11 Échographie Doppler transcrânienne en unité de soins intensifs et en salle d’opération
L’échographie Doppler transcrânienne a été introduite en premier par Aaslid et al. [1] en 1982 comme une technique non invasive de surveillance du débit sanguin cérébral et son comportement dynamique. La détection d’embolies cérébrales au cours d’une endartériectomie carotidienne a été décrite en 1990 [2]. En dépit des preuves limitées d’avantages pour les patients [3], l’échographie Doppler transcrânienne est maintenant considérée comme une technique standard pour la surveillance cérébrale, à la fois périopératoire et en unité de réanimation [4].
Anatomie échographique
Les artères cérébrales basales sont des branches des artères carotides internes (ACI) et vertébrales et supportent pratiquement tout le débit sanguin cérébral. Elles sont enfermées dans la voûte crânienne, osseuse, et elles s’anastomosent à différents niveaux par l’intermédiaire du polygone de Willis (figure 11.1). Les veines cérébrales se rejoignent pour former la grande veine cérébrale et les sinus veineux, le flux se déversant finalement dans la veine jugulaire interne.
La structure osseuse du crâne restreint la possibilité de visualiser les structures intracrâniennes. Toutefois, trois fenêtres échographiques sont présentes. La partie antérieure de l’os temporal est fine et permet l’accès à l’artère cérébrale moyenne (ACM), aux artères cérébrale antérieure (ACA) et cérébrale postérieure (ACP) ; l’artère ophtalmique passe par le trou orbitaire ; les artères basilaire et vertébrale peuvent être visualisées via le foramen magnum (trou occipital). Environ les deux tiers du débit sanguin cérébral sont supportés par les deux ACM et la portion proximale de l’ACM qui cheminent presque perpendiculairement à la fenêtre temporale. Ces éléments font des ACM les vaisseaux de choix pour la plupart des examens d’écho-Doppler transcrâniens.
Comment réaliser un écho-Doppler transcrânien
Équipement
Bien que les logiciels varient selon le fabricant, les caractéristiques suivantes doivent être disponibles : temps réel, marquage couleur avec son du profil débit-temps-intensité, analyse des flux pulsatiles (transformation de Fourier rapide), pour donner des valeurs « battement par battement » ou des tendances sur les valeurs moyennes de vélocités de flux systolique, moyenne et diastolique (VFs, VFm, VFd) ; puissance du signal ; indices dérivés tels que l’index de résistance (IR) et l’indice de pulsatilité (IP) ; détection manuelle et automatisée de l’embole ; possibilités d’enregistrement hors ligne.
Technique
Les patients sont habituellement examinés dans la position allongé sur le dos pour la fenêtre temporale, mais l’examen peut être effectué avec le patient dans n’importe quelle position confortable. La fenêtre temporale est définie par la zone située 2 cm au-dessus d’une ligne tracée entre le tragus de l’oreille et le canthus externe de l’œil (figure 11.2).
Artère cérébrale moyenne
Après l’application de gel d’échographie, l’opérateur positionne la sonde fermement contre la peau du patient, perpendiculaire au crâne. La profondeur initiale doit être fixée à 50 mm et l’opérateur devrait systématiquement examiner toute la zone de la fenêtre acoustique. La plupart des opérateurs aboutissent sur le signal en utilisant une combinaison de repères visuels et auditifs. Si aucun signal n’est trouvé, alors le processus est répété à une profondeur différente, de 45 à 75 mm. Une fois un faible signal constaté, le signal optimal est obtenu par de petits ajustements de la position de la sonde et de l’angle d’insonation.
Le vaisseau devrait être suivi sur toute sa longueur, si possible, à partir de son origine à la bifurcation carotidienne interne (environ 60–65 mm). À ce point, les déflexions positives (ACM) et négatives (ACA) doivent être perçues, donnant une plus grande certitude que c’est bien l’ACM qui est examinée. La profondeur est ensuite modifiée jusqu’à ce que la déviation maximale positive soit vue. Une autre confirmation du positionnement correct est que la compression de l’artère carotide ipsilatérale provoque une diminution de la VF de l’ACM. La sonde doit ensuite être fixée à l’aide de dispositifs spécialement conçus pour maintenir une profondeur et un angle d’insonation constants. Avec la pratique, l’opérateur peut trouver l’ACM pour environ 90 % des patients [5].
Artère communicante antérieure
L’approche est la même que pour l’ACA, comme pour l’ACM, sauf que la sonde est orientée plus en avant et que le vaisseau se trouve à une profondeur plus grande (60–75 mm). La déflexion est négative (débit s’éloignant de la sonde).
Artère cérébrale postérieure
Pour l’ACP, l’approche est la même que pour l’ACM, mais avec une angulation postérieure de la sonde et une profondeur de 50–70 mm. Le débit est dirigé vers la sonde.
Artères vertébrale et basilaire
Pour accéder à la fenêtre du foramen magnum, le patient est assis avec le cou fléchi (menton sur la poitrine) et la sonde est appliquée sur la ligne médiane du cou, à environ 2 cm au-dessous de la limite des cheveux, avec une angulation céphalique modérée. Les artères vertébrales sont trouvées à environ 45–75 mm de là, légèrement en oblique par rapport au plan sagittal. L’artère basilaire est généralement située sur la ligne médiane autour de 100 mm. Le flux s’éloigne de la sonde. Les caractéristiques des vaisseaux qui peuvent être examinés par Doppler transcrânien sont indiquées au tableau 11.1.
Mesures
Vélocité du flux
Les vitesses d’écoulement varient chez un individu et entre les individus, pour les raisons techniques évoquées précédemment et en raison d’une variabilité physiologique normale. Les valeurs systolique et diastolique sont sujettes à une variabilité plus importante. Les vitesses de flux sont généralement exprimées comme la moyenne pondérée dans le temps de la vitesse du flux. Les valeurs normales pour la vitesse du flux ont été publiées ; plus de données sont disponibles sur les VF de l’ACM que pour les autres vaisseaux. Les valeurs normales pour la vitesse du flux et les facteurs affectant la vitesse du flux sont énumérées respectivement dans les tableaux 11.2 et 11.3.
Vaisseau | Âge | Vélocité de flux (cm/s) moyenne [DS] |
---|---|---|
Artère cérébrale moyenne | < 60 | 63 [10] |
Artère cérébrale moyenne | > 60 | 50 [13] |
Artère cérébrale antérieure | Tout | 51 [13] |
Artère cérébrale postérieure | Tout | 38 [11] |
Artère vertébrale | Tout | 37 [10] |
Artère basilaire | Tout | 39 [9] |
Facteur | Effet |
---|---|
Âge | Diminue avec l’âge : 0,51 % par an |
Sexe | 10–15 % plus élevé chez la femme |
SaO2 | Augmente avec l’hypoxie |
PaCO2 | Augmente avec l’hypercapnie, diminue avec l’hypocapnie |
Hématocrite | Augmente avec un hématocrite bas |
PAM | Changements minimes dans les limites de l’autorégulation |
Résistance vasculaire cérébrale
Différents indices ont été décrits comme marqueurs de substitution des résistances vasculaires cérébrales :
Ces indices sont souvent cités dans la littérature, avec une normale d’IP de 0,6 à 1,1.
Estimation de la pression de perfusion
La perfusion cérébrale est supposée être proportionnelle à la différence entre la pression artérielle en amont et la pression effective en aval. Diverses méthodes ont été proposées pour estimer la pression en aval de la circulation cérébrale, qui est une interaction complexe (et inconnue) entre la pression intracrânienne, la pression veineuse centrale et le tonus artériolaire [6]. Toutes ces méthodes nécessitent une mesure précise, préférentiellement battement par battement, de la pression artérielle.