11 Réinsertion et réadaptation par le travail
Les principes de réadaptation par le travail sont à l’origine de l’histoire de la psychopathologie du travail (cf. Partie I). Le rapport au travail peut revêtir une fonction structurante pour l’identité et contribuer à la stabilisation de troubles psychopathologiques. Chez certains patients psychotiques, l’investissement subjectif dans le travail peut par exemple contribuer à contenir le vécu hallucinatoire, calmer l’agitation et favoriser le maintien avec la réalité. L’effet mutatif du travail sur l’organisation mentale psychotique requiert certaines conditions :
• le sujet doit être en mesure de pouvoir « rapatrier » au profit de son identité, les investissements déployés dans le travail ;
• il doit pouvoir bénéficier d’une activité « adaptée » à sa pathologie.
L’ESAT doit « contribuer à l’insertion professionnelle et sociale par le travail de personnes handicapées, dans l’incapacité durable ou momentanée d’exercer une activité professionnelle en milieu ordinaire de travail. Les travailleurs sont étroitement associés à cette démarche, devenant ainsi acteurs de leur propre évolution ». L’objectif est de préparer et soutenir une intégration en milieu ordinaire de travail quand cela s’avère possible. Les travailleurs souffrant de troubles psychiques nécessitent une prise en charge thérapeutique spécifique dont les modalités sont difficiles à circonscrire (C. Bouvet, R. Alegre, 2010) : estime de soi, « satisfaction de vie » et appréciation du vécu dépressif seraient des indicateurs pertinents pour rendre compte des effets thérapeutiques de l’engagement dans le travail.
En pratique, les équipes associent des professionnels du secteur médicosocial (assistante sociale, psychologue, médecin) et des professionnels ayant des compétences techniques spécifiques (moniteur, moniteur-éducateur) en vue de former et d’accompagner les travailleurs dans les activités de production.
Privilégier une politique de réinsertion suppose de mobiliser les efforts en direction de la conservation de l’emploi et de l’autonomie financière, avec le risque de congédier la question du travail et de ses enjeux psychiques. En effet, pour rester présents sur le marché économique, les ESAT se retrouvent en concurrence avec les entreprises pour négocier leurs contrats qui sous-tendent l’activité de production. Cette situation génère des contradictions entre les logiques de production qui imposent un rythme de travail soutenu sur les ateliers et les principes de la réinsertion par le travail. Le contexte social oppose une « rigidité » qui résiste aux objectifs de la réinsertion et pèse sur la situation des travailleurs engagés dans un processus de conquête de l’identité en situation de travail (D. Dessors, C. Jayet, 1990). Ce système contribue en réalité à accentuer les difficultés d’accès au marché du travail et au maintien dans l’emploi des travailleurs présentant des handicaps ou des troubles psychiques sévères, occasionne une dégradation des conditions relatives au travail des encadrants et génère une souffrance importante pour les professionnels des ESAT comme pour les travailleurs accueillis.

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