Équilibre ligamentaire dans l’arthroplastie par prothèse totale sur genu valgum
Ligament balance in total knee arthroplasty of the knee with valgus deformity
Résumé
Les principes de base d’une arthroplastie totale du genou dans le genu valgum sont les mêmes que dans le genu varum, à savoir établir un écart en extension rectangulaire, stable, équivalent à l’écart en flexion et perpendiculaire à l’axe mécanique global du membre, rendu rectiligne. La bonne connaissance du compartiment externe du genou et surtout des lésions anatomopathologiques qui accompagnent la gonarthrose sur genu valgum, permet d’adopter des règles strictes de progression des relâchements ligamentaires pour atteindre cet objectif. Si l’abord antéro-interne classique est parfaitement utilisable, la voie antéro-externe nous semble plus logique, car elle donne un accès direct aux structures rétractées. L’analyse du relâchement ligamentaire dans 161 arthroplasties sur genu valgum montre que les gestes par voie externe se sont limités dans 23 % des cas à la seule libération du fascia lata (FL) sur le Gerdy et dans 66,8 % à la libération sous- périostée de l’épiphyse supérieure du tibia sur toute son hémi-circonférence externe. Le ligament latéral externe (LLE) n’est désinséré que dans 10 % des cas, geste associé dans 3,7 % à une désinsertion de la coque externe. Le muscle poplité n’a jamais fait l’objet d’une libération.
Summary
The basic principles of total knee replacement to be applied to a valgus knee are similar to those used for the varus knee, i.e creation of a rectangular extension gap, which is stable, equal to the flexion gap and perpendicular to a straight mechanical axis. A good knowledge of the anatomy of the lateral compartment of the knee joint and of the pathological changes related to OA with valgus difformity allows for the implementation of strict rules in the gradual ligamentous release in order to obtain an extension gap which is equal to the flexion gap. The classical anteromedial approach may of course be used, but the anterolateral approach for the valgus knee appears more logical as it is closer to the contracted structures. A review of the surgical protocols of 161 knee arthroplasties shows that soft tissue release with the lateral approach was limited in 23 % to Gerdy’s tubercule and in 66.8 % to the subperiostal release of the proximal epiphysis of the tibia over its lateral hemicircumference. Only 10 % of the cases required detachment of the LCL, which was combined in 3.7 % with desinsertion of the posterior lateral capsule. The popliteus tendon was released in no instance.
Introduction
Le traitement d’une gonarthrose valgisante par prothèse totale de genou (PTG) est fondé sur les mêmes règles que celles qui s’appliquent au genu varum : l’obtention en peropératoire d’écarts en extension et en flexion rectangulaires et équivalents. Le respect de ces règles permet de restaurer un genou normo-axé, stable et mobile [7, 17]. Les stratégies chirurgicales pour respecter ces règles sont multiples : relâchement des ligaments rétractés [2, 3, 7, 10, 11, 14, 17, 20, 21] ou remise en tension des éléments distendus [2, 6, 12, 19], par un abord parapatellaire interne [7, 12, 17, 20, 21] ou un abord parapatellaire externe [3, 10, 11, 14, 15], conservation ou non du ligament croisé postérieur (LCP) [2, 7, 17, 20, 21], Nous commencerons par décrire les lésions anatomopathologiques ; nous exposerons ensuite les différentes voies proposées et nous terminerons par la description détaillée de la technique que nous utilisons, une voie d’abord parapatellaire externe avec une progression des libérations ligamentaires fondées sur l’anatomopathologie ; cet abord est différent de ceux classiquement décrits et a prouvé sa fiabilité [14].
Anatomie du genu valgum arthrosique
Déviation osseuse
Dans le genu valgum, la déviation constitutionnelle est fémorale, avec un condyle externe plus petit (hypoplasique ? ) que l’interne [1] ; le tibia est rectiligne, avec la tangente aux plateaux tibiaux perpendiculaire à l’axe mécanique. L’usure atteint le condyle fémoral externe en distal et en postérieur, le plateau tibial externe est usé en son milieu et parfois enfoncé en cupule.
Tissus mous (tendons, ligaments et capsule articulaire)
Une bonne connaissance de l’anatomie des tissus mous dans le compartiment externe du genou est indispensable pour comprendre la progression des gestes chirurgicaux pour équilibrer les formations ligamentaires. On décrit classiquement un plan extra-articulaire et un plan articulaire [10, 11] mais ces formations anatomiques sont très intimement intriquées et doivent être considérées dans leur ensemble, à l’exception des « vrais » tendons, à savoir ceux du biceps et du poplité, qui, dans notre expérience, ne sont jamais libérés.
Le fascia lata (FL) renforcé par la bandelette de Maissiat s’insère sur le tubercule de Gerdy et envoie des fibres à la tubérosité tibiale. Cependant il a, avant ses insertions finales, des attaches avec la cloison intermusculaire externe de la cuisse, avec le condyle externe et la coque postéro-externe et il envoie des expansions vers le surtout prérotulien, recouvrant l’aileron externe proprement dit [5, 8, 10, 11, 16, 18]. En conséquence, le fascia lata est fixé tant en proximal qu’en distal de l’interligne articulaire externe et se comporte donc plus comme un stabilisateur statique que dynamique du genou [5]. Il est plus un ligament qu’un tendon.
Le ligament latéral externe (LLE) ne s’insère pas sur le tibia mais sur la tête du péroné (biarticulaire) ; par ailleurs, il échappe au complexe fibreux postéro-externe puisqu’il s’attache en haut, sur l’épicondyle externe, en arrière du poplité, mais bien en avant de l’insertion de la capsule [8, 16, 18].
La description du complexe postéro-externe se limite donc à la capsule postéro-externe, recouverte par la voûte externe du ligament poplité arqué et le ligament fabellopéronier [8]. Cet ensemble très solide, à départ distal de l’épiphyse postérieure du tibia et de la tête du péroné, est chapeauté par le solide tendon du jumeau externe.
On peut résumer en disant que, du point de vue chirurgical, il faut séparer quatre structures ou ensemble de structures que nous classons par ordre croissant des rétractions dans la gonarthrose : 1) les muscles poplité et biceps, formations étirables, 2) un ligament biarticulaire, le LLE, 3) un complexe fibreux très solide postéro-externe, et enfin 4) un ligament mono-articulaire, le fascia lata (figure 1).
Figure 1 Les quatre structures individualisables du compartiment externe d’un genou droit, classées par ordre croissant des rétractions inhérentes à l’arthrose : 1) muscles poplité et biceps, formations étirables ; 2) LLE, ligament biarticulaire ; 3) complexe fibreux postéro-externe ; 4) fascia lata, « ligament » mono-articulaire avec ses insertions sur le fémur et sur le tibia.