-52 selon le diamètre de l’implant : la demande des chirurgiens étant d’augmenter l’optique et d’améliorer la stabilité, l’optique passe de 4,5 mm à 5 mm et les haptiques sont élargies afin d’augmenter l’arc de contact; c’est l’implant qui a réellement lancé l’accommodatif aux États-Unis;
– le Crystalens® HD fut la quatrième génération, marquée par l’apparition d’une zone d’asphéricité négative au centre de l’optique (surépaisseur de 3 µm sur un diamètre de 1,5 mm), représentant une addition de 0,75 D au plan des lunettes; la société Eyeonics est rachetée par Bausch & Lomb pour le lancement du Crystalens® HD;
– le Crystalens® AO est la version actuelle, dans laquelle la pastille centrale a disparu; elle rendait en effet l’implant très sensible aux problèmes de centrage et générait des halos en cas de décen-trement; l’optique de la version AO est en outre plus fine, lui permettant de se cambrer de façon plus importante.
MODE D’ACTION
Ceci est intéressant lorsqu’on compare le Crystalens® AO au Crystalens® HD, qui en était la version précédente dans laquelle une petite pastille centrale de 1,5 D pouvait accréditer l’hypothèse d’un effet bifocal et non plus purement accommodatif. Les mêmes mesures de front d’onde et de MTF montrent que cet implant possède une optique se comportant plutôt comme celle d’un implant multifocal, avec une augmentation de la puissance centrale, une réduction du transfert de modulation du contraste et une augmentation de profondeur de champ (fig. 12-3 à 12-5).

Fig. 12-4 Courbes de MTF pour un diamètre de 3 mm (en haut) et de 4,50 mm (en bas).
(Documents de D. Gatinel.)
Le mécanisme proposé pour expliquer l’efficacité accommodative du Crystalens® AO est double. Il repose d’abord sur la théorie dite de la « suspension hydraulique » proposée par Coleman en 1986 : lors de l’effort accommodatif, le muscle ciliaire se contracte et la redistribution de sa masse crée une protrusion dans la cavité vitréenne qui a pour conséquence une augmentation de la pression intravitréenne, qui a elle-même pour effet de repousser l’implant vers l’avant. L’optimisation du dessin de l’implant, en particulier l’existence de la charnière entre l’optique et les haptiques, permettrait ainsi d’obtenir une véritable translation antérieure de l’optique (figure animée 12-1 et fig. 12-6).

Fig. 12-6 Implant Crystalens®.
a. Vision de loin. b. Vision intermédiaire. c. Vision de près.
(Avec l’aimable autorisation de Bausch & Lomb.)
RÉSULTATS
– l’acuité visuelle monoculaire moyenne de loin sans correction évolue de 8,2/10 (0,09 logMAR) à quinze jours à 10/10 (0 logMAR) à trois mois; avec correction, le niveau atteint est même de 12/10 (– 0,08 logMAR) à trois mois;
– en vision intermédiaire sans correction, l’acuité passe de 10/10 (0 logMAR) à quinze jours à 9,4/10 (0,03 logMAR) à trois mois; avec correction de la vision de loin, les chiffres obtenus passent de 6,3/10 (0,2 logMAR) à quinze jours à 7,5/10 (0,13 logMAR) à trois mois;
– en vision de près sans correction, l’acuité moyenne est stable à Jaeger 3 (0,3 logMAR, équivalent de Parinaud 3-4) entre quinze jours et trois mois; lorsque la correction de loin est portée, les chiffres passent de Jaeger 5 (0,4 logMAR) à quinze jours à Jaeger 4 (0,35 logMAR) à trois mois.
La littérature est plus fournie sur le Crystalens® AT45, première version commercialisée et premier implant accommodatif approuvé par la FDA en 2003, grâce à l’étude multicentrique menée pour la FDA portant sur deux cent soixante-trois patients [7]. Sur le plan fonctionnel, 79 % des patients opérés de façon unilatérale et 96 % des patients opérés de façon bilatérale obtenaient à la fois une acuité visuelle supérieure ou égale à 5/10 de loin et Jaeger 3 de près; 73 % des yeux opérés obtenaient une acuité visuelle de près sans correction à Jaeger 1 (équivalent de Parinaud 2), cette proportion passant à 52 % après correction d’une éventuelle erreur réfrac-tive en vision de loin. Sur le plan qualitatif, malgré le diamètre de 4,5 mm de l’optique dans cette première version de l’implant, il n’existait pas plus d’éblouissement ou de réduction de la sensibilité au contraste que dans le groupe contrôle équipé d’un implant monofocal standard.
En utilisant une stimulation pharmacologique de l’accommodation par la pilocarpine, Stachs [43] rapporte en effet, grâce à des mesures réalisées à l’UBM sur un groupe de quatre patients seulement, un léger mouvement antérieur de l’optique, mesuré à 0,13 mm en moyenne avec des extrêmes à 0,05 mm et 0,20 mm, ainsi qu’une modification de l’angulation des haptiques de 3,3° en moyenne avec des extrêmes allant de 0° à 7°. Dans cette même étude, l’amplitude d’accommodation mesurée avec un réfractomètre n’est que de 0,44 D en moyenne avec des extrêmes entre 0,25 D et 0,75 D.
En revanche, Koeppl et Findl [17] présentent une étude sur quarante-quatre yeux de vingt-huit patients, dans laquelle le shift de l’optique de l’implant, induit par la pilocarpine et mesuré par interférométrie, est postérieur et non pas antérieur, d’une amplitude moyenne variant de 122 µm à 151 µm selon qu’on réalisait ou non un polissage de la capsule antérieure. Les auteurs ont en effet voulu individualiser un sous-groupe de vingt-quatre yeux dans lequel la fibrose capsulaire était prévenue par un polissage soigneux de la capsule antérieure. La différence de shift postérieur entre les deux groupes n’était cependant pas significative. Les auteurs concluent ainsi à un effet contre-productif de la pilocarpine et mesurent en outre des niveaux d’acuité visuelle de près sans correction à Jaeger 5 à un mois et Jaeger 4 à trois mois, qu’ils qualifient de comparables à ceux d’un implant monofocal.
Macsai et al. [22] ont en revanche mené une large étude multicentrique sur deux cent vingt-quatre yeux de cent douze patients, dans laquelle l’amplitude accommodative était mesurée de façon objective par rétinoscopie dynamique et de façon subjective par deux méthodes, courbe de défocalisation d’une part et mesure de l’amplitude d’accommodation sur une cible proche d’autre part. Les patients étaient en outre divisés en deux groupes, l’un recevant le Crystalens® AT45 des deux côtés, alors que l’autre groupe de patients était équipé de façon bilatérale par un implant monofocal, l’observateur n’étant pas informé du type d’implants porté par chaque patient. Les résultats sont ici nettement en faveur du Crystalens®, avec 90 % de patients lisant Jaeger 3 ou mieux sans correction, contre 15 % dans le groupe contrôle.
On peut enfin citer l’étude de Marchini [24], portant sur vingt yeux de quatorze patients pour lesquels le shift de l’implant était mesuré par l’UBM, avec des résultats montrant une réduction de la profondeur de chambre antérieure et donc un shift antérieur de l’optique de 320 µm (± 160) à un mois et de 330 µm (± 250) à six mois lors des efforts d’accommodation sur une cible rapprochée. L’UBM permettait également de mettre en évidence une réduction de l’ouverture de l’angle entre la sclère et les procès ciliaires lors de l’accommodation, mesurée à 4,43 D (± 1,85) à six mois. Le déplacement antérieur de l’implant et cette rotation du corps ciliaire mesurés par l’UBM étaient, selon les auteurs, proportionnels à l’amplitude accommodative mesurée chez ces patients.
Sans surprise, les résultats dans ce type de configuration montrent une supériorité de l’implant multifocal en vision de près avec en revanche, pour l’implant accommodatif, des performances correctes en vision intermédiaire mais moins d’altérations de la sensibilité au contraste [36].
La fréquence de l’opacification capsulaire postérieure pose la question de l’effet de la capsulotomie au YAG sur le résultat réfractif. Nous n’avons pas trouvé dans la littérature de publication confirmant l’idée, souvent avancée, d’une amélioration des performances visuelles après réalisation d’une large capsulotomie. En revanche, la capsulotomie est évidemment bénéfique, voire salutaire, lorsqu’une fibrose capsulaire importante a conduit à une déformation de l’implant, ce qui a pu être observé avec le Crystalens® [16, 50] comme avec l’implant 1CU® [1].
IMPLANT TETRAFLEX® (LENSTEC)
Dessiné par Robert Kellan, le Tetraflex® est un implant en hydroxy-éthylmétacrylate (HEMA), acrylique hydrophile dont le taux d’hydro-philie est de 26 % (fig. 12-7). Avec une optique de 5,75 mm de diamètre et des bords carrés, ce monobloc est implantable au travers d’une incision de 2,5 mm. Les anses présentent avec l’optique une angulation antérieure de 5°, destinée à favoriser la translation antérieure de l’implant avec tout le sac capsulaire lors des efforts d’accommodation.
Il est commercialisé en Europe, en Australie, au Canada, en Chine et à Taïwan et au Moyen-Orient. Il est actuellement en phase III des études FDA, avec une étude multicentrique portant sur deux cent cinquante-cinq patients implantés de façon bilatérale avec un Tetraflex®, comparés à un groupe contrôle de cent un patients équipés de façon bilatérale d’implants monofocaux [39].
L’étude, présentée par Donald Sanders, consultant pour le laboratoire Lenstec, analyse les résultats fonctionnels subjectifs de deux cent trente-neuf Tetraflex® et de quatre-vingt-seize patients du groupe contrôle, examinés douze mois après la chirurgie. La méthode choisie pour analyser les résultats en vision de près était le Minnesota Low-Vision Reading Test (MNRead Test) dans lequel une série de phrases est présentée au patient à 40 cm de distance dans des conditions d’éclairage standardisées, avec des caractères de taille décroissante, l’élément analysé étant la vitesse de lecture des phrases présentées. Il s’agit en fait d’une série de planches reproduisant des phrases formées de dix mots de longueur standard et dont la taille des caractères décroît, correspondant à une acuité visuelle de près allant de 20/400 (1,3 logMAR) à 20/6 (– 0,5 logMAR) par intervalles réguliers de 0,1 logMAR. Il apparaît dans cette étude, de façon statistiquement significative, que les patients du groupe Tetraflex® lisent mieux que ceux du groupe contrôle, pour toutes les tailles de caractères avec, en particulier, un pourcentage significativement plus élevé de patients capables de lire plus de quatre-vingts mots par minute. Par ailleurs, 96 % des patients du groupe Tetraflex® ne portent jamais de correction en vision de loin contre 80 % des témoins; 75 % des patients du groupe Tetraflex® ne portent jamais ou très occasionnellement une correction en vision de près (jamais : 21 %) pour la lecture de très petits caractères ou lorsque l’éclairage est tamisé; ce pourcentage passe à 46 % dans le groupe contrôle (jamais : 9 %). Enfin, la puissance moyenne des verres correcteurs nécessaires en vision de près apparaît plus faible dans le groupe Tetraflex®, avec 28 % de patients portant une correction ne dépassant pas + 1,25 D contre 7 % dans le groupe contrôle.
Le même Donald Sanders avait présenté en 2007 [38] une étude portant sur quatre-vingt-quinze yeux de cinquante-neuf patients avec, outre les mesures d’acuité visuelle, une mesure subjective de l’amplitude d’accommodation par la méthode du « push-up ». Cette méthode, utilisée par la Royal Air Force, consiste à présenter au patient un test d’acuité visuelle de près qu’on rapproche progressivement de l’œil du patient, corrigé en vision de loin, jusqu’à la distance à laquelle il ne parvient plus à le lire. L’inverse de la distance parcourue exprimée en mètres permet de définir l’amplitude d’accommodation en dioptries. Selon cette méthode, il apparaît que, six mois après l’intervention, tous les patients ont au moins 1 D d’accommodation et 75,7 % ont au moins 2 D. Ces mesures ne sont cependant que fonctionnelles et on peut sans doute regretter l’absence de groupe témoin dans cette étude.
La littérature est assez pauvre sur cet implant et comporte très peu d’études mettant en évidence des modifications biométriques ou réfractives objectives. On peut cependant citer la publication de Wolffsohn [48], portant sur treize yeux de huit patients suivis en postopératoire pendant au moins deux ans. L’étude consistait à mesurer, en réponse à un stimulus accommodatif variant de 0 à 4 D, d’une part les modifications de profondeur de la chambre antérieure en OCT Visante® et, d’autre part, les aberrations optiques de haut degré avec un aberromètre de type Hartmann-Shack. Il ressort de cette publication qu’aucun mouvement antérieur de l’implant n’a pu être mis en évidence avec, en moyenne, une translation plutôt postérieure de 20 µm, les extrêmes allant de 30 µm en avant à 70 µm en arrière. En revanche, des modifications aberrométriques significatives sont observées et sont attribuées à une modification de la forme de l’optique de l’implant sous l’effet des efforts accommodatifs, qu’on peut rapprocher du phénomène d’arching décrit avec l’implant Crystalens®. Les aberrations dont les modifications sont significatives sont le défocus, l’astigmatisme vertical primaire et secondaire, la coma verticale, le trefoil et l’aberration sphérique. Les auteurs concluent à la responsabilité au moins partielle de ce phénomène d’arching et des aberrations qui en résultent dans les performances en vision de près de l’implant Tetraflex®.
On peut enfin citer dans la littérature consacrée au Tetraflex® une étude comparative [6] des performances en vision de près de l’implant Tetraflex® et du Crystalens® dans sa version AT-50, version proche de l’AT45 avec une optique dont le diamètre était passé à 5 mm. Cette publication faisait partie de l’étude multicentrique FDA et comprenait quatre-vingt-seize patients implantés de façon bilatérale avec le Tetraflex® comparés à cinquante-cinq patients recevant un Crystalens® AT-50 dans les deux yeux suivis pendant un an. La méthode d’analyse était de nouveau le MNRead Test et les résultats rapportés mettaient en évidence de meilleures performances dans le groupe Tetraflex® pour la lecture des caractères de tailles correspondant à 20/25, 20/32, 20/40, 20/50 et 20/63, avec une vitesse significativement plus rapide dans le groupe Tetraflex®, dans lequel on notait en outre une proportion plus importante de patients capables de lire plus de quatre-vingts mots par minute pour ces cinq tailles de caractères.

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