Classification des médicaments en fonction de leurs mécanismes d’action
Caractéristiques des neurotransmetteurs
Un neuromédiateur ou neurotransmetteur est une molécule biologique sécrétée par des neurones capables d’agir pendant un temps court à faible concentration sur des cellules très proches du neurone d’origine. La neurotransmission a lieu au niveau de synapses composées d’une extrémité axonale présynaptique, d’une fente synaptique et de la membrane de l’élément post-synaptique (autre neurone ou cellule cible). L’influx nerveux transmis par dépolarisation présynaptique conduit à l’ouverture de canaux calciques entraînant une entrée de calcium au niveau intracellulaire, et permettant ainsi la libération du neuromédiateur dans la fente. Le neuromédiateur ainsi libéré va pouvoir interagir avec ses récepteurs post-synaptiques spécifiques, générant une propagation de l’influx nerveux ou des effets spécifiques de la cellule cible et du récepteur stimulé.
Transmission cholinergique
L’acétylcholine (figure 11.1) est le neuromédiateur du système nerveux autonome parasympathique. On la retrouve également au niveau des ganglions sympathiques et parasympathiques. Enfin l’acétylcholine est présente au niveau de la jonction neuromusculaire du système nerveux somatique.
Métabolisme
Synthèse
L’acétylcholine est synthétisée à partir d’un acide aminé précurseur, la choline, amenée du sang au neurone par un transporteur de choline (Ch T), puis qui est acétylée par la choline acétyl transférase (CAT) à l’aide d’acétylcoenzyme A (figure 11.2).
Fixation
L’acétylcholine se fixe sur ses récepteurs cholinergiques spécifiques : muscariniques et nicotiniques, générant de nombreux effets physiologiques.
Localisation
Au niveau du SNA, l’acétylcholine est retrouvée au niveau des neurones préganglionnaires sympathiques et parasympathiques, des neurones post-ganglionnaires parasympathiques, des neurones moteurs commandant les muscles squelettiques (jonction neuromusculaire ou plaque motrice), des neurones du nerf splanchnique qui innerve la médullosurrénale et dans les organes possédant une rythmicité propre (cœur, intestin, cils vibratils…) (figure 11.3).
Récepteurs et effets physiologiques
Récepteurs cholinergiques muscariniques (métabotropes)
• M1, M4 et M5 étant couplés à une protéine Gq (phospholipase C) ;
• M2 et M3 couplés à une protéine Gi (adénylate cyclase). La stimulation des récepteurs muscariniques centraux, peu nombreux, est responsable du tremblement du parkinsonien. Ces récepteurs sont retrouvés principalement au niveau des cellules cibles face aux neurones post-ganglionnaires parasympathiques :
Exemples de médicaments
Un certain nombre de médicaments commercialisés interfèrent avec la transmission cholinergique (tableau 11.1). On peut ainsi distinguer :
Tableau 11.1
Classification des médicaments interagissant sur la synapse cholinergique
Les chiffres entre parenthèses correspondent à ceux présents sur la figure 11.2.
• les cholinomimétiques, molécules qui stimulent le système cholinergique (sympatho- ou parasympathomimétiques), directs (au niveau des récepteurs) ou indirects (par action sur la synthèse, la libération ou l’inactivation de l’acétylcholine) ;
• les cholinolytiques qui inhibent la transmission cholinergique (sympatho- ou parasympatholytiques), directs (au niveau des récepteurs) ou indirects (synthèse, libération, inactivation).
Transmissions monoaminergiques
Classification
Les monoamines endogènes comprennent les catécholamines (dopamine, noradrénaline, adrénaline) et les indolamines (sérotonine, histamine).
Catécholamines
Métabolisme des catécholamines
Synthèse
La dopamine ne traversant pas la barrière hématoencéphalique, elle est synthétisée à partir d’un acide aminé précurseur, la tyrosine, qui pénètre dans les neurones via son transporteur (figure 11.4). Cette dernière est hydroxylée en DihydrOxyPhénylAlanine (DOPA), elle-même décarboxylée en dopamine par une DOPA décarboxylase.
Stockage
La dopamine est stockée par transport actif (transporteurs vésiculaires des monoamines VMAT-1 et 2) dans des vésicules (figure 11.5). Une partie reste libre dans le cytoplasme. La dopamine est le précurseur de la noradrénaline (sous l’action de la dopamine β-hydroxylase ou DBH), qui peut être méthylée en adrénaline (phényléthanolamine-N-méthyltransférase). La noradrénaline peut également rester stockée dans les vésicules ou se retrouver à l’état libre dans le cytoplasme (figure 11.6). La forme libre exerce un rétrocontrôle négatif sur l’activité de la tyrosine-3-hydroxylase.
Figure 11.5 La transmission dopaminergique
TyT : transporteur de la tyrosine ; TH : tyrosine-3-hydroxylase ; DOPA : dihydroxyphénylalanine ; DCC : DOPA décarboxylase ; VMAT : transporteur vésiculaires des monoamines ; DAT : transporteur de la dopamine ; MAO-B : monoamine oxydase de type B ; COMT : catéchol-O-méthyltransférase. © Sébastien Faure et Université d’Angers
Figure 11.6 La transmission noradrénergique
TyT : transporteur de la tyrosine ; TH : tyrosine-3-hydroxylase ; DCC : DOPA décarboxylase ; DBH : dopamine-β-hydroxylase ; VMAT : transporteur vésiculaires des monoamines ; NET : transporteur de la noradrénaline ; MAO-B : monoamine oxydase de type B ; COMT : catéchol-O-méthyltransférase. © Sébastien Faure et Université d’Angers
Localisation
Il existe différentes voies centrales dopaminergiques :
• La voie nigrostriée : débutant au niveau des noyaux qui constituent l’aire A9 dans le locus niger (substance noire) se projetant dans le néostriatum (noyau caudé et putamen), elle joue un rôle majeur dans le contrôle de la motricité automatique. La dégénérescence de cette voie est responsable de la maladie de Parkinson (syndrome extrapyramidal avec akinésie et hypertonie).
• Les voies mésolimbique et mésocorticale : les corps cellulaires de la voie mésolimbique constituent l’aire A10 mésencéphalique (aire ventrale et dorsale de la formation réticulaire) et se projettent au niveau système limbique, intégrant les émotions et le stress. Naissant aussi dans la substance réticulée mésencéphalique, la voie mésocorticale innerve le système limbique mais aussi le cortex préfrontal, impliqué dans les fonctions mentales (motivation, plaisir, récompense) et les comportements liés à l’émotivité. Ces voies peuvent être perturbées chez les patients schizophrènes.
• La voie tubéro-infundibulaire : les corps cellulaires prennent naissance au niveau de l’aire A12 hypothalamique pour se terminer dans l’hypophyse pour y stimuler le facteur d’inhibition de la prolactine.
Au niveau central, la noradrénaline est représentée dans plusieurs voies :
• une voie descendante bulbospinale se terminant à l’origine du neurone préganglionnaire présynaptique, contrôlant le tonus sympathique périphérique ;
• des faisceaux bulbobulbaires également dotés d’un rôle de contrôle ;
• deux voies ascendantes, dorsale et ventrale, la première naissant dans le locus coeruleus et se distribuant dans le cortex cérébral et cérébelleux, la substance réticulée (impliquée dans les cycles veille/sommeil), l’hypothalamus et le cerveau limbique (émotions) ; et la deuxième partant du bulbe pour se projeter au niveau du mésencéphale et de l’hypothalamus.
Récepteurs et effets physiologiques
Récepteurs dopaminergiques métabotropes
• Le groupe des récepteurs D1 (D1 et D5, préférentiellement post-synaptiques) : couplés à une protéine Gs (stimulation de l’adénylate cyclase). Les D1 sont abondants dans le striatum, le noyau accumbens, les tubercules olfactifs et le cortex au niveau central (stimulation de la propagation de l’influx nerveux) et au niveau des reins, du tractus digestif et des artères en périphérie (vasodilatation).
• Le groupe des récepteurs D2 (D2, D3 et D4, pré- ou post-synaptiques) : couplés à une protéine Gi (inhibition de l’adénylate cyclase), responsables des effets biologiques des quatre principales voies dopaminergiques. En particulier, les D2 centraux sont abondants dans le striatum, le noyau accumbens, les tubercules olfactifs et le cortex cérébral où ils réduisent les potentiels d’action. Au niveau présynaptique, ils réduisent l’exocytose de dopamine.
Exemples de médicaments
Un grand nombre de classes médicamenteuses interviennent au niveau de la transmission dopaminergique, en particulier centrale (tableau 11.2). Les récepteurs les plus ciblés sont les récepteurs D2, soit parce que leur stimulation améliore les symptômes handicapants de la maladie de Parkinson, soit parce que leur blocage avec des neuroleptiques ou antipsychotiques permet de contrôler les états d’excitation extrêmes (accès maniaques, psychoses, schizophrénie). Cependant, ces médicaments peuvent engendrer des déséquilibres dans la transmission dopaminergique et engendrer des effets secondaires de type psychotique avec les antiparkinsoniens, ou extrapyramidaux (pseudoparkinsoniens) avec les antipsychotiques.
Tableau 11.2
Classification des médicaments interagissant sur la synapse dopaminergique
Les chiffres entre parenthèses correspondent à ceux présents sur la figure 11.5.
De la même manière, différentes étapes de la transmission noradrénergique sont mises à profit pour différents traitements (tableau 11.3). Ainsi, des sympathomimétiques directs (action sur les récepteurs) ou indirects sont des substances qui miment les effets du système nerveux sympathique (effets périphériques α et β), alors que les sympatholytiques (directs ou indirects) s’opposent aux effets du sympathique.
Indolamines
Les indolamines comprennent la sérotonine ou 5-hydroxytryptamine et l’histamine (figure 11.7).
Sérotonine
Métabolisme
Synthèse
La sérotonine ne passant pas la BHE, elle est synthétisée à partir d’un acide aminé précurseur, le tryptophane, qui pénètre par un transporteur actif non spécifique dans le neurone sérotoninergique. Une première enzyme, la tryptophane hydroxylase génère un composé intermédiaire, le 5-hydroxytryptophane qui sera décarboxylé par la 5-hydroxytryptophane décarboxylase (L-amino acid décarboxylase, AADC) pour donner la 5-hydroxytriptamine (sérotonine) (figure 11.8).
Stockage
La sérotonine est stockée dans des granules par un mécanisme énergétique, sous la dépendance du calcium (transporteur VMAT) (figure 11.9).