Chapitre 12
Imagerie post-thérapeutique des sarcomes des parties molles
Les sarcomes des tissus mous sont des tumeurs rares et correspondent à un groupe très hétérogène composé de plus de 50 sous-types histologiques. Rappelons qu’il s’agit de cancers provenant du tissu mésenchymateux, intéressant des structures très variées, telles que tissu conjonctif, muscles, graisse, nerfs périphériques et vaisseaux. Leur localisation anatomique peut être extrêmement variable. Ils affectent majoritairement les adultes, en dehors des rhabdomyosarcomes, et à la différence des sarcomes osseux, qui peuvent concerner aussi bien les enfants que les adultes.
Sont de mauvais pronostic les tumeurs de haut grade (prenant en compte l’index mitotique et la nécrose), de grande taille (plus de 10 cm de diamètre), de siège profond (sous l’aponévrose superficielle ou rétropéritonéal) et celles dont l’exérèse a été limite ou incomplète, avec une survie à 5 ans voisine de 50 % pour l’adulte [1], ainsi que la survenue d’une récidive locale ou à distance. Les autres facteurs de mauvais pronostic [1] sont : l’âge du patient (plus de 50 ans) et certains sous-types histologiques (fibrosarcomes et sarcomes de gaines nerveuses) [2]. Le risque de rechute locale, mais également métastatique pulmonaire, est élevé (40 à 60 % des cas). Pour les patients à haut risque, les rechutes interviennent en général dans les 3 premières années, alors qu’elles peuvent être plus tardives pour les patients à faible risque. La surveillance fait encore l’objet de controverses concernant notamment l’impact réel de l’imagerie. Habituellement elle consiste en une surveillance clinique et par imagerie, associant radiographie thoracique, complétée par un scanner en cas d’anomalie, et imagerie de la zone opératoire par IRM pour les membres, et par TDM ou IRM pour l’abdomen (lésions habituellement rétropéritonéales). Pour les sarcomes de haut grade, le rythme de surveillance est de tous les 3 à 4 mois pendant les 2 à 3 premières années, bisannuel jusqu’à la 5e année, puis annuel, alors que pour les sarcomes de bas grade, le rythme est bisannuel pendant 5 ans puis annuel, selon les recommandations actuelles de l’European Sarcoma Network Working group de l’ESMO (European Society for Medical Oncology) [3].
Les objectifs de l’imagerie seront fonction des différentes situations rencontrées :
1. lors du traitement néoadjuvant (chimio et/ou radiothérapie) : évaluer la réponse tumorale. Seulement 20–30 % des patients avec un sarcome des tissus mous de haut grade auront une réponse tumorale à la chimiothérapie, celle-ci étant définie par un taux de nécrose supérieur à 95 % sur l’analyse histologique ;
2. après chirurgie première : rechercher un résidu tumoral nécessitant une reprise chirurgicale, en particulier pour les exérèses dites limites (microscopiques R1) et a fortiori pour celles qui sont incomplètes (macroscopiques R2) ;
3. lors de la surveillance après traitement : rechercher une récidive locale, qu’il faut différencier de modifications post-thérapeutiques.
Réalisation pratique des principales méthodes d’imagerie
Par ailleurs, il faut également se méfier d’une tuméfaction graisseuse même faiblement rehaussée après injection de gadolinium ou produit de contraste (PDC), lorsque la lésion initiale est un liposarcome de bas grade se caractérisant aussi par une composante graisseuse prédominante et un faible rehaussement (fig. 12.1).
Fig. 12.1 Liposarcome bien différencié du muscle vaste médial droit traité par exérèse chez une femme de 60 ans.
Sur l’IRM préopératoire, il est observé une masse intramusculaire essentiellement graisseuse, avec quelques cloisons plus ou moins fines rehaussées après gadolinium et un nodule centimétrique rehaussé à sa partie inférieure (flèche) (A : axial T1 ; B : axial T1 FS [Fat Saturation] + gadolinium ; C : sagittal T1 + gadolinium FS).
Sur l’IRM réalisée 4 mois après l’exérèse, il persiste une lésion de signal comparable à la lésion initiale préopératoire et sans prise de contraste significative, située dans le lit opératoire de siège sous-aponévrotique (flèches) (D : axial T1 ; E : axial T1 + gadolinium FS). La reprise chirurgicale large a confirmé la présence d’un résidu tumoral très bien différencié.
IRM
Séquences
T2 FS
C’est la première séquence à réaliser, car elle oriente d’emblée le diagnostic. Un hypersignal T2 en plage ou diffus évoque un œdème post-thérapeutique, alors qu’un hypersignal T2 focal avec syndrome de masse fait suspecter une récidive (fig. 12.2 et 12.3). A contrario, un hyposignal T2, rarement rencontré en postopératoire précoce, permet d’éliminer une récidive avec une sensibilité de 96 % d’après Vanel et al. [4].
Fig. 12.2 Sarcome musculaire à cellules claires de haut grade de la cuisse droite chez une femme de 75 ans, traité par exérèse et irradiation.
Sur l’IRM réalisée 18 mois après l’irradiation (A : axial T2 FS ; B : axial T1 + gadolinium FS), outre le signal œdémateux en plage des parties molles en hypersignal T2, d’aspect post-thérapeutique, une masse en hypersignal T2 (A), nettement rehaussée après gadolinium (B), fait suspecter une récidive locale (flèche).
Une séquence dynamique et de diffusion a été réalisée lors d’une IRM complémentaire montrant un hypersignal en diffusion (flèche) (C : axial T1) avec ADC élevé 2,5 × 10−3 (D : mesure de l’ADC) et une courbe de rehaussement progressive et tardive (E) en faveur d’une pseudo-tumeur inflammatoire confirmée par l’évolution.
Fig. 12.3 Sarcome pléomorphe de grade 3 chez une femme de 88 ans, découvert sur l’étude histologique d’un nodule de la jambe gauche, considéré à tort comme un hématome, pour lequel il n’ y a pas eu d’imagerie pré-opératoire.
Sur l’IRM réalisée 1 mois après l’exérèse, outre l’hypersignal en plage de la zone opératoire œdémateuse (A : coronal T2 FS), un nodule centimétrique rehaussé en T1 des parties molles localisées au contact du bord médial de la diaphyse tibiale fait évoquer la présence d’un résidu tumoral, confirmé lors de la reprise chirurgicale (flèches) (B : coronal T1 + gadolinium FS ; C : axial T1 + gadolinium FS). Seule l’acquisition avec gadolinium (C) a permis de détecter le nodule tumoral de 13 mm confirmé par chirurgie.
T1
La structure musculaire, due aux fascicules musculaires traversés par du tissu conjonctif et de la graisse et entourés de fascias, est le mieux analysée sur les séquences axiales T1, avec un signal intermédiaire du muscle traversé par de fines lignes blanches graisseuses. En cas d’hypersignal T2, si cet aspect reste visible en T1, il constitue un argument en faveur de modifications inflammatoires, alors qu’une perte ou une distorsion de l’architecture oriente vers une récidive. Cependant, il ne s’agit là que d’un argument complémentaire. Le T1, bien qu’indispensable, n’apporte que rarement à lui seul la réponse [5, 6].
Injection de gadolinium
Théoriquement, le gadolinium pourrait n’être injecté qu’en cas d’hypersignal T2 [4]. Cependant, il est rare de ne pas avoir d’hypersignal T2 dans un contexte post-thérapeutique. Par ailleurs, l’hypersignal peut être très discret en cas de récidive de petite taille, ou absent en cas de tumeur surtout fibreuse, initialement en hyposignal T2. Il nous paraît souhaitable de faire systématiquement une injection de gadolinium, attitude qui est assez consensuelle. Des soustractions peuvent être réalisées pour optimiser le contraste, en particulier en cas de portions hémorragiques avec un hypersignal spontané en T1 [6].
L’association des séquences T2 et T1 à des séquences injectées permet de conclure dans la plupart des cas. L’existence d’une masse de signal comparable à la lésion initiale, située dans la zone de l’exérèse chirurgicale, se rehaussant après injection, est très en faveur d’un résidu tumoral ou d’une récidive, et c’est souvent la séquence injectée qui permettra le mieux de la détecter (fig. 12.3).
Séquence dynamique
Son association aux séquences précédentes peut être utile lors de :
• l’évaluation de la réponse tumorale à la chimiothérapie néoadjuvante, pour identifier la tumeur viable et évaluer la nécrose ;
• la découverte, durant la surveillance, d’un syndrome de masse, afin d’infirmer ou de confirmer l’existence d’un résidu tumoral ou d’une récidive, se caractérisant par un rehaussement précoce dans les 2 premières minutes, alors que les modifications post-thérapeutiques se rehaussent progressivement et tardivement, c’est-à-dire plus de 3 minutes après l’injection de gadolinium.
La séquence dynamique privilégie la résolution temporelle, mais elle est souvent insuffisante pour la résolution spatiale, et doit être complétée par une ou deux séquences FS, dans le plan axial et/ou longitudinal, apportant ainsi la précision anatomique nécessaire. Elle entraîne un allongement non négligeable de la durée d’examen, expliquant qu’elle ne soit pas réalisée systématiquement, sauf si une récidive est suspectée dès la vérification des séquences morphologiques. S’il n’a pas été réalisé de séquence dynamique, et si le doute persiste entre récidive et cicatrice nodulaire, aussi désignée par les termes de pseudo-tumeur inflammatoire (situation relativement rare), il est toujours possible de convoquer de nouveau le patient pour la réalisation de séquences complémentaires (dynamique et de diffusion) (fig. 12.2). Les séquences dynamiques [6] se font habituellement en écho de gradient 3D avec un bolus de 4–5 mL/s, et une résolution temporelle de 10 à 30 secondes pendant une durée de 5 minutes, permettant d’établir des courbes de rehaussement [7].
Diffusion
Elle peut être proposée en complément de la série dynamique dans les mêmes situations (évaluation de la réponse tumorale au(x) traitement(s) néoadjuvant(s) et en cas d’incertitude entre récidive et pseudo-tumeur inflammatoire) [6]. Un ADC bas est en faveur d’une tumeur richement cellulaire, alors qu’un ADC élevé oriente vers l’existence d’une nécrose et/ou d’une inflammation.