Chapitre 10 Maladies cardiovasculaires
Symptômes fréquents de maladie cardiaque
Les manifestations communes d’une affection cardiaque sont des douleurs thoraciques, de l’essoufflement, des palpitations, des syncopes, de la fatigue et de l’œdème périphérique, mais aucune n’est spécifique des maladies cardiovasculaires. La gravité de la douleur angineuse, de la dyspnée, des palpitations ou de la fatigue peut être classée selon la gradation de l’état cardiaque proposée par la New York Heart Association (tableau 10.1).
Grade 1 | Pas de limitation, pas d’essoufflement |
Grade 2 | Limitation légère lors d’un effort intense |
Grade 3 | Limitation modérée lors d’un effort léger |
Grade 4 | Limitation importante avec essoufflement au repos |
Douleur thoracique
La douleur thoracique, ou une simple gêne, est un symptôme courant d’une maladie cardiovasculaire, qui doit être différenciée d’affections non cardiaques. Le site de la douleur, son caractère, son irradiation et les symptômes associés conduiront souvent à la cause (tableau 10.2)
Centrale | |
Angine de poitrine | Douleur oppressante à l’effort soulagée par le repos. Peut irradier vers la mâchoire ou les bras |
Syndrome coronarien aigu | Semblable à l’angine de poitrine, mais plus grave, survenant au repos et durant plus longtemps |
Péricardite | Douleur aiguë aggravée par le mouvement, la respiration et les changements de posture |
Dissection aortique | Douleur thoracique déchirante intense irradiant dans le dos |
Embolie pulmonaire massive | Cause de la dyspnée, de la tachycardie et une hypotension |
Musculosquelettique | Sensibilité à la palpation dans la zone affectée |
Reflux gastro-œsophagien | Peut être exacerbé par la flexion ou la position couchée (la nuit). La douleur peut irradier dans le cou |
Latérale/périphérique | |
Infarctus pulmonaire Pneumonie Pneumothorax | Douleur pleurétique, c’est-à-dire aiguë, circonscrite, aggravée par l’inspiration, la toux et le mouvement |
Musculosquelettique | Douleur aiguë, circonscrite, avec sensibilité à la palpation |
Carcinome pulmonaire | Douleur sourde et constante |
Zona | Douleur brûlante unilatérale correspondant à un dermatome et qui apparaît 2 à 3 jours avant l’éruption typique |
Dyspnée
L’insuffisance ventriculaire gauche est la cause cardiaque la plus fréquente de dyspnée d’effort, qui peut aller jusqu’à l’orthopnée et la dyspnée nocturne paroxystique.
Palpitations
Les palpitations consistent en une prise de conscience des battements du cœur. Un rythme cardiaque normal peut être perçu lorsque le patient est anxieux, excité, fait de l’exercice ou se couche sur le côté gauche. Dans d’autres circonstances, cela indique généralement une arythmie cardiaque, souvent des battements ectopiques ou une tachycardie paroxystique (voir plus loin).
Syncope
Il s’agit d’une perte temporaire de conscience due à une circulation sanguine cérébrale insuffisante. Parmi les nombreuses causes, la plus fréquente est un simple évanouissement d’origine vasovagale (voir chap. 17). La cause cardiaque de syncope est un changement du rythme cardiaque, qui devient trop rapide (par exemple une tachycardie ventriculaire) ou trop lent (par exemple un bloc cardiaque complet) pour assurer un débit sanguin suffisant. Les poussées surviennent soudainement et sans avertissement. Elles ne durent que 1 ou 2 minutes, avec récupération complète en quelques secondes (à comparer avec l’épilepsie, dont la récupération complète peut prendre quelques heures). Un obstacle à l’éjection du ventricule peut également provoquer une syncope (par exemple une sténose aortique, ou une cardiomyopathie hypertrophique) ; celle-ci survient habituellement lors d’un exercice lorsque le débit cardiaque ne peut augmenter comme il le devrait.
Examens en cas de maladie cardiaque
Radiographie du thorax
Cette radiographie est généralement prise en incidence postéroantérieure (PA) en inspiration maximale (voir fig. 11.1). Une radiographie pulmonaire PA peut montrer une cardiomégalie, un épanchement péricardique, une dissection ou une dilatation de l’aorte et une calcification du péricarde ou des valves cardiaques. Un rapport cardiothoracique de plus de 50 % sur un film PA est anormal et indique normalement une dilatation cardiaque ou un épanchement péricardique. Les champs pulmonaires peuvent montrer des signes d’insuffisance ventriculaire gauche (fig. 10.1), une cardiopathie valvulaire (par exemple oreillette [atrium] gauche nettement élargie en cas d’atteinte de la valve mitrale) ou une oligémie pulmonaire (réduction des empreintes vasculaires) associée à une embolie pulmonaire.
Électrocardiogramme
L’électrocardiogramme (ECG) est un enregistrement à partir de la surface du corps de l’activité électrique du cœur. Chaque cellule cardiaque génère un potentiel d’action, lors de sa dépolarisation puis repolarisation pendant un cycle normal. Normalement, la dépolarisation des cellules cardiaques se transmet de manière ordonnée ; elle débute dans le nœud sinusal (situé à la jonction entre la veine cave supérieure et l’oreillette droite) et diffuse ensuite à travers la paroi des oreillettes, passe par le nœud AV (situé sous l’endocarde atrial droit dans le bas du septum interauriculaire) pour gagner le faisceau de His dans le septum interventriculaire, qui se divise en branches droite et gauche (fig. 10.2). Celles-ci continuent sur les côtés droit et gauche du septum interventriculaire et alimentent le réseau de Purkinje qui se répand à travers la surface endocardique respectivement du ventricule droit et du ventricule gauche. Le faisceau gauche principal se divise en une branche antérieure et supérieure (fascicule antérieur) et une branche postérieure et inférieure (fascicule postérieur).
L’ECG standard a 12 dérivations :
• les dérivations thoraciques, V1–V6 enregistrent les ondes cardiaques dans un plan horizontal (fig. 10.3) ;
• les dérivations des membres les enregistrent dans un plan vertical (fig. 10.4). Elles sont unipolaires (AVR, AVL et AVF) ou bipolaires (I, II, III).
Tracé ECG et définitions (fig. 10.5)
Fréquence cardiaque. La vitesse de déroulement normal de l’enregistrement est généralement de 25 mm/s et chaque « grand carré » mesure 5 mm de large ; il équivaut donc à 0,2 s. La fréquence cardiaque (si le rythme est régulier) sera de 300/nombre de grands carrés entre deux ondes R consécutives. Dès lors, si ce nombre est de 4, le rythme cardiaque sera de 75/minute.
Figure 10.5 Ondes et formation de l’ECG normal.
(Source : Goldman MJ (1976) Principles of Clinical Electrocardiography, 9th ed. Los Altos : Lange.)
• Forme large et crantée (> 0,12 s, soit 3 petits carrés), élargissement auriculaire gauche (« P mitral », par exemple sténose mitrale).
• Élevée et pointue (> 2,5 mm), élargissement de l’oreillette droite (« P pulmonaire », par exemple hypertension pulmonaire).
• Remplacée par les ondes d’un flutter ou d’une fibrillation.
Le complexe QRS représente l’activation ou la dépolarisation ventriculaire.
• La déflection négative (vers le bas) qui précède l’onde R est désignée par la lettre Q. Normalement, les ondes Q sont petites et étroites ; si elles sont profondes (>2 mm) et élargies (>1 mm) (sauf en AVR et V1), cela indique un infarctus du myocarde (voir fig. 10.16).
• Une déflexion vers le haut est appelée onde R qu’elle soit précédée ou non d’une onde Q.
• La déflexion négative qui suit une onde R est appelée onde S.
La dépolarisation ventriculaire commence dans le septum et se propage de gauche à droite (fig. 10.2), puis dans les principales parois libres des ventricules. Ainsi, dans les dérivations du ventricule droit (V1 et V2), la première déflexion se fait vers le haut (onde R) lorsque l’onde de dépolarisation du septum se propage vers ces dérivations. La seconde déflexion est vers le bas (onde S) car l’effet du ventricule gauche, plus grand et dans lequel la dépolarisation s’éloigne, l’emporte sur celui du ventricule droit (voir fig. 10.3). La tendance inverse s’observe dans les dérivations du ventricule gauche (V5 et V6) ; une déflexion initiale vers le bas (la petite onde Q reflète la dépolarisation septale) est suivie d’une grande onde R causée par la dépolarisation du ventricule gauche.
Une hypertrophie ventriculaire gauche avec augmentation de la masse myocardique (par exemple en cas d’hypertension systémique) augmente la dépolarisation de la paroi libre du ventricule gauche, ce qui donne des ondes R élevées (>25 mm) dans les dérivations du ventricule gauche (V5, V6) et/ou des ondes S profondes (>30 mm) dans les dérivations du ventricule droit (V1, V2). La somme de l’onde R dans les dérivations ventriculaires gauches et de l’onde S dans les dérivations ventriculaires droites dépasse 40 mm. En plus de ces changements, il peut y avoir également une dépression du segment ST et un aplatissement de l’onde T ou une inversion dans les dérivations du ventricule gauche.
Une hypertrophie ventriculaire droite (par exemple dans l’hypertension pulmonaire) donne des ondes R élevées dans les dérivations du ventricule droit.
La durée du QRS reflète le temps que l’excitation prend pour se propager dans le ventricule. Le complexe QRS s’élargit (>0,10 s, 2,5 petits carrés) lorsque la conduction est retardée, par exemple en cas de bloc de branche droit ou gauche, ou si la conduction passe par une voie autre que les branches fasciculaires droite et gauche, par exemple une impulsion dite ectopique ventriculaire, c’est-à-dire générée par un foyer anormal d’activité dans le ventricule.
Les ondes T résultent de la repolarisation ventriculaire. En général, la direction de l’onde T est la même que celle du complexe QRS. Une inversion des ondes T s’observe dans de nombreuses affections et, bien qu’habituellement cela témoigne d’anomalies, l’information n’est pas spécifique.
L’intervalle PR s’étend du début de l’onde P jusqu’au début du complexe QRS, qu’il s’agisse d’une onde Q ou d’une onde R. Il correspond au temps que prend l’excitation pour passer du nœud sinusal, à travers les oreillettes, le nœud atrioventriculaire et atteindre le système ventriculaire His-Purkinje. Un intervalle PR prolongé (>0,22 s) indique un bloc cardiaque (voir plus loin).
L’intervalle QT va du début du complexe QRS jusqu’à la fin de l’onde T. Il est principalement une mesure du temps pris pour la repolarisation du myocarde ventriculaire, qui dépend de la fréquence cardiaque ; l’intervalle QT est plus court quand la fréquence cardiaque est rapide. Corrigé pour la fréquence cardiaque, l’intervalle QT (QTc = QT/√2(R-R)), est normalement ≤ 0,44 s chez les hommes et ≤ 0,46 s chez les femmes. Le syndrome du QT long (voir plus loin) est associé à un risque accru d’une forme de tachycardie ventriculaire, appelée torsades de pointes, et potentiellement mortelle.
L’axe cardiaque se réfère à la direction générale de l’onde de dépolarisation ventriculaire dans le plan vertical mesurée à partir d’un point de référence zéro (fig. 10.6). L’axe moyen du cœur se situe entre −30 ° et + 90 °. Un axe plus négatif que −30 ° est appelé déviation axiale gauche et un axe plus positif que 90 ° est appelée déviation axiale droite. Une méthode simple de calcul de l’axe est fondée sur l’examen du complexe QRS dans les dérivations I, II et III. L’axe est normal si les dérivations I et II sont positives ; une dérivation I négative avec une dérivation III positive indique une déviation axiale droite, alors qu’une dérivation I positive avec des dérivations II et III négatives indique une déviation axiale gauche. Une déviation axiale gauche peut être due à un bloc de la branche antérieure du faisceau gauche principal, à un infarctus myocardique inférieur et au syndrome de Wolff-Parkinson-White. Une déviation axiale droite peut être normale ou survenir dans des affections avec surcharge ventriculaire droite, ou en cas de dextrocardie, d’un syndrome de Wolff-Parkinson-White et d’un hémibloc postérieur gauche.
ECG à l’effort
Le but est l’évaluation de la réponse cardiaque à l’effort. L’ECG à 12 dérivations et la pression artérielle sont enregistrés, alors que le patient marche ou court sur un tapis roulant motorisé. Le test est effectué selon une méthode normalisée (par exemple le protocole de Bruce). Une ischémie myocardique provoquée par l’effort provoque une dépression du segment ST (> 1 mm) dans les dérivations faisant face à la zone touchée du muscle cardiaque ischémique. Un exercice provoque normalement une augmentation du rythme cardiaque et de la pression artérielle. Une baisse soutenue de la tension artérielle est un signe habituellement de maladie coronarienne grave. Un retour lent de la fréquence cardiaque au rythme de base a également été signalé comme étant un facteur prédictif de mortalité. Les contre-indications comprennent un angor instable, une cardiomyopathie hypertrophique grave, une sténose aortique serrée et l’hypertension maligne. Un test d’effort sous-maximal peut être effectué dans les 4 jours d’un infarctus du myocarde. Un test positif et les indications de l’arrêt du test sont :
• un décalage du segment ST vers le haut ou le bas > 1 mm ;
• une chute de la pression artérielle systolique > 20 mmHg ;
• une chute de la fréquence cardiaque en dépit d’une augmentation de la charge de travail ;
• des arythmies significatives ou une fréquence accrue de foyers ectopiques ventriculaires.
Enregistrement ambulatoire de l’ECG durant 24 heures
Un ECG à 12 dérivations est enregistré en continu sur une période de 24 heures et sert à repérer des changements transitoires tels qu’un bref paroxysme de tachycardie, une pause occasionnelle du rythme ou des décalages intermittents du segment ST. Ce procédé est aussi appelé électrocardiographie « Holter » d’après le nom de son inventeur. L’enregistrement d’événements est utilisé pour déceler des arythmies moins fréquentes ; dès qu’elles se manifestent, le patient déclenche l’enregistrement ECG. Ces deux types d’examen se pratiquent à domicile.
Test d’inclinaison
Ce test est indiqué dans la recherche de la cause de syncope lorsque des tests cardiaques (généralement échocardiographie et Holter) et autres n’ont pas livré de diagnostic. Il est utilisé pour diagnostiquer spécifiquement la syncope neurocardiogène (vasovagale), que l’on soupçonne lorsque les patients rapportent des syncopes répétées qui surviennent sans avertissement et qui sont suivies de récupération rapide. Le patient est allongé sur une table basculante motorisée ; sa position est sécurisée par des sangles enserrant sa poitrine et ses jambes. La pression artérielle, la fréquence cardiaque, les symptômes et l’ECG sont enregistrés après redressement de la table à +60 ° pendant 10 à 60 minutes, ce qui simule le passage de la position couchée à la position verticale. La reproduction des symptômes, une bradycardie et une hypotension indiquent que le test est positif.
Échocardiographie
L’échographie du cœur (fig. 10.7), qui fournit des informations sur la structure et la fonction cardiaques, peut être appliquée de diverses façons, par exemple en mode M (M, mouvement) ou en deux et trois dimensions.
• L’échographie transthoracique est la méthode la plus courante et implique le placement d’un transducteur manuel sur la paroi thoracique. Les impulsions ultrasonores sont émises à travers les divers tissus, et les ondes réfléchies sont détectées par le capteur comme un écho. Les deux indications les plus fréquentes d’une échocardiographie sont l’évaluation, d’une part, de la fonction ventriculaire en cas de symptômes évocateurs d’insuffisance cardiaque et, d’autre part, du fonctionnement valvulaire. La fonction ventriculaire gauche est évaluée par la fraction d’éjection (pourcentage de sang éjecté du ventricule gauche à chaque battement) – normalement > 50 %.
• L’échographie transœsophagienne s’effectue au moyen de transducteurs miniaturisés, intégrés dans des endoscopes spéciaux. Elle permet une meilleure visualisation de certaines structures et des pathologies comme une dissection aortique ou une endocardite sur prothèse valvulaire.
Imagerie nucléaire cardiaque
Cette technique sert à la détection d’un infarctus du myocarde ou à la mesure de la fonction myocardique, de la perfusion ou de la viabilité, selon les agents radiopharmaceutiques utilisés et la technique d’imagerie. Divers radiotraceurs peuvent être injectés par voie intraveineuse ; ils diffusent alors librement dans le tissu myocardique ou se lient aux globules rouges.
Tomodensitométrie (TDM) cardiaque
La TDM permet l’examen de l’aorte thoracique et du médiastin, alors que l’évaluation de la teneur en calcium des artères coronaires, un indicateur de la présence et de la gravité des sténoses coronariennes, est rendue possible par les tomodensitomètres multibarrettes. L’angiographie coronaire par TDM détecte avec une grande sensibilité les maladies des artères coronaires et pourrait faire partie des techniques d’évaluation des patients se plaignant de douleur thoracique aiguë ; elle permettrait de distinguer une dissection aortique et une embolie pulmonaire d’une maladie coronarienne.
Résonance magnétique cardiovasculaire (RMC)
La RMC est une technique d’imagerie non invasive et sans rayonnement nocif. Elle est de plus en plus utilisée dans la mise en évidence des maladies cardiovasculaires ; elle fournit des informations à la fois anatomiques et fonctionnelles. Les contre-indications sont : un stimulateur cardiaque ou un défibrillateur permanent, des clips intracérébraux et une forte claustrophobie. Les endoprothèses coronaires et les valves prothétiques ne sont pas des contre-indications.
Cathétérisme cardiaque
Un fin cathéter est passé dans une veine périphérique pour l’étude des structures cardiaques droites, ou une artère pour l’étude des structures cardiaques gauches. Arrivé dans le cœur, il permet le prélèvement de sang, la mesure des pressions intracardiaques et l’identification des anomalies cardiaques. Des cathéters spéciaux ont été conçus pour s’engager dans les artères coronaires droite et gauche ; après injection locale d’un produit de contraste, les cinéangiogrammes montrent la circulation coronaire et révèlent la présence et la gravité d’une maladie coronarienne. Après dilatation d’une sténose coronarienne (angioplastie ou intervention coronarienne percutanée [ICP]), on peut réduire le taux de resténose en plaçant une endoprothèse métallique (stent ou tuteur). On peut également recourir à une endoprothèse à élution médicamenteuse (sirolimus ou paclitaxel) afin de réduire la prolifération cellulaire et le taux de resténose. Cependant, une thrombose tardive à l’intérieur du tuteur métallique reste possible.
Arythmies cardiaques
Une anomalie du rythme cardiaque, ou arythmie, peut provoquer une mort subite, une syncope, des étourdissements, des palpitations ou rester asymptomatique. Les arythmies paroxystiques ne peuvent pas être détectées sur un seul enregistrement ECG. L’enregistrement ambulatoire de l’ECG durant 24 heures et les enregistreurs d’événements sont souvent utilisés pour la détection des arythmies provoquant des symptômes intermittents.
On distingue deux types principaux d’arythmie.
• Bradycardie : le rythme cardiaque est lent (<60 battements/min). Les fréquences cardiaques plus lentes sont davantage susceptibles de provoquer des symptômes.
• Tachycardie : le rythme cardiaque est rapide (>100 battements/min). La tachycardie devient d’autant plus symptomatique que la fréquence est rapide et soutenue. Dans la tachycardie supraventriculaire (TSV), les impulsions proviennent des oreillettes ou de la jonction atrioventriculaire, alors que dans la tachycardie ventriculaire, le point de départ est un des deux ventricules.
Rythme sinusal
Le stimulateur cardiaque normal est le nœud sinusal, la fréquence de décharge étant sous le contrôle du système nerveux autonome avec prédominance parasympathique, ce qui ralentit le rythme des décharges spontanées.
Arythmie sinusale
Les fluctuations du tonus autonome produisent des changements phasiques dans la fréquence des décharges sinusales. Pendant l’inspiration, le tonus parasympathique tombe et le rythme cardiaque s’accélère, et à l’expiration, la fréquence cardiaque diminue. Cette variation est normale, en particulier chez les enfants et les jeunes adultes, et se traduit généralement par des irrégularités prévisibles du pouls.
Bradycardie
Bradycardie sinusale
Une bradycardie sinusale est normale pendant le sommeil et chez les sportifs bien entraînés. Voici les différences causes.
• Non cardiaques : médicaments (β-bloquants, digitaline et autres agents antiarythmiques), hypothyroïdie, hypothermie, ictère cholestatique, augmentation de la pression intracrânienne. Le traitement de la bradycardie symptomatique est celui de la cause sous-jacente.
• Cardiaques : ischémie aiguë et infarctus du nœud sinusal (complication de l’infarctus du myocarde) et modifications dégénératives chroniques comme la fibrose auriculaire et sinusale (maladie du sinus) survenant chez les personnes âgées. Les patients atteints de bradycardie symptomatique persistante sont traités par un stimulateur cardiaque permanent. En situation aiguë avec signes graves, le traitement de première ligne est l’atropine, 500 μg par voie intraveineuse répétée jusqu’à un maximum de 3 mg ; elle est contre-indiquée en cas de myasthénie ou d’iléus paralytique. Une autre option est une stimulation temporaire transcutanée ou transveineuse, si l’expertise est disponible.
• Maladie du sinus. La bradycardie est causée par une défaillance intermittente de la dépolarisation du nœud sinusal (arrêt sinusal) ou la propagation du signal aux oreillettes à travers le tissu périnodulaire (bloc sino-auriculaire). La lenteur du rythme cardiaque prédispose à une activité stimulatrice ectopique et les tachyarythmies sont fréquentes (syndrome tachy-brady). L’ECG montre une bradycardie sinusale marquée ou de longues pauses intermittentes entre ondes P consécutives (>2 s, disparition d’ondes P). L’insertion d’un stimulateur cardiaque permanent est indiquée chez les patients symptomatiques. Des antiarythmiques sont utilisés pour traiter les tachycardies. Les thrombo-embolies sont fréquentes en cas de dysfonction du nœud sinusal et, à moins d’une contre-indication, ces patients doivent être mis sous traitement anticoagulant.
• D’origine nerveuse, par exemple le syndrome du sinus carotidien et les attaques vasovagales, qui entraînent une bradycardie et une syncope.
Bloc cardiaque
Bloc atrioventriculaire
Bloc AV de premier degré
Ce bloc est le résultat d’une conduction atrioventriculaire retardée, qui se manifeste à l’ECG par un intervalle PR prolongé (> 0,22 s). La fréquence cardiaque n’est pas modifiée et le traitement est inutile.
Bloc AV de deuxième degré
Ce bloc survient lorsque certaines impulsions auriculaires ne parviennent pas aux ventricules.
Il en existe plusieurs formes (fig. 10.8) :
• Le bloc de type Mobitz I (phénomène de Wenckebach) est un allongement progressif de l’intervalle PR jusqu’à l’arrêt de la transmission de l’onde P et donc l’absence de QRS après l’onde P. L’intervalle PR revient alors à la normale et le cycle se répète.
• Le bloc de type Mobitz II est un blocage de l’onde P avec disparition inopinée du complexe QRS, mais non précédée d’un allongement PR progressif. Habituellement, le complexe QRS est large.
• Le bloc 2 : 1 ou 3 : 1 (avancé) correspond à la transmission ventriculaire du signal correspondant à l’onde P une fois sur deux ou une fois sur trois.
Bloc AV de troisième degré
Un bloc cardiaque complet correspond à l’arrêt complet de la transmission des activités des oreillettes aux ventricules. Les deux compartiments sont électriquement dissociés ; à l’ECG, les ondes P et les complexes QRS se forment indépendamment les uns des autres. Les contractions ventriculaires sont maintenues par un rythme d’échappement spontané provenant d’une zone située sous le bloc.
• Faisceau de His. Dans ce cas, le complexe QRS est étroit (< 0,12 s) et le rythme est de 50 à 60 bpm et relativement fiable. Un bloc d’apparition récente dû à des causes transitoires, par exemple une ischémie, peut répondre à l’atropine par voie intraveineuse sans avoir besoin de stimulation. Un bloc AV à complexes étroits, chronique, nécessite généralement une stimulation artificielle permanente.
• Système de His-Purkinje (distal). Le complexe QRS est large (> 0,12 s) et le rythme est lent (< 40 bpm) et peu fiable ; les étourdissements et les évanouissements (Adams-Stokes) sont fréquents. L’insertion d’un stimulateur cardiaque permanent est indiquée.
Bloc de branche
Un bloc complet d’une branche du faisceau (fig. 10.2) se manifeste par un élargissement et un aspect anormal du complexe QRS (≥ 0,12 s) ; généralement, il est asymptomatique. La forme du QRS varie selon que le bloc concerne la branche, droite ou gauche (fig. 10.9).
• Bloc de branche droit (BBD). La branche droite du faisceau ne transmet plus d’impulsion et les contractions des deux ventricules ne sont plus synchronisées. La propagation de l’impulsion est séquentielle, d’abord le ventricule gauche puis le droit, ce qui produit une onde R secondaire en V1 et une onde S empâtée en V5 et V6. Un BBD s’observe chez des individus en bonne santé, mais aussi en cas d’embolie pulmonaire, d’hypertrophie ventriculaire droite, de cardiopathie ischémique et de maladie cardiaque congénitale, par exemple en cas de communication interauriculaire ou interventriculaire et de tétralogie de Fallot.
• Bloc de branche gauche (BBG). Le contraire se produit avec une onde R secondaire dans les dérivations ventriculaires gauches (I, AVL, V4–V6) et des ondes S profondes et empâtées en V1 et V2. Le BBG est la conséquence de cardiopathie ischémique, d’hypertrophie ventriculaire gauche, de valvulopathie aortique, et peut survenir après une opération cardiaque.
Tachycardies supraventriculaires (TSV)
Les TSV sont déclenchées dans l’atrium (oreillette) ou à la jonction atrioventriculaire. Les impulsions passent par le système His-Purkinje et, lors de la tachycardie, le complexe QRS garde une forme généralement similaire à celle du rythme de base.
Tachycardie sinusale
La tachycardie sinusale est une réponse physiologique à l’effort et à l’excitation, mais aussi dans les circonstances suivantes : fièvre, anémie, insuffisance cardiaque, hyperthyroïdie, embolie pulmonaire aiguë, hypovolémie et prise de certains médicaments, par exemple des catécholamines et l’atropine. Le traitement vise à corriger la cause sous-jacente. Si nécessaire, des β-bloquants peuvent être utilisés pour ralentir le rythme sinusal, par exemple dans l’hyperthyroïdie.
Tachycardies jonctionnelles atrioventriculaires
La tachycardie survient à la suite de circuits de réentrée dans lesquels il existe deux voies séparées pour la conduction des impulsions. Elles sont généralement appelées TSV paroxystiques et surviennent souvent chez des patients jeunes sans aucun signe de maladie cardiaque structurelle.
Tachycardie de réentrée intranodale atrioventriculaire (TRINAV)
C’est le type le plus courant de TSV. Chez ces patients, le nœud atrioventriculaire (AV) comporte deux voies conductrices dont la vitesse de conduction et les périodes réfractaires diffèrent, ce qui permet la formation d’un circuit de réentrée et le déclenchement d’une tachycardie par le mouvement circulaire de l’impulsion. Sur l’ECG, les ondes P sont invisibles ou apparaissent immédiatement avant ou après le complexe QRS (fig. 10.10). Le complexe QRS garde en général sa forme habituelle ; en effet, la conduction dans le faisceau de His et l’activation des ventricules se déroulent normalement. Parfois, le complexe QRS est élargi, en raison d’un bloc de branche dépendant de la fréquence, et il peut être difficile de le distinguer de la tachycardie ventriculaire (tableau 10.3).
Données suggérant l’origine ventriculaire d’une tachycardie plutôt que supraventriculaire |
Antécédents de cardiopathie ischémique |
QRS > 140 ms |
Dissociation atrioventriculaire – les ondes P n’ont aucune relation avec les complexes QRS |
Complexes de capture – complexes QRS normaux intermittents |
Intervalle RS > 100 ms |
Complexe QRS droit, bifide, avec un premier pic plus grand en V1 |
Onde S profonde en V6 |
Direction concordante de QRS dans les dérivations V1–V6, c’est-à-dire que tous les complexes sont soit positifs soit négatifs |
Tachycardie atrioventriculaire réciproque (TAVR)
Cette tachycardie est due à la présence d’une voie accessoire qui relie les oreillettes et les ventricules et qui est capable de conduction antérograde ou rétrograde ou, dans certains cas, les deux à la fois. Le syndrome de Wolff-Parkinson-White est le type le plus connu des TAVR ; la voie accessoire entre les oreillettes et les ventricules est le faisceau de Kent. Dans ce syndrome, l’ECG au repos révèle cette voie lorsqu’elle permet un passage rapide de la dépolarisation auriculaire dans les ventricules avant que celle-ci ne soit relayée par le nœud AV. La dépolarisation débutante d’une partie du ventricule conduit à un intervalle PR raccourci et un départ empâté du QRS (ondes delta). Le QRS est étroit (fig. 10.10). Ces patients sont prédisposés à une fibrillation auriculaire, parfois ventriculaire.
Prise en charge urgente
Le but du traitement est de rétablir et de maintenir le rythme sinusal :
• Patient instable. Une cardioversion d’urgence est nécessaire chez les patients dont l’arythmie est accompagnée de symptômes et manifestations pénibles.
• Patient hémodynamiquement stable.
Soins à long terme
Tachyarythmies auriculaires
Le myocarde auriculaire peut déclencher une fibrillation auriculaire, un flutter, une tachycardie et des extrasystoles. Dans certains cas, l’automaticité est acquise par les cellules auriculaires endommagées. Ces troubles partagent des étiologies communes (tableau 10.4). Les examens de base chez un patient atteint d’une arythmie auriculaire comprennent un ECG, les tests de fonction thyroïdienne et un échocardiogramme transthoracique.
Cardiopathie ischémique |
Cardiopathie rhumatismale |
Thyrotoxicose |
Cardiomyopathie |
Fibrillation auriculaire isolée (c’est-à-dire sans cause découverte) |
Syndrome de Wolff-Parkinson-White |
Pneumonie |
Communication interauriculaire |
Carcinome bronchique |
Péricardite |
Embolie pulmonaire |
Consommation d’alcool aiguë et chronique |
Chirurgie cardiaque |
Fibrillation auriculaire (FA)
C’est l’arythmie la plus fréquente ; elle survient chez 5 à 10 % des patients de plus de 65 ans. Elle peut aussi survenir, en particulier sous forme paroxystique, chez de jeunes patients. L’activité auriculaire est chaotique et mécaniquement inefficace. Le nœud AV transmet une proportion des impulsions auriculaires qui suscitent une réponse ventriculaire irrégulière et donc un pouls irrégulier. Chez certains patients, la FA peut être découverte fortuitement ; d’autres se plaignent de palpitations et de fatigue, mais parfois la FA se manifeste par une insuffisance cardiaque aiguë. La FA est associée à un risque cinq fois plus élevé d’accident vasculaire cérébral, principalement par embolie d’un thrombus qui s’est formé dans l’atrium. À l’ECG, les ondes P sont effacées (fig. 10.11) ; il ne reste qu’une oscillation fine de la base (d’où le nom de fibrillation ou d’ondes f).
Soins
• Patient hémodynamiquement instable. Il faut une héparinisation immédiate et tenter une cardioversion par choc électrique externe. Si la cardioversion échoue ou si la FA revient, l’amiodarone est injectée par voie intraveineuse, avant une nouvelle tentative de défibrillation. Une deuxième dose d’amiodarone peut être administrée.
• Patient stable. Deux stratégies sont disponibles pour les soins à long terme de la FA : contrôler la fréquence ou remettre le cœur en rythme sinusal et l’y maintenir.
Anticoaguler ou pas ?
La FA prédispose à une thrombo-embolie, et l’anticoagulation à la warfarine doit être administrée pendant au moins 3 semaines avant (sauf chez ceux qui nécessitent une cardioversion d’urgence ou si la FA date de moins de 48 heures) et 4 semaines après la cardioversion. La plupart des patients doivent également être anticoagulés (RIN 2,0–3,0) à long terme ; l’exception étant les patients de moins de 65 ans avec une FA isolée, c’est-à-dire en l’absence de maladie cardiaque démontrable, de diabète ou d’hypertension. Dans ce groupe, l’incidence de maladie thrombo-embolique est faible et un traitement à l’aspirine suffit.
Flutter auriculaire
Le flutter auriculaire est souvent associé à la FA. Le rythme auriculaire est typiquement de 300 battements/min et le nœud AV laisse passer généralement une impulsion sur deux, ce qui induit une fréquence ventriculaire de 150 battements/min. L’ECG (fig. 10.11) montre les ondes caractéristiques « en dents de scie » du flutter (ondes F), qui sont visualisées plus clairement lorsque la conduction AV est transitoirement modifiée par un massage du sinus carotidien ou des médicaments. Le traitement du flutter auriculaire est semblable à celui de la FA, sauf que l’ablation du circuit de réentrée par radiofréquence guérit la plupart des cas de flutter.
Extrasystoles auriculaires
Les extrasystoles auriculaires sont causées par une décharge prématurée d’un foyer auriculaire ectopique. L’ECG montre une onde P précoce et anormale, généralement suivie d’un complexe QRS normal. Habituellement, un traitement n’est pas requis, sauf en cas de palpitations gênantes ou si elles provoquent des arythmies plus graves, qui peuvent alors être traitées par un β-bloquant.
Tachyarythmies ventriculaires
Extrasystoles ventriculaires
Chez certains patients, les extrasystoles ventriculaires sont asymptomatiques, alors que d’autres se plaignent de palpitations perçues comme une accélération ou une pause du rythme cardiaque, ou encore comme des contractions plus fortes. L’activité électrique ectopique n’est pas transmise aux ventricules par les tissus conducteurs normaux, ce qui explique l’élargissement et la déformation du complexe QRS (fig. 10.12). Si le trouble est gênant, il peut être traité par un β-bloquant.