Chapitre 10 Objectifs généraux et principes thérapeutiques
OBJECTIFS DU TRAITEMENT
Idéalement
Le traitement a un double objectif : il doit restaurer la fonction statique en terme d’appui et d’adaptation aux irrégularités du sol et la fonction dynamique à savoir, la marche, le saut, la course et toute fonction relevant du mouvement et du déplacement. Il doit également adaptater le pied à la chaussure qui doit pouvoir être portée normalement sans restriction.
L’organisation anatomique et morphologique du pied doit pour cela satisfaire à plusieurs conditions. Celles-ci concernent :
En pratique
Les objectifs du traitement intéressent cinq paramètres : l’indolence, l’architecture générale, l’anatomie locale et la souplesse articulaire, la stabilité, la commande volontaire et la sensibilité plantaire. En réalité, ces objectifs ne peuvent pas constamment être atteints en totalité de sorte qu’une hiérarchie semble devoir se définir.
Indolence
C’est l’objectif de base prioritaire. Tout doit être mis en œuvre pour recouvrer un niveau algique compatible avec l’accomplissement aisé des principales activités quotidiennes et professionnelles et le port sans restriction de la chaussure.
Architecture générale, anatomie locale et souplesse articulaire
L’objectif de restauration des amplitudes est parfois impossible à atteindre. À l’extrême, peut se poser le problème d’une douleur mécanique, d’origine articulaire, sur un secteur de mobilité résiduelle de très faible amplitude. Dans ce cas, cette petite mobilité est plus nocive que bénéfique. Ici encore, se confirme que l’indolence prime sur une perte de mobilité plus ou moins importante. Mais cette notion ne se vérifie que si :
À ce propos, il faut analyser les conséquences fonctionnelles de la perte d’un secteur de mobilité articulaire.
Pour la flexion dorsale, qui siège physiologiquement, uniquement dans la talo-crurale, sa perte n’a pas de conséquence immédiate si la plante parvient à atteindre la perpendiculaire à l’axe de la fibula, sans équin. Néanmoins, à plus ou moins long terme, se produit une surcharge sous-talienne soit parce que le temps d’initiation de l’impulsion ne se fait plus (ce qui avance le temps de décollement du talon), soit parce que cette dernière s’effectue dans la sous-talienne. En pratique, 5 à 7 degrés de flexion dorsale permettent d’assurer cette fonction de protection de la sous-talienne (voir chapitre 1).
Pour le varus/valgus, la tolérance dépend des possibilités de rattrapage dans le tarse antérieur et la jonction tarso-métatarsienne en pronosupination. La possibilité de maintien de l’orthogonalité de la barre d’appui métatarsienne par rapport à l’axe jambier est en effet une condition sine qua non. Physiologiquement un varus du talon entraîne une supination de l’avant-pied, et un valgus une pronation. Dans ces conditions, en cas de varus talonnier, l’orientation correcte de la barre d’appui métatarsienne nécessite un abaissement actif de la 1re tête par action du long fibulaire (pronation active) et, en cas de valgus talonnier, le relèvement actif du rayon médial grâce à l’action du tibial antérieur et du long extenseur de l’hallux. Inversement, une pronation fixée de l’avantpied va provoquer un varus de l’arrière-pied (comme dans le pied creux médial) ; à l’inverse une supination de l’avant-pied, un valgus de l’arrière-pied comme dans le pied plat valgus (figure 10.1).

10.1 Équilibre arrière-pied/avant-pied sur pied souple.
En haut : pied souple. La barre d’appui métatarsienne peut être maintenue activement parallèle au sol (2) en dépit d’un varus du talon (1). En bas : une pronation irréductible de l’avant-pied (3) provoque un varus compensateur de l’arrière-pied (4).
Cette déformation est parfois à point de départ postérieur sur un avant-pied plus ou moins souple et orienté, par exemple dans le cadre de séquelles d’une fracture du talus. Il se produit alors une surcharge sur le secteur distal du 5e métatarsien.
La déformation correspond parfois à l’association d’un équin et d’une pronation fixée de l’avant-pied à la suite, par exemple, des séquelles d’un syndrome des loges postérieures de jambe et du pied. Elle est alors responsable d’une surcharge sous la 1re tête et d’un varus compensateur dans la sous-talienne. Ce varus compensateur peut provoquer une instabilité en varus de l’arrière-pied et une téno-synovite de surcharge des fibulaires. La constitution d’une adduction de l’avant-pied sur l’arrière-pied, qui tend à réorienter la barre d’appui métatarsienne dans le plan frontal par diminution du porte à faux antérieur, entraîne le report paradoxal de l’appui sur la base du 5e métatarsien (et non plus sur la tête). Cette adduction représente un facteur de tolérance ; elle est susceptible de rendre fonctionnellement tolérable un équin et une pronation de l’avant-pied relativement marqués (figure 10.2).

10.2 La déformation en varus équin entraîne une surcharge sous la 5e tête métatarsienne (1). La constitution d’un adductus de l’avant-pied sur ce varus équin reporte la surcharge sous la base du 5e métatarsien et améliore la tolérance (2).
Cette possibilité de compensation a plusieurs conséquences pratiques. Il faut prendre garde à ne pas décompenser malencontreusement une situation ayant abouti à un équilibre fonctionnellement acceptable par une intervention mal adaptée. C’est le cas, notamment, des séquelles de traumatismes survenus dans la petite enfance, à peu près bien tolérés et donnant lieu à l’âge adulte à une demande d’avis pour « non-conformité à la normale ».
Ces possibilités de compensation réciproque nécessitent une certaine vigilance lors de l’examen clinique.
Il faut impérativement évaluer les amplitudes articulaires et la position du pied après réaxation passive du talon, si la souplesse résiduelle le permet ou, en cas de raideur soustalienne, se référer à l’axe vertical du talon. Ainsi, en présence d’une hyperkératose sous la 5e tête, la réaxation du talon par réduction passive du varus de l’arrière-pied démasque certes, un équin mais peut, aussi, paradoxalement, extérioriser une pronation fixée de l’avant-pied.
Lorsqu’une décision de correction d’un trouble morphostatique est retenue, la correction doit obligatoirement être complète. Une correction partielle ne permet malheureusement pas d’obtenir une amélioration partielle ; bien plus, cela peut aboutir à une aggravation par altération des mécanismes de compensation.
La correction doit impérativement intéresser l’ensemble des composantes de la déformation et aboutir aux critères architecturaux de normalité. Ces derniers doivent être contrôlés radiologiquement en peropératoire :
Stabilité
Les troubles de la stabilité traduisent la présence de lésions capsulo-ligamentaires post-traumatiques (séquelles d’entorses graves) et doivent conduire à la recherche d’une laxité chronique par la mise en évidence de mouvements anormaux (latéralité, tiroir) et la réalisation de clichés dynamiques.
En réalité, cette constatation impose la recherche d’un trouble morphostatique (TMS) sous-jacent qui peut, d’une part, simuler une authentique pathologie ligamentaire et, d’autre part, représenter un important facteur favorisant, majorant l’expression clinique susceptible de provoquer la décompensation d’une laxité relativement modérée.
Un varus du talon ou une pronation de l’avant-pied fixés peuvent être à l’origine de dérobements itératifs en varus et d’une tendinopathie des fibulaires qui peuvent égarer.
Un petit déséquilibre de la barre d’appui métatarsienne vers la pronation peut être à l’origine d’une surcharge plantaire antéromédiale et d’un varus compensateur de l’arrière-pied. Il en est de même d’une inclinaison en varus de l’interligne talo-crural.
Commande volontaire
Celle-ci doit être effective, non seulement en analytique (comme l’évaluent les données du testing musculaire) mais aussi fonctionnelle, en automatique. Les releveurs sont essentiels à la phase oscillante pour éviter la chute passive du pied. Ils procèdent de l’action conjointe du tibial antérieur qui est inverseur et supinateur et de celle du long extenseur des orteils qui est éverseur, cette synergie permettant une flexion dorsale neutre dans le plan sagittal. La phase d’impulsion est régie par l’action coordonnée des fléchisseurs plantaires extrinsèques (et principalement du triceps sural) et des fléchisseurs plantaires intrinsèques, court fléchisseur de l’hallux et court fléchisseur des orteils dans le cadre du complexe suro-calcanéo-pédieux. Ces derniers sont de surcroît les principaux protecteurs de l’appui capito-métatarsien.
La perte des fléchisseurs dorsaux définit le steppage. Il faut différencier cette chute passive du pied, de l’attitude en flexion plantaire active qui se démasque à la phase oscillante par spasticité du triceps.
La perte des éverseurs, long extenseur des orteils et court fibulaire, est à l’origine d’une instabilité en varus qui s’extériorise au temps d’appui talonnier par un dérobement du pied vers le secteur médial. Cela définit la « dérobade varisante du talon ».
La diminution de la puissance et à fortiori la perte de la flexion plantaire est un handicap majeur qui définit le talonnement avec pour stade ultime le pilonnement. Ce dernier est extrêmement mal toléré, car il est responsable d’un trouble majeur de la marche, et de graves conséquences locales sous forme de talalgies et de troubles de la trophicité du talon.
La paralysie des intrinsèques fléchisseurs plantaires entraîne une déformation en griffe dynamique à l’origine de conflits dorsaux mais surtout de métatarsalgies.

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