11 Triporées
Caractères généraux des Triporées
Les Triporées ou Eudicots forment l’ensemble le plus vaste des Angiospermes avec 195 000 espèces en 302 familles et 38 ordres. Ce sont les plantes à fleurs pourvues de 2 cotylédons et d’un pollen à 3 apertures.
Appareil végétatif
Les feuilles sont généralement pourvues de deux excroissances latérales situées à la base du pétiole : les stipules.
Le limbe, bien développé, présente une nervation pennée (comme chez les protoangiospermes) ou palmée : il peut se subdiviser en folioles : la feuille simple devient alors composée (fig. 11.1).
Les espèces herbacées et en particulier les annuelles se répandent dans tous les groupes de Triporées : leur cycle végétatif court (cf. p. 61) en augmentant la fréquence des générations favorise l’individualisation de nouvelles combinaisons génétiques.
Appareil reproducteur
Les fleurs des Triporées, étonnamment diverses, se caractérisent par :
l’apparition de sépales, pièces périanthaires généralement vertes à rôle protecteur. Leur initiation et leur différenciation dépendent des gènes de la fonction A du modèle ABC (fig. 9.4).
Les tépales prennent alors le nom de pétales; très généralement vivement colorés, ils ont un rôle d’affichage vis-à-vis des insectes.
Désormais, étamines et carpelles sont entourés par deux enveloppes périanthaires, le calice, ensemble des sépales et la corolle, ensemble des pétales (fig. 9.2).
S’il y a soudure des pièces périantaires, celle-ci se fait soit entre sépales, soit entre pétales.
Dans le cas de pétales indépendants la fleur est dite dialypétale; dans celui de pétales soudés entre eux gamopétale ou sympétale.
la pentamérisation : le mécanisme de la pentamérisation par fusion de 2 cycles trimères en une courte hélice dont les pièces ont une préfloraison quinconciale est étudié chez les Polygonacées (fig. 11.61).
La trimérie de certains verticilles s’observe chez des espèces encore peu évoluées : Sarrasin (fig. 11.59), Millepertuis (fig. 11.22)…
La coexistence de cycles trimères et pentamères au niveau de la corolle est le témoin du mécanisme de la pentamérisation : pièces florales suivant la série de Fibonacci chez les Renonculacées (p. 140), présence de 8 pétales chez la Dryade (Dryas octopetala)…
La tétramérie, observée ici et là, correspond à une réduction du type 5 (par soudure, avortement…).
La fleur se stabilise le plus souvent à 5 cycles (fig. 11.2.A, en haut) :
Fig. 11.2 De l’obdiplostémonie à la post-obdiplostémonie.
A : schéma. Les raisons de l’obdiplostémonie ne sont pas parfaitement comprises. On remarquera que certaines fleurs primitives possèdent des verticilles supplémentaires de pétales. Par exemple des plantes tropicales comme le Sapotillier (Sapotacées) ont un verticille de pétalules entre pétales et étamines : l’avortement des pétalules conduit à l’obdiplostémonie. Cette dernière s’observe dans des clades présentant la survivance de caractères primitifs : Caryophyllales, Saxifragales, Géraniales, Malpighiales, Éricales ; on la trouve encore chez les Sapindales. Photos de Géraniacées – B : Géranium de Madère, obdiplostémone (étamines inférieures épipétales). C : Erodium de Corse : noter les 5 étamines alternipétales, par la disparition des étamines inférieures épipétales : il y a post-obdiplostémonie.
Chez les plus évoluées, on ne trouve plus que 4 cycles, par disparition d’un des verticilles d’étamines (fig. 11.2.A, à droite).
Pertinence des caractères morphologiques
Les Triporées forment l’ensemble le plus diversifié des Angiospermes. C’est on s’en doute, le plus difficile à décrire. Certaines familles sont entièrement herbacées (Caryophyllacées, Primulacées), cependant, d’autres familles sont uniquement ligneuses (Bétulacées, Fagacées) enfin plusieurs sont mixtes (Rosacées, Fabacées, etc.).
La systématique moléculaire montre que des caractères partagés en commun et utilisés pour réunir les espèces d’un ensemble ne sont souvent que des convergences (= homoplasie ou analogie). De même que l’appareil végétatif reflète plus l’adaptation au milieu que le génome (présence de la succulence chez des familles aussi éloignées que les Crassulacées, les Euphorbiacées, les Apocynacées, les Astéracées), l’appareil reproducteur apparaît également des plus malléables : par exemple la multiplication des étamines par méristémonie(cf. p. 146), correspond beaucoup plus à une adaptation aux conditions de pollinisation qu’à un caractère fixé. Là encore, il y a opposition entre un modèle génétique unique, le modèle ABC (fig. 9.4) et la grande variation observée dans l’organisation florale.
L’ovaire infère traduit un progrès (fig. 9.16) dans la protection des organes sexuels, mais ce caractère a été plusieurs fois réinventé au cours de l’évolution et n’est pas hérité d’un ancêtre commun. C’est également le cas de la structure « ouverte » des carpelles (fig. 9.6) ou encore de la sympétalie.
De même, la présence d’une seule enveloppe périanthaire a une valeur différente suivant les groupes : l’asépalie (ou absence de calice) est originelle chez certaines prototriporées à tépales, comme elle l’était chez les protoangiospermes, les Monocotylédones et les Magnoliidées ; l’apétalie (ou absence de corolle) est secondaire chez les espèces moyennes et évoluées : elle résulte de la condensation des fleurs, dont la structure doit être simplifiée en inflorescences attractives, ou encore du retour à une pollinisation anémophile qui enlève tout intérêt sélectif aux pétales…
La fleur cyclique type (fig. 11.2.A, en haut) correspond à une fleur pentacyclique (à 5 verticilles) possédant 2 verticilles d’étamines alternant entre elles et avec les pétales (diplostémonie, du grec diploos, deux et stamen, étamine).
Toutefois chez de nombreuses espèces on observe une superposition du verticille externe des étamines avec celui des pétales : c’est l’obdiplostémonie (du grec ob, devant) : fig. 11.2.A en bas. Cet état, assez instable, peut subir une perte de l’un des verticilles staminaux, on passe à l’isostémonie (avec un cycle d’étamines toujours superposé) ou à la post-obdiplostémonie, laquelle rétablit l’alternance des verticilles. Cette post-obdiplostémonie sera la règle chez les Astéridées.
La présence d’un gène commun lors de la différenciation des pétales et des étamines dans le modèle ABC explique par ailleurs les relations fréquentes observées entre ces deux organes. On notera par exemple chez certaines espèces comme les Pivoines ou les Roses horticoles la transformation des étamines les plus externes en pétales.
Classification
On peut subdiviser les Triporées en 3 ensembles (un grade et deux clades) (fig. 11.3) :
les prototriporées chez lesquelles la fleur est encore fréquemment à tépales ;
les Triporées centrales, souvent dialypétales comprenant les prérosidées et les Rosidées ;
les Triporées évoluées, devenant gamopétales comprenant les préastéridées et les Astéridées.
Grade des prototriporées
Ce taxon, d’environ 5 400 espèces, réunit des espèces encore proches du stock ancestral angiospermien comme l’attestent les fleurs parfois trimères et à carpelles indépendants ; on assiste toutefois au passage des fleurs à tépales dont les pièces sont disposées en hélice aux fleurs cyclisées à périanthe différencié en calice et corolle et à carpelles soudés entre eux. Nous étudierons notamment l’évolution de la fleur chez les Renonculacées, les Papavéracées…
Les prototriporées forment un ensemble hétérogène, paraphylétique, composé de 7 ordres dont nous présenterons successivement les Cératophyllales, Renonculales, Protéales, Buxales, Trochodendrales et Gunnérales. Le cladogramme des Triporées (fig. 11.3) montre l’ancienneté des Renonculales et des Protéales par rapport aux autres ordres plus proches des Triporées moyennes. L’ordre des Cératophyllales est le groupe-frère de toutes les Triporées.
Cératophyllales
Cet ordre-famille (Cératophyllacées), se limite à 2 espèces de Cornifles (Ceratophyllum), plantes immergées de nos régions. Cette famille, naguère (APG2) rapprochée des Monocotylédones, se situe maintenant à la base des Triporées. C’est le groupe-frère de toutes les autres Triporées.
Renonculales
Les Renonculales (plus de 4 100 espèces, dont les Renonculacées et les Papavéracées) sont des plantes herbacées des régions tempérées. Dans la nature, la défense des plantes contre les herbivores est assurée par des alcaloïdes de type isoquinoléine (ex. : la papavérine, la morphine…).
Renonculacées
Généralités
La famille des Renonculacées78 renferme environ 2 100 espèces dont la majorité sont des vivaces des régions tempérées et froides de l’hémisphère Nord (la Renoncule des glaciers atteint 4 000 mètres en Europe).
Plusieurs espèces attirent l’attention par leur floraison printanière, au moment où les autres fleurs manquent. Qui ne connaît les Anémones des bois, les Renoncules (fig. 11.4) ou Boutons d’or, la Ficaire ?
Appareil végétatif
Exceptée la Clématite (fig. 11.8), encore appelée Herbe aux gueux, qui est une plante grimpante et ligneuse, à feuilles opposées, les Renonculacées sont presque toujours des herbes à feuilles isolées dont le limbe est souvent très découpé79 et qui s’insèrent sur la tige par une gaine élargie.
Ce dernier caractère est rare chez les Triporées. Ceci, ajouté à une trimérie fréquente de la fleur, à des formations secondaires discrètes ou nulles, à un habitat aquatique… rappelle les Monocotylédones, mais n’est qu’une convergence.
Appareil reproducteur
La fleur
C’est surtout au niveau de la fleur que les Renonculacées peuvent être qualifiées de famille par enchaînement (fig. 11.5) :
1. La fleur primitive des Renonculacées peut être décrite ainsi : sur un réceptacle bombé80, les pièces florales s’insèrent en hélice, d’abord les tépales, puis de nombreuses étamines81 et de nombreux carpelles.
Fig. 11.5 La fleur chez les Renonculacées.
À droite, mécanisme de la sépalisation des feuilles chez les Anémones et les Adonis ; à gauche, fleurs à pétales nectarifères.
C’est une fleur à tépales comme chez les Magnoliidées (voir p. 84).
On peut prendre comme exemple la fleur de certaines Anémones (fig. 11.5 et 11.6) dont les tépales pétaloïdes de couleur vive (blanche, rouge, bleue…) et en nombre variable – de 4 à 10 suivant les espèces (mais se stabilisant généralement autour de 6) – sont suivis de très nombreuses étamines et de nombreux carpelles.
2. Dans un second temps, la fleur va, tout à la fois, se cycliser et acquérir une seconde enveloppe :
deuxièmement, acquérir une seconde enveloppe florale (fig. 11.5 et 11.6) par sépalisation des feuilles situées sous la fleur, lesquelles, se simplifiant et se réunissant, forment un calice.
Fig. 11.6 Différents exemples d’évolution florale chez les Renonculacées.
A : Hellébore Rose de Noël à pétales verts nectarifères, en forme de cornet et sépales blancs ; B, C, D : mécanisme de la sépalisation chez les Anémones et les Adonis ; Anémone des bois et ses 3 feuilles (B), devenant 3 sépales chez l’Anémone hépatique (corolle bleue, C) puis 5 sépales chez l’Adonis flamme, sous les 3 pétales rouges (D).
Cette mise en place s’observe chez les Anémones et les Adonis :
Chez les Hellébores, Ficaire, Renoncules, Ancolies…, la sépalisation est acquise. Les pétales de ces espèces présentent, en outre, des nectaires, organes à l’origine d’une sécrétion sucrée, le nectar, dont abeilles et bourdons notamment sont friands :
3. Dans un troisième temps, la fleur de certaines des espèces à pétales nectarifères peut devenir zygomorphe :
Fig. 11.7 Aconit.
A : inflorescence. B : coupe longitudinale de la fleur (comparer au schéma de la figure 11.5) ; gl, glande nectarifère présentant un début de pétalisation ; s, sépale.
Le fruit
Le fruit84, résulte de la transformation de carpelles pluriovulés et insérés en grand nombre sur une hélice.
Dans la nature ce problème d’encombrement s’est résolu de deux façons :
dans chaque carpelle, les ovules avortent sauf un : le fruit est composé d’akènes de petite taille (ex. : Anémone, Clématite, fig. 11.8). Parfois d’ailleurs, l’évolution fait l’économie de ces avortements en ne développant au départ qu’un seul ovule (ex. : Renoncules) ;
une autre solution est de diminuer le nombre des carpelles au centre de la fleur : on en compte alors de 3 à 5 et ceux-ci, au lieu de continuer l’hélice des étamines comme dans le cas où ils sont nombreux, se disposent sur un cercle85. Dès lors, l’encombrement étant moindre, tous les ovules peuvent devenir fertiles. Les quelques fruits secs, pluriséminés qui en résultent sont alors déhiscents par leur ligne de suture (ventrale)86 : ce sont des follicules (ex. : Aconit, Ancolie).
Fig. 11.8 Clématite, fragment d’un rameau florifère et akènes plumeux (en encadré).
Noter deux caractères exceptionnels chez les Renonculacées : les feuilles opposées et le périanthe de type 4.
La première solution se rencontre chez des Renonculacées à fleurs apétales et chez les Renoncules.
La seconde correspond à l’Hellébore, à l’Ancolie et aux espèces à fleurs zygomorphes : Aconit, Pied d’Alouette…
Principales espèces
Nous rencontrerons surtout en herborisation les Renoncules dont nous apprendrons à reconnaître plusieurs espèces (Renoncule âcre, Renoncule rampante…) et la Clématite des haies.
On cultive fréquemment dans les jardins : l’Ancolie, le Pied d’Alouette, l’Aconit, l’Anémone, l’Adonis, la Rose de Noël.
L’Aconit napel qui pousse dans les bois et les prés humides des montagnes est, par ses alcaloïdes (aconitine), la plante la plus toxique de la flore de France ; on utilise sa teinture contre les névralgies faciales ; l’Adonis est employé comme cardiotonique. l’Anémone, comme sédatif utérin.
Les Berbéridacées (715 espèces) comprennent des herbes souvent à rhizome (Podophylle et Hydrastis de l’Amérique du Nord) et des arbrisseaux (Berbéris et Mahonia) (fig. 11.9). L’Épine-vinette (Berberis vulgaris) est l’un des hôtes de la Rouille du blé. Les dérivés des épipodophyllines, principes actifs des Podophylles, sont utilisés comme antitumoraux.
Fig. 11.9 Renonculales.
A : Nigelle de Damas. B : Pied d’alouette des champs. C : Mahonia à feuilles de houx.
Les Ménispermacées (450 espèces) sont des plantes tropicales généralement lianescentes. Les Chondrodendrons fournissent des curares : la Coque du Levant contient un principe amer, la picrotoxine, antidote des barbituriques.
Papavéracées
Généralités
Cette famille comprend 820 espèces réparties dans l’hémisphère Nord tempéré : à la suite de l’écartement géologique de l’Europe et de l’Amérique, les genres ont évolué séparément et les Papavéracées européennes sont assez différentes d’aspect des Papavéracées américaines.
C’est la famille des Pavots (fig. 11.10), des Coquelicots et des Fumeterres.
Pour le pharmacien, cette famille est particulièrement importante : les alcaloïdes retirés du suc, ou opium, du Pavot blanc sont des stupéfiants.
Les Papavéracées ont, de plus l’intérêt de montrer comment, au début de l’évolution, un ovaire syncarpé uniloculaire résulte de la soudure de carpelles encore pratiquement « fermés » sur eux-mêmes (fig. 11.11).
Fig. 11.11 Formation de l’ovaire des Papavéracées.
Chez Platystemon (A), espèce californienne, un sillon profond délimite les nombreux carpelles encore presque « fermés » sur eux-mêmes et à peine soudés par leurs bords dans l’ovaire jeune ; à maturité, ils redeviennent libres, formant autant de fruits (folliculaires) indépendants. Chez le Pavot, les sillons sont à peine marqués. Chez le Coquelicot (B), ils ne sont plus visibles. Chez la Chélidoine et la Fumeterre (C) il n’y a plus que deux carpelles ; chez cette dernière, le fruit, monosperme et indéhiscent, devient une akène et la monospermie du fruit est compensée par la multiflorie de l’inflorescence. En pointillé, les placentas plus ou moins développés selon les cas.
Appareil végétatif
Les Papavéracées sont des herbes à feuilles isolées, sans stipules, souvent très découpées et d’aspect glauque (car recouvertes de cire). Les Papavéracées sont toujours pourvues d’un appareil sécréteur à latex (= émulsion complexe à base de polyterpènes) souvent riche en alcaloïdes (morphine du Pavot…). Lorsque l’on casse la plante, le latex, contenu dans des cellules spéciales, les laticifères, peut s’écouler : il est orangé dans le cas de la Chélidoine, blanc chez le Pavot, incolore chez les Coquelicots, rouge chez la Sanguinaire.
Appareil reproducteur
La fleur
La dimérie permet la zygomorphie de la fleur, peu apparente chez les Pavots mais très marquée chez les Fumeterres.
La fleur a acquis des sépales, mais ceux-ci sont caducs : ils tombent au moment où s’ouvre le bouton floral.
Les pétales sont plissés et comme chiffonnés avant l’épanouissement de la fleur. Chez le Bocconia, genre arbustif américain, la fleur est apétale.
Les étamines primitivement très nombreuses, diminuent en nombre chez les espèces les plus évoluées : ainsi il y a moins d’étamines dans une fleur de Chélidoine que dans une fleur de Pavot ; chez les Fumeterres, les fleurs (fig. 11.11) sont petites (et nombreuses), ce qui entraîne une réduction de l’androcée à deux étamines trifurquées.
Leur structure est d’ailleurs différente de celle des Renonculales :
Dans le premier cas, on dit que l’on a un androcée polystémone (de polus, nombreux et stamen, étamine) et l’on écrit : ∞E.
Dans le second cas, on a un androcée méristémonie (du grec merus, action de diviser) et l’on écrit : nE.
Les carpelles (fig. 11.11), nombreux à l’origine, sont réduits à deux chez les espèces les plus évoluées. Les ovules, portés par des placentas plus ou moins hypertrophiés, sont situés sur les bords des feuilles carpellaires : la placentation est dite pariétale. Les styles, libres à l’origine, peuvent se souder : c’est le cas du Coquelicot où les styles et leurs stigmates forment un plateau stigmatique.
Chez le Pavot (8 à 10 carpelles), les placentas importants portent de très nombreux ovules87 ; chez la Chélidoine (cf. fig. 11.56, gauche) où il n’y a plus que deux carpelles, les placentas, réduits, portent de chaque côté, deux rangées d’ovules. Les Fumeterres, à deux carpelles également, n’ont plus qu’un seul ovule.
Le fruit
Le fruit est sec, capsulaire (fig. 11.12). L’ouverture se fait par des valves de chaque côté des placentas : la déhiscence paraît paraplacentaire (fig. 9.6 et fig. 11.12).
Chez les Pavots et les Coquelicots, les fentes qui devraient limiter les valves ne se forment qu’en haut du fruit (capsule poricide).
Chez le Pavot à opium, ces valves ne se forment plus ; la capsule devenue indéhiscente est dite « aveugle ».
Chez la Chélidoine, les fentes intéressent toute la longueur du fruit et isolent un cadre placentaire portant les graines ; un tel fruit, provenant de deux carpelles, est appelé silique.
Chez les Fumeterres, le fruit, à une seule graine, ne s’ouvre plus : c’est un akène.
Principales espèces
La Chélidoine se rencontre fréquemment en herborisation. Son latex orangé est irritant.
Les Pavots aux fleurs ornementales sont souvent plantés dans les jardins. Une variété donne l’huile d’œillette ; une autre, cultivée en Orient, produit l’opium.
Les Coquelicots et les Fumeterres se raréfient dans les champs depuis l’emploi des herbicides.
Protéales, buxales, trochodendrales et gunnérales
Les Protéales comprennent trois familles au faciès très différent : les Protéacées (62 genres, 1 175 espèces diversifiées dans les zones méditerranéennes de l’hémisphère sud, principalement centrées sur la région du Cap et le sud-ouest de l’Australie). Ce sont des arbres et arbustes à fleurs apétales (enveloppe simple et colorée, souvent formée de 4 tépales, autant d’étamines et à carpelle unique), réunies en inflorescences voyantes (épis, grappes, capitules, fig. 11.15). Les Platanes (Platanacées, 1 genre, 8 espèces) sont couramment plantés en France ; Platanus orientalis (fig. 11.13), est originaire de l’Asie mineure, P. occidentalis de l’Amérique du Nord ; P. x acerifolia, le Platane commun, est leur hybride.
Les Nélumbonacées, 1 genre, 2 espèces à habitat aquatique dont le Lotus sacré de l’Inde, Nelumbo (fig. 11.14), qui ne doit pas être confondu avec un Nénuphar. En Asie, Boudha est souvent représenté assis sur un Lotus.
Fig. 11.14 Lotus sacré.
La fleur (A) comprend 4-5T + ∞P + ∞E + ∞C (enchâssés dans le réceptacle : B).
Les Trochodendracées et Trochodendrales sont réduites à 2 espèces asiatiques (fig. 11.15). La fleur apérianthée comprend de nombreuses étamines et 6 carpelles indépendants à l’origine de follicules : le bois est archaïque.
Fig. 11.15 Protéales, Trochondendrales, Buxales.
A : Protéacée à fleurs en grappes (Grevillea). B : Protéacée à fleurs en capitule (Leucospermum). C : fleurs de Trochodendron, (noter les fleurs polystémones et apétales. D : fleurs mâles de Buis (2+2T, 4E).
Les Buxacées (Buxales) comprennent 50 espèces en 4–5 genres dont le Buis (fig. 11.15). Les fleurs à tépales sont unisexuées avec soit 4 à 10 étamines, soit 3 carpelles soudés se transformant en un fruit capsulaire.
Triporées centrales
Saxifragales (ou Prérosidées)
L’ordre des Saxifragales représente ce que l’on peut appeler ici Prérosidées : car il est le groupe-frère des Rosidées.
Les Saxifragales regroupent 2 500 espèces encore primitives proches du stock à l’origine des Renonculales. Par exemple les caractères embryogéniques des Saxifragacées, des Crassulacées et des Renonculacées sont proches. C’est un ensemble modeste comprenant surtout des herbacées et des arbustes tempérés.
Les Crassulacées (1 380 espèces dont les Sédums) (fig. 11.16) sont des herbes ou des arbustes succulents encore appelées plantes grasses (cf. p. 280) adaptées à des biotopes secs. Le métabolisme du carbone y est du type CAM88 comme pour les Cactacées (cf. p. 214). L’androcée est obdiplostémone. Les carpelles libres, mais plus ou moins soudés à la base, sont restés pluriovulés et les fruits sont des follicules.
Fig. 11.16 Saxifragales.
A : le Sédum blanc et ses feuilles charnues. B : Saxifrage granulé. C : Groseillier à maquereaux : 5S rouges, 5P blancs, 5Et alternipétales (post-obdiplostémonie). D : Pivoine : 5P, 5nE, et ici, 2C.
Chez les Saxifragacées (620 espèces herbacées dont plusieurs adaptées aux montagnes), également obdiplostémones, les carpelles sont généralement partiellement soudés (Saxifrages), fig. 11.16.
Les Grossulariacées, très proches des Saxifragacées, sont des arbustes du genre Ribes (200 espèces de Groseilliers, fig. 11.16) dont les carpelles concrescents à la coupe florale deviennent ici une baie infère : la groseille.
Les Péoniacées, limitées aux Pivoines, sont des plantes d’ornement (25 espèces) présentant 5 sépales, 5 à 10 pétales vivement colorés ; les fruits sont représentés par 3 à 5 follicules.
Les Hamamélidacées (95 espèces) sont des arbres ou arbustes (Hamamelis virginiana est appelé le Noisetier de Virginie). Les fleurs, uni- ou bisexuées, généralement à périanthe réduit et réunies en inflorescences, présentent 4 longs pétales chez les Hamamelis (fig. 11.17). Chez cette famille, on assiste à la formation d’inflorescences plus ou moins denses avec réduction des fleurs qui perdent les pétales, puis les sépales et deviennent unisexuées (cf. l’évolution des Euphorbiacées, fig. 11.27). Parallèlement la pollinisation entomophile devient anémophile (cf. l’évolution des Fagales, p. 180).
Rosidées
Chez les Rosidées, la fleur est typiquement dialypétale, pentacyclique et à carpelles généralement indépendants, mais de nombreuses variations se produisent par adaptation à l’environnement : méristémonie, perte des pétales et des sépales, soudure des pétales entre eux et avec la coupe florale, condensation en inflorescences compactes… Plusieurs caractères primitifs s’y observent : présence de cycles trimères, par exemple (5+3) P chez la Dryade à 8 pétales (Rosacées) ; de même, la préfloraison quinconciale (Millepertuis, fig. 11.22, et Rosier, fig. 11.37), issue de la condensation de 2 cycles trimères (fig. 9.3) est fréquente au niveau du calice et de la corolle.
On peut distinguer les Protorosidées limitées aux Vitales et deux clades, les Fabidées et les Malvidées (fig. 11.18).
Vitales (ou Protorosidées)
Les Vitales, limitées aux Vitacées (725 espèces tropicales et subtropicales, généralement lianescentes) seraient le clade-frère de l’ensemble des Rosidées. La Vigne (Vitis vinifera) est originaire du Caucase (fig. 11.19).
Fig. 11.19 La Vigne.
A : rameau. B : fleur avec sa corolle (les 5 pétales tombent d’une pièce quand la fleur s’épanouit) et C, sans corolle. Les sépales sont petits, soudés à la coupe florale ; et, étamine superposée au pétale ; d, disque nectarifère ; ov, ovaire bicarpellé à l’origine d’une baie, le grain de raisin (D).
Fabidées
Les Fabidées ou Eurosidées I comprennent 8 ordres : Zygophyllales, Célastrales, Oxalidales, Malpighiales, Fabales, Rosales, Fagales et Cucurbitales,.
La plupart des Fabales et quelques genres appartenant aux Fagales : Bétulacées et Casuarinacées, aux Cucurbitales : Coriariacées et aux Rosales : Rhamnacées, Eléagnacées et Rosacées, fixent l’azote de l’air via la symbiose avec des procaryotes.
Les Fabales, les Rosales et certaines Fagales sont particulièrement riches en tannins.
Zygophyllales
Les Zygophyllales sont le groupe-frère de toutes les autres Fabidées et comprennent les Zygophyllacées avec Zygophyllom: fig. 11.20 et des espèces tropicales comme le bois de Gaïac.
Célastrales
Les Célastrales (2 familles) se limitent quasiment aux Célastracées (1 300 espèces) et sont postobdiplostémones. Ce sont des arbres ou des arbustes, comme le Fusain d’Europe (Bonnet de prêtre, fig. 11.20), le Catha edulis (Qat ou Kat ou encore thé des Arabes), riche en caféine.
Oxalidales
Les Oxalidales se composent de 7 familles, 1 500 espèces. Les Oxalidacées (565 espèces des régions chaudes dont les Oxalis acclimatés à nos régions, fig. 11.20) sont également obdiplostémones. L’une des espèces de nos régions, appelée Pain de coucou pousse en sous-bois ; ses fleurs blanches et surtout ses feuilles semblables à celle du Trèfle présente un goût acidulé dû à l’acide oxalique, qui tire son nom de cette espèce.
Malpighiales
Les Malpighiales sont un vaste ordre créé dans les années 1990 pour 35 familles et près de 16 700 espèces). Les feuilles des Malpighiales (fig. 11.21) sont généralement simples : l’ovaire peut être triloculaire à styles libres ; des glandes ou de disques nectarifères sont présents.
Fig. 11.21 Malpighiales.
A : rameau fleuri de Clusia (Clusiacées). B : Malpighia glabra (Acérola : fruits rouges riches en vitamine C). C : Cocaïer : rameau avec fleurs et fruits. D : fleur de Lin cultivé.
les Malpighiacées (1 200 espèces tropicales), les Erythroxylacées (240 espèces tropicales dont le Cocaïer (fig. 11.21), arbuste du Pérou et de la Bolivie ; ses feuilles contiennent un alcaloïde à propriétés anesthésique et stupéfiante, la cocaïne) ;
les Rhizophoracées (135 espèces de Palétuviers typiques des mangroves) ;
les Linacées (280 espèces dont le Lin, fig. 11.21) ;
les Clusiacées, comprenant 850 espèces d’arbres tropicaux (fig. 11.21) dont le Mangoustan ;
les Hypéricacées (480 espèces cosmopolites avec surtout le genre Hypericum (Millepertuis : fig. 11.22) ;
les Podostémacées (270 espèce) tellement modifiées par leur habitat aquatique, les rivières rapides tropicales qu’elles ressemblent à des mousses ; elles sont en fait très proches des Hypéricacées).
Dans tout cet ensemble les fleurs sont obdiplostémones (il peut y avoir des avortements ou des multiplications par méristémonie).
les Violacées et famille apparentées (cf. ci-dessous), Salicacées et Passifloracées, qui ont acquis des carpelles « ouverts » ;
les Euphorbiacées (cf. ci-dessous) vaste famille des régions chaudes ;
les Rafflésiacées (22 espèces) seraient des Malpighiales régressées. Ce sont des plantes tropicales parasites, non chlorophylliennes, dont l’appareil végétatif, très dégradé, se développe comme le mycélium des champignons. Des filaments se propagent dans le cambium de la plante parasitée. Les fleurs s’épanouissent généralement au ras du sol et peuvent atteindre un mètre de diamètre chez les Rafflesia.
Violacées
Les Violacées89, 700 espèces (dont 400 espèces de Violettes et Pensées, toutes deux du genre Viola), sont répandues dans le monde entier.
Nous limiterons notre étude aux Violettes90.
La Violette odorante (fig. 11.23), par exemple, est une petite herbe vivace par un rhizome et que l’on rencontre dans les bois.
Fig. 11.23 Violette odorante.
A : port de la plante. B : profil de la fleur (pt, pétale ; s, sépale ; ep, éperon. C : capsule déhiscente.
Les fleurs, d’un beau bleu-violet, sont très particulières et pentamères sauf au niveau des carpelles réduits à trois (d’autres espèces de la famille, plus primitives, en ont encore cinq) ; donc ici la trimérie est secondaire, évoluée et non primitive) :
les 5 sépales se prolongent à leur base par un talon membraneux ;
la corolle est nettement zygomorphe :
les 5 étamines ont leurs anthères appliquées contre le style ; les deux inférieures portent un appendice nectarifère, qui se loge dans l’éperon du pétale inférieur, qui joue ainsi le rôle de collecteur de nectar ;
les 3 carpelles « ouverts », à stigmates soudés globuleux, donnent un fruit capsulaire s’ouvrant par trois fentes dorsales ;
La floraison et la fructification des Violettes dépendent des longueurs relatives du jour et de la nuit. Au printemps où les jours sont courts, apparaissent les fleurs bleu-violet décrites ci-dessus ; elles sont stériles et avortent. Quand les jours deviennent longs, ces fleurs sont remplacées par d’autres, petites, qui restent enterrées et ne s’épanouissent pas : on les appelle fleurs cléistogames (du grec kleistos, fermé). Les étamines étant appliquées contre le stigmate, l’autopollinisation est très facile : ces fleurs sont fertiles et donnent les graines.
On distingue deux groupes dans le genre Viola : les Violettes proprement dites, comme la Violette odorante ; les Pensées où les quatre pétales latéraux sont redressés. On les cultive fréquemment dans les jardins.
Les Salicacées (1 200 espèces, fig. 11.24) largement répandues, comprennent 54 genres, notamment les Saules (450 espèces) et les Peupliers (35 espèces) des régions froides, à fleurs apétales disposées en « chatons » unisexués. Ces derniers, encore dressés et pourvus de nectaires chez les Saules, sont pollinisés par les insectes ; pendants chez les Peupliers, leur pollinisation est anémophile. D’autres genres de Salicacées des régions chaudes, font le lien avec les Violacées, tels les Chaulmoogra (Hydnocarpus) aux graines riches en une huile à propriétés antilépreuses. L’acide salicilique provient du Saule (Salix) et possède des propriétés fébrifuges et antalgiques.