Chapitre 10 Tumeurs épithéliales
Savoir classer les différents types de tumeurs épithéliales en fonction de leur différenciation.
Décrire les critères diagnostiques des tumeurs malpighiennes bénignes et malignes. Connaître les principales caractéristiques cliniques et morphologiques des carcinomes cutanés (épidermoïde et basocellulaire) et des carcinomes épidermoïdes dans leurs localisations extra-cutanées.
Connaître les critères diagnostiques macroscopiques et microscopiques des tumeurs épithéliales glandulaires bénignes et malignes. Identifier les aspects particuliers de ces tumeurs dans les organes pleins et les muqueuses (notamment l’exemple des tumeurs colorectales).
Connaître les particularités diagnostiques et évolutives des tumeurs urothéliales et neuroendocrines.
Tumeurs malpighiennes
Les tumeurs malpighiennes, bénignes et malignes, sont très fréquentes et se développent surtout à partir des épithéliums malpighiens :
• muqueux : muqueuses malpighiennes du tube digestif (cavité buccale, pharynx, œsophage, canal anal) ou de l’appareil génital (figure 10.1).
Figure 10.1 Épithélium malpighien normal : épithélium pavimenteux pluristratifié, ici non kératinisé (HES x20).
Plus rarement, elles peuvent siéger sur :
• les muqueuses paramalpighiennes (urothéliales) : voies excrétrices du rein, vessie, urètre ;
• les épithéliums glandulaires : elles constituent alors des tumeurs métaplasiques (qui ressemblent histologiquement à un épithélium différent de leur épithélium d’origine) ; l’exemple le plus courant est celui du carcinome épidermoïde des bronches.
Tumeurs bénignes malpighiennes
Papillomes
Le papillome est macroscopiquement une tumeur végétante, exophytique, souvent framboisée sur les muqueuses, en saillie sur le plan du revêtement malpighien qui lui donne naissance. Il peut siéger sur la peau (ex : verrue vulgaire) ou sur les muqueuses. Il est fréquemment d’origine virale, lié à un virus du groupe HPV (Human Papilloma Virus) (figures 10.2, 10.3).
Sur le plan histologique, trois critères sont requis pour le diagnostic :
1. la papillomatose : les crêtes épidermiques (ou épithéliales) sont allongées, la couche basale de l’épithélium est très sinueuse ;
2. l’hyperacanthose : l’épithélium malpighien est épaissi au niveau du corps muqueux de Malpighi (couche des cellules épineuses) ;
3. l’hyperkératose : la couche de kératine est épaissie (dans l’épiderme). On dira hyperkératose orthokératosique en cas de squames anucléées (orthokératose) et parakératosique si les squames ont conservé des noyaux pycnotiques (parakératose).
Condylome
Il siège sur les muqueuses malpighiennes et est également lié au virus HPV. Le mode de transmission est ici essentiellement sexuel. Il se développe principalement au niveau de l’exocol utérin, du vagin, de la vulve, de la zone ano-rectale et du pénis, plus rarement au niveau pharyngo-laryngé (mode de contamination possible chez le nouveau-né lors du passage de la filière génitale).
Microscopiquement : à la prolifération épithéliale malpighienne plus ou moins intense, peut s’associer une augmentation de volume du tissu conjonctif sous-jacent (qui peut être plus importante que la prolifération épithéliale) et des aspects cytopathogènes en rapport avec l’infection virale (figure 10.4).
Carcinomes des revêtements malpighiens (peau et muqueuses)
Hormis le carcinome basocellulaire qui n’est observé qu’au niveau cutané, tous les autres sont des carcinomes épidermoïdes, qui partagent les mêmes critères diagnostiques histopathologiques :
• la présence de signes architecturaux et cytologiques classiques de malignité ;
• une différenciation malpighienne variable, permettant de distinguer :
Carcinomes cutanés
1. les carcinomes épidermoïdes (anciennement dénommés carcinomes spinocellulaires) ;
2. les carcinomes basocellulaires, qui sont limités à la peau.
Carcinomes épidermoïdes cutanés
Macroscopie : la tumeur est le plus souvent ulcéro-végétante, plus ou moins infiltrante (figure 10.7A-B).
Carcinomes basocellulaires
Macroscopie : la tumeur est souvent ulcérée, entourée de petites surélévations (perles). Plus rarement, elle est de forme plane, « cicatricielle ».
Histopathologie : les cellules ressemblent aux cellules basales de l’épiderme (d’où la dénomination de la tumeur) et sont rangées en lobules. Classiquement, il n’y a pas de différenciation épidermoïde, ni de maturation cornée (figure 10.8).
Carcinomes épidermoïdes des muqueuses
Les facteurs de risque et l’aspect macroscopique varient selon les organes touchés.
Bronches
Il s’agit d’un carcinome métaplasique : en effet, ce carcinome épidermoïde survient sur un épithélium de type glandulaire (pseudostratifié cilié) ayant subi une métaplasie malpighienne, le plus souvent sous l’effet du tabagisme.
Facteur de risque majeur : tabac.
Macroscopie : aspect surtout végétant dans les grosses bronches, avec destruction du parenchyme pulmonaire et nécrose de certains territoires tumoraux (figures 10.9 et 10.10A-B). Parfois la nécrose est telle qu’il peut y avoir un aspect excavé, cavitaire (diagnostic différentiel avec la tuberculose ou avec un abcès).
Tumeurs glandulaires
Ce sont des tumeurs fréquentes, bénignes (adénomes) ou malignes (adénocarcinomes). Elles intéressent les organes creux ou les parenchymes glandulaires. Leurs aspects macroscopiques et histologiques varient selon le type d’organe qu’elles touchent. Elles reproduisent morphologiquement des structures glandulaires, avec un degré de différenciation plus ou moins important (figure 10.11).
Figure 10.11 Schéma de la différenciation des tumeurs glandulaires bénignes (adénomes) et malignes (adénocarcinomes).
• Bien ou moyennement différencié : quand la prolifération rappelle le tissu d’origine : architecture glandulaire persistante bien que pathologique, aspect sécrétoire.
• Peu différencié : quand les caractères glandulaires sont moins nets ou absents à l’examen histologique standard. Dans ce cas, des caractères de différenciation peuvent être mis en évidence par des colorations histochimiques (présence de mucus) (figure 10.12), et des techniques immunohistochimiques. (Exemples : expression de l’antigène prostatique spécifique (PSA) dans les cancers de la prostate, de TTF-1 (Thyroid transcription factor-1) pour un cancer du poumon ; profil d’expression particulier des cytokératines pour les tumeurs digestives, ovariennes…)