Prothèses verrouillées pour les révisions des arthroplasties totales de hanche
Distally locked stem for femoral revision of total hip arthroplasties
Introduction
Les prothèses verrouillées ont été introduites par Pierre Vives au milieu des années 1980 [15]. Elles ont fait suite au succès des enclouages verrouillés qui, au début des années 1980, avaient révolutionné le traitement des fractures diaphyso-métaphysaires des os longs [4]. Pierre Vives avait proposé ces implants sans ciment assez rudimentaires et dépourvus de traitement de surface comme une méthode d’attente, permettant au capital osseux fémoral de se reconstituer ; introduisant par la suite le principe de la « désescalade », obtenue au prix d’une nouvelle reprise avec un pivot fémoral de taille standard (cimenté ou non) [15, 16]. La reconstruction étant régulièrement obtenue (le plus souvent sans greffe), même dans les cas les plus sévères, ces implants ont connu un engouement important en France [3, 9, 15, 16]. Ce dernier apparaissait justifié par :
• 1) la simplification des révisions fémorales en facilitant, dans des situations complexes, la réalisation d’une fémorotomie [7, 9] ;
• 2) en donnant une fixation initiale fiable favorisant la restauration du capital osseux et le contrôle strict des longueurs en prévenant les enfoncements secondaires souvent observés à cette époque avec les pivots de révision sans ciment [2] ;
• 3) en facilitant le traitement des fractures périprothétiques dont la fréquence allait augmenter au cours de la décennie suivante [1] ;
• 4) en permettant de traiter des pertes de substance étendues au-delà de l’isthme, dont la prise en charge par des pivots longs cimentés ou sans ciment « press-fit » restait imparfaite [7, 9, 11] ;
• 5) en raison de leur possible extractibilité notamment avec un traitement de surface limité ou absent, les conduisant à devenir une solution de choix dans des révisions complexes notamment septiques (du fait du nettoyage autorisé par la fémorotomie, de la fixation initiale stable, et de l’extractibilité) [14].
En pratique, l’expérience a montré que la désescalade était rarement nécessaire, et ces pivots ont donc progressivement été munis d’un traitement de surface et d’une géométrie favorisant leur fixation secondaire par ostéo-intégration, permettant leur utilisation comme un pivot définitif et non plus comme un simple « espaceur » [9, 16]. Après cette nouvelle évolution, leur succès s’est amplifié, mais est à nouveau resté cantonné à la France, même si quelques publications américaines [6, 9, 13], germaniques [11, 17] et coréennes [5] soulignent l’intérêt de cette méthode de révision.
Technique opératoire
Principes techniques
Si la fixation initiale de ce type de pivot est toujours obtenue par le verrouillage, la fixation secondaire doit constituer l’objectif essentiel lors de l’implantation [7, 8]. Cette fixation secondaire par ostéo-intégration suppose la mise au contact intime entre le traitement de surface proximal du pivot et l’os métaphyso-épiphysaire proximal. Il est en effet illusoire de se contenter de verrouiller le pivot sans rechercher cette ostéo-intégration proximale, cette attitude se soldant souvent par une rupture du pivot au niveau du premier trou de vis du fait des contraintes élevées en traction s’y exerçant (« effet Cantilever ») (figure 1) [8]. La même situation est obtenue pour des pivots verrouillés dépourvus de traitement de surface dont la fixation proximale, uniquement fibreuse, ne permet pas une tenue à long terme [10]. S’il est possible d’implanter ces pivots sans fémorotomie, en particulier s’il n’y a pas de difficultés lors de l’ablation du pivot précédent et/ou du ciment, cet artifice technique doit pouvoir être décidé en cours d’intervention afin de faciliter le contact intime entre l’os receveur et le traitement de surface proximal du pivot. Il s’agit alors d’une « fémorotomie de remodelage », qui doit au besoin être complétée par une « contre-fémorotomie » de la corticale médiale destinée à rapprocher celle-ci du traitement de surface pour les mêmes raisons [12]. Lorsque cette « contre-fémorotomie » est envisagée, elle doit être effectuée à un niveau différent de la valve latérale pour améliorer la stabilité du montage (figure 2), évitant ainsi de créer un fémur proximal « flottant » dont la fixation ne peut plus alors être confiée à de simples cerclages mais doit comporter une courte plaque monocorticale afin d’en prévenir la pseudarthrose. Au total, la réalisation d’une fémorotomie n’est pas indispensable pour l’utilisation d’un pivot verrouillé à condition qu’il n’y ait pas de difficultés d’extraction et que la forme du pivot s’adapte au fémur proximal de façon à permettre un contact étendu os/traitement de surface. En pratique, ces deux critères sont rarement rencontrés (surtout pour le contact proximal os-implant), aussi une fémorotomie au moins d’adaptation doit régulièrement être effectuée [12].