CHAPITRE 11 Techniques d’expansion sclérale
L’expansion sclérale est l’une des rares approches, avec les implants accommodatifs (cf. chapitre suivant), de la correction chirurgicale de la presbytie qui permettent d’obtenir une restauration de l’accommodation monoculaire vraie. Une telle restauration repose sur : soit l’amélioration de la compliance lenticulaire, soit l’augmentation de l’efficacité ciliaire, soit l’augmentation de la courbure lenticulaire antérieure au cours de l’accommodation résiduelle (cf. partie I).
Bandes d’expansion intrasclérales
Les bandes d’expansion intrasclérales ont pour but l’augmentation du diamètre scléral en regard de l’équateur du cristallin pour restaurer l’accommodation. Cette technique repose sur les conceptions non orthodoxes — contestées par de nombreux auteurs — du mécanisme de l’accommodation et de la presbytie développées par Marius Tscherning [36] et Ronald Schachar [23, 24]. Leurs résultats sont controversés et ces techniques chirurgicales ne sont à l’heure actuelle plus utilisées.
THÉORIE DE L’ACCOMMODATION DE RONALD SCHACHAR
MÉCANISME DE L’ACCOMMODATION SELON SCHACHAR
La théorie de l’accommodation de Ronald Schachar [29] repose sur une anatomie et un fonctionnement différents des fibres zonulaires et du muscle ciliaire.
Mécanismes de l’accommodation
Sur le plan fonctionnel, l’accommodation résulte, pour Schachar, non pas comme il est largement admis d’une diminution de la traction zonulaire associée à une diminution du diamètre équa-torial du cristallin [8], mais d’une traction zonulaire au niveau de l’équateur du cristallin (fig. 11-1). Cette mise en tension augmente le diamètre lenticulaire, ce qui provoque un aplatissement de la courbure périphérique du cristallin et un bombement de la courbure centrale. Selon Schachar, l’augmentation du pouvoir réfractif du cristallin procède donc d’une augmentation de la traction sur la zonule équatoriale; la presbytie serait due non pas à un durcissement du cristallin comme le pensent de nombreux auteurs [7, 12] mais à l’augmentation du diamètre du cristallin avec l’âge, ce qui rend inefficace la mise sous tension des fibres zonulaires. Pour supprimer ou retarder la presbytie, Schachar préconise d’augmenter l’espace entre le corps ciliaire et l’équateur du cristallin par un système d’expansion sclérale, afin de donner la possibilité aux fibres zonulaires de se tendre à nouveau (fig. 11-2).
Il confirme cette théorie malgré les controverses en 2008 [30].
ÉLÉMENTS EN FAVEUR DE LA THÉORIE DE SCHACHAR
La théorie de Ronald Schachar est étayée par plusieurs études expérimentales.
Infléchissement des aberrations sphériques vers la négativation
L’infléchissement des aberrations sphériques vers la négativation au cours de l’accommodation a été observé par Thomas Young dès 1801 [40] et confirmé ensuite par l’aberrométrie [17, 20].
Thomas Young avait examiné les modifications de la forme des ombres obtenues par la projection de deux lignes parallèles au cours de l’accommodation. Il avait noté que ces lignes étaient parfaitement rectilignes dans le regard de loin et semblaient devenir convexes dans le regard de près. Il conclut que ce changement était dû à l’aplatissement de la périphérie du cristallin mais en aucun cas à des modifications cornéennes, comme le confirment certains auteurs [34].
Stabilité lenticulaire
Le cristallin étant plus dense que le vitré ou l’humeur aqueuse, ni l’un ni l’autre ne peuvent prétendre le stabiliser : c’est la tension zonulaire constante qui maintient la stabilité du cristallin. Au cours de l’accommodation, les zonules antérieures et postérieures se relâchent mais la tension de la zonule équatoriale augmente et maintient la stabilité du cristallin [31]. De ce fait, l’amplitude d’accommodation n’est pas affectée par la gravité, ce qu’avait confirmé John Glenn après son voyage spatial en 1962.
Tension zonulaire
La zonule équatoriale n’a été mise en évidence que récemment grâce à la microscopie électronique [34] et au biomicroscope à ultrasons en trois dimensions [32]. Ses fibres sont en effet extrêmement fines et échappent à l’examen biomicroscopique. Sa fonction a été démontrée chez l’homme en visualisant le déplacement de l’équateur du cristallin vers la sclère au cours de l’accommodation [25], chez le primate par la diminution du pouvoir optique du cristallin secondaire au relâchement zonulaire obtenu par dissection in vivo du muscle ciliaire [11] et, enfin, par des expériences in vitro : un cristallin humain libre de toute traction zonulaire apparaît relâché et n’accommode pas; une traction sur la zonule induit un bombement central et un aplatissement périphérique [19, 27, 28].
Effet du vieillissement sur le muscle ciliaire
Les modifications du muscle ciliaire au cours du vieillissement ont été analysées. Il n’est plus à démontrer qu’un muscle au repos s’atrophie et qu’un muscle soumis à des contractions isométriques s’hypertrophie. Or, Tamm a constaté qu’il existait une atrophie des fibres antérieures radiales du muscle ciliaire, qui sont responsables de la traction sur la zonule équatoriale, avec la diminution de l’amplitude de l’accommodation liée à l’âge et, au contraire, une hypertrophie des autres fibres du muscle ciliaire du fait des contractions isométriques secondaires à l’effort d’accommodation qui persiste malgré le vieillissement [35]. En effet, la traction exercée par un muscle dépend directement de sa capacité à l’étirement. L’étirement des fibres antérieures radiales dépend de l’ espace entre l’équateur du cristallin et le muscle ciliaire. Cet espace diminuant avec l’âge du fait de l’augmentation du diamètre équatorial du cristallin, l’étirement est moindre : le muscle s’atrophie et la traction sur la zonule équatoriale diminue.
Géométrie lenticulaire
Une étude récente portant sur la contribution de la géométrie lenticulaire et des propriétés mécaniques du cristallin sur le développement de la presbytie confirme que la perte d’accommodation serait due en majeure partie aux modifications géométriques du cristallin et moins à ses modifications mécaniques. En effet, le remodelage d’un cristallin correspondant à celui d’un sujet de quarante-cinq ans pour aboutir à la forme d’un cristallin d’un sujet de vingt-neuf ans tout en lui conservant les mêmes propriétés mécaniques restaure une amplitude d’accommodation de 72 % à 94 % de celle du cristallin de vingt-neuf ans, ce qui correspond à un gain accommodatif de 1,8 D à 3,7 D. En revanche, une restauration des propriétés mécaniques du cristallin ne permet un gain accommodatif que de 0,7 D [37].
Éléments non résolus par la théorie d’Helmholtz
Une traction équatoriale exercée sur une lentille biconvexe encapsulée déformable ayant le même profile que le cristallin (vésicules prolates, ballon rempli d’air, de gel ou d’eau) entraîne un aplatissement périphérique et un bombement central [25]. De même, une suture serrée d’une incision cornéenne induit un bombement central du méridien sur lequel elle est placée, alors qu’une incision en périphérie induit un aplatissement du méridien de l’incision [1]. La théorie d’Helmholtz stipule que le bombement cristallinien est à la fois central et périphérique et que les aberrations optiques se positivisent au cours de l’accommodation. Elle implique, entre autres, que le relâchement zonulaire secondaire à l’augmentation du diamètre équatorial liée à l’âge est responsable d’un shift myopique chez le patient presbyte; or le shift est hypermétropique. [24]

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