Chapitre 12 Colposcopies particulières
Colposcopie de l’adolescente
Quelques années avant la puberté, l’anatomie de l’utérus se modifie et la jonction s’extériorise mais assez souvent la métaplasie tente de remettre la jonction au plus près de l’orifice externe anatomique. L’importance du phénomène de métaplasie sur cette zone de transformation dépend de plusieurs facteurs : activité hormonale, acidité vaginale et, surtout, activité sexuelle par les microtraumatismes qu’elle engendre.
Fréquence des anomalies colposcopiques
Arène [1] a repris en 1993 une série de 467 adolescentes. Le col n’est normal que dans 39,3 % des cas et l’ectropion pur ou en ré-épithélisation normale est fréquent (26,5 % des cas), alors que les TAG I sont notées chez un tiers des adolescentes. Seulement 0,4 % de ces adolescentes ont une TAG II.
La revue de la littérature retrouve un pourcentage de col sain minoritaire (7 à 38 %). La métaplasie est habituelle à cet âge et modifie le tableau colposcopique (figure 12.1).
Place pour la colposcopie chez l’adolescente
La prévalence du portage de papillomavirus est élevée dans cette tranche d’âge : 20,8 % des moins de 20 ans [2], 30 à 50 % chez les moins de 20 ans [3] et de 17 à 84 % selon les études, parmi les adolescentes ayant une vie sexuelle [4].
La pathologie du col existe s’il y a des rapports sexuels mais il s’agit de CIN de bas grade et de viroses, fréquentes mais régressives. Les CIN de haut grade sont possibles mais rares et il n’y a pas d’urgence à les découvrir car le cancer est inexistant à cet âge : zéro cas de 1975 à 2001 aux États-Unis [5].
Faut-il commencer les frottis avant 20 ans ?
NON en dépistage de masse pour différentes raisons : il s’agit surtout de lésions de bas grade avec un taux de régression élevé et il n’y a pas de cancer invasif à cet âge, même s’il y a en général un certain rajeunissement de ce cancer ; des arguments économiques et les conséquences possibles des traitements sur le risque ultérieur augmenté de prématurité tant dans la méta-analyse de Kyrgiou [6] que dans la série de 18 000 patientes rapportée par Bruinsma [7] sont autant d’arguments supplémentaires qui plaident contre un dépistage de masse à cet âge.
Les guidelines américaines de l’ACOG [4] conseillaient le premier frottis 3 ans après le premier rapport sexuel et au plus tard à 21 ans, tout en recommandant une modulation sur le début du dépistage en fonction de l’appréciation clinique du risque de la patiente (appréciation très aléatoire). En 2010, les recommandations des guidelines ont été actualisées [8] : le dépistage du cancer du col devrait commencer à l’âge de 21 ans. Si la cytologie a été effectuée avant 21 ans, il est important de savoir que la gestion d’une anomalie diffère de celle de la population adulte.
Colposcopie au cours de la grossesse
La grossesse n’est probablement pas le meilleur moment pour effectuer une colposcopie mais celle-ci apparaît légitime devant une métrorragie d’origine cervicale, ou lors de la découverte de frottis cervicaux anormaux réalisés lors d’un dépistage qui s’impose dès 25 ans pour les femmes n’ayant jamais fait de frottis.
Modifications histologiques du col gravide
Modification du stroma
Vascularisation du col
Au cours de la grossesse, les modifications vasculaires sont précoces et sont caractérisées par l’augmentation du nombre des vaisseaux et des capillaires. L’hyperhémie se traduit par une congestion cependant qu’hyperplasie et hypertrophie vasculaires entraînent une transsudation séreuse extravasculaire qui est responsable de l’œdème permanent du chorion et rend compte de l’augmentation de volume du col parfois multiplié par deux ou trois pendant la grossesse.
Décidualisation
Ce phénomène contemporain de l’implantation de l’œuf aboutit, à partir d’un endomètre préparé par les hormones sexuelles, à sa transformation en caduque. Ce processus, en principe localisé au corps utérin, peut s’étendre au-delà de la cavité utérine et intéresser le stroma de l’épithélium glandulaire (déciduose sous-glandulaire) aussi bien que celui de l’épithélium malpighien (déciduose sous-malpighienne). La décidualisation résulte rarement de la transformation de foyers d’endométriose ou d’adénose pré-existants. Elle paraît survenir au niveau d’îlots cellulaires ayant gardé un potentiel de différenciation et qui se trouvent sollicités par l’inflation hormonale.
Conséquences colposcopiques des modifications histologiques
L’hypervascularisation du stroma explique l’aspect volontiers hyperhémié et violacé du col gravide (figure 12.2). Sa décidualisation entraîne l’apparition d’aspects particuliers et spécifiques à la grossesse. Les modifications stromales expliquent l’aspect floride polypoïde de l’ectropion et l’hypersécrétion muqueuse.
Aspects colposcopiques du col gravide
Col normal
On peut distinguer deux types de cols de grossesse : le col petit, conique, assez ferme, au bouchon muqueux discret, peu différent du col non gravide, subissant tardivement les modifications gravidiques, et celui qui au contraire les recevant de plein fouet, augmente de volume, se ramollit, cependant que son orifice externe s’entrouvre. Le plus souvent, le col gravide prend un aspect violacé, hypervascularisé, œdématié (voir figure 12.2), affectant tout le museau de tanche. L’examen colposcopique de ces cols ne montre rien de particulier. Seule la réaction au test de Schiller peut être plus foncée.
Aspects spécifiques du col gravide : la déciduose
La fréquence de la déciduose est probablement sous-estimée car seules sont diagnostiquées celles qui apparaissent au cours des colposcopies pratiquées pour métrorragies ou frottis anormal. La déciduose intéresserait entre 10 et 40 % des cols gravides et se présente sous différents aspects.
Déciduose sous-malpighienne
Les foyers de déciduose sous-malpighienne (figure 12.3) peuvent être uniques mais ils sont le plus souvent nombreux, de taille variable, localisés ou étendus à tout le museau de tanche, parfois très éloignés de l’orifice cervical externe en bordure des culs-de-sac vaginaux. Nés au sein du chorion, ils gagnent la surface, amincissent ou détruisent l’épithélium. Selon leur profondeur, ils donnent des images colposcopiques différentes.
La forme nodulaire (voir figure 12.3) ou tumorale se présente sous des aspects parfois difficiles à identifier (figure 12.4). Leur caractère multiple, bien circonscrit, et surtout leur réaction acidophile intense, givrée, en permet le diagnostic. Le Lugol est iode négatif.
Décidualisation sous-glandulaire
La décidualisation sous-glandulaire (figures 12.5 et 12.6) intéresse le chorion de l’épithélium glandulaire et entraîne une réaction blanche, intense, inhabituelle de l’extrémité des papilles d’un ectropion, persistant plus longtemps que la discrète réaction blanchâtre des papilles non décidualisées.