10: Les principales cibles des médicaments : mécanismes d’action du médicament de l’échelle moléculaire à l’échelle tissulaire


Les principales cibles des médicaments : mécanismes d’action du médicament de l’échelle moléculaire à l’échelle tissulaire





Le concept de cible moléculaire a été introduit par Paul Ehrlich, prix Nobel de Médecine en 1908 pour ses travaux menés en immunologie. Ces derniers portaient sur l’étude de différentes molécules capables de tuer les trypanosomes, protozoaires responsables de la maladie du sommeil, mais qui ne présentaient aucun caractère commun de structure. Ces premiers travaux ont mis en évidence l’existence de sites spécifiques capables de reconnaître diverses molécules qui n’agissent que si elles sont spécifiquement fixées.


Sur la base de ces premières hypothèses, les travaux de Henry H. Dale, Nobel de physiologie et de médecine en 1936, ont identifié, à partir d’expériences menées chez le chat, les récepteurs muscariniques (bloqués par l’atropine) et nicotiniques (bloqués par le curare). Ces travaux ont permis de confirmer l’existence d’un mécanisme « réceptif » pour l’adrénaline et d’étendre cette théorie à l’ensemble des neuromédiateurs et aux principales molécules médicamenteuses utilisées en thérapeutique.


Les cibles moléculaires des médicaments sont nombreuses et peuvent être classées selon leur localisation membranaire (récepteurs couplés aux protéines G, canaux ioniques, transporteurs, pompes ioniques), intracytoplasmique (récepteur enzyme, facteur de transcription) ou nucléaire (facteur de transcription). L’interaction, par l’intermédiaire de liaisons de faible énergie, des molécules médicamenteuses avec l’une de ces principales cibles induira la transmission d’un signal à l’origine d’un effet biologique.



Cibles moléculaires membranaires



Les canaux ioniques


Les canaux ioniques sont des protéines transmembranaires, perméables à divers ions, assurant le flux ionique de façon unidirectionnelle, dans le sens du gradient de concentration. Leur capacité de transfert ionique est élevée et ces canaux présentent une sélectivité pour un ion donné. L’activité de ces canaux ioniques est modulée par les modifications de polarité membranaire (dépolarisation notamment), mais également par leur état de phosphorylation ou de déphophosphorylation.



Les canaux sodiques dépendants du potentiel (Nav)


Ces canaux sodiques participent à l’influx de sodium dans la cellule à l’origine d’une dépolarisation membranaire. Localisés au niveau de la membrane plasmique, ils participent à l’initiation et la propagation du potentiel d’action.



Structure des canaux sodiques dépendants du potentiel

Les canaux sodiques Nav sont des hétéromultimères constitués d’une sous-unité principale α d’environ 260 kDa associée à une ou plusieurs sous-unités β de 33 à 38 kDa.


L’unité principale (sous-unité α), structurale et fonctionnelle du canal Nav, est constituée par une seule chaîne polypeptidique révélant quatre domaines homologues (I à IV), chacun constitué de six segments hélicoïdaux transmembranaires (S1 à S6). Les quatre domaines se replient sur eux-mêmes de façon à former un pore central. Le segment 4 (S4) de chaque domaine contient une forte densité de résidus chargés positivement (arginine et lysine) et constitue le détecteur de potentiel (ou détecteur de voltage) ; c’est la zone qui va percevoir les variations de voltage membranaire pour les transmettre au reste du canal sodique. Différentes boucles s’établissent entre les différents segments constituant le canal ionique : une boucle extracellulaire (boucle P), qui se forme entre les segments S5 et S6 de chaque domaine, participe à la sélectivité ionique du canal et une petite boucle intracellulaire, qui relie les domaines III et IV, constitue la boucle d’inactivation qui, lors d’une dépolarisation membranaire maintenue, va se replier contre le canal et fermer le pore.


Les sous-unités β sont des petites glycoprotéines (30 à 40 kDa) composées d’un seul segment transmembranaire, d’une petite chaîne peptidique à l’extrémité C-terminale et d’une chaîne peptidique plus longue à l’extrémité N-terminale. Ces sous-unités β sont associées, souvent par deux, à une sous-unité α de façon covalente ou non en fonction des différentes isoformes. Les fonctions de ces sous-unités β sont diverses puisqu’elles modulent non seulement les propriétés électrophysiologiques, la transcription et l’expression à la membrane des sous-unités α des Nav, mais elles agissent également comme des molécules d’adhésion. Ainsi, elles interagissent avec la matrice extracellulaire, régulent la migration et l’agrégation cellulaire et interagissent également avec le cytosquelette.



Multiplicité des canaux sodiques dépendants du potentiel

Différentes isoformes de canaux sodiques dépendants du potentiel ont été décrites chez l’homme et chez les mammifères. Ainsi, une dizaine de gènes codant pour la sous-unité α ont été mis en évidence chez l’homme. Le nom attribué à chaque sous-unité α est constitué du symbole chimique de l’ion diffusant à travers le canal (Na), avec en indice l’initial du voltage (v), principal régulateur de ces canaux : Nav. Le chiffre qui suit définit la sous-famille de gènes et à l’heure actuelle, une seule sous-famille a été identifiée : Nav1, qui regroupe les neuf gènes notés Nav1.1 à 1.9. Le chiffre après le point désigne spécifiquement l’isoforme du canal (Nav1.1, Nav1.2…). Les différentes isoformes peuvent être classées en fonction de leur sensibilité à la tétrodotoxine (TTX), un bloqueur très puissant et très sélectif des canaux sodiques, isolé en particulier à partir des bactéries du tube digestif de poissons du genre Takifugu, capable d’obstruer le pore du canal, de manière rapide et réversible. On distinguera ainsi les isoformes dites « TTX-sensibles » (TTX-S) (Nav1.1 à Nav1.4, Nav1.6 et Nav1.7) et les isoformes dites « TTX-résistantes » (TTX-R), pour lesquelles la TTX a une affinité plus faible (Nav1.5, Nav1.8 et Nav1.9) (tableau 10.1).




Fonctionnement des canaux : cycle activation/inactivation

L’activité ionique se définit par la capacité de transfert des ions au travers des pores du canal. Les canaux ioniques se présentent sous trois conformations stables permettant ou non la diffusion des ions à travers la membrane plasmique. Ainsi, les différents états du canal ionique sont (figure 10.1) :




Lorsque le potentiel de membrane est modifié, la probabilité pour que le canal ionique adopte une conformation donnée change également.



La relation entre potentiel de membrane et flux sodique est mise en évidence par la technique de patch clamp. Ainsi, lorsque le potentiel de membrane est maintenu proche de la valeur de potentiel de repos, le canal est fermé et il n’y a pas de tranfert ionique. Lorsqu’une modification de potentiel est observée et maintenue, l’ouverture du canal sodique permet la diffusion d’ions Na+ à l’origine d’une dépolarisation membranaire. Très rapidement (quelques millisecondes), le canal sodique adopte une conformation fermée inactivée, bien que la membrane soit toujours dépolarisée. Dans ce cas, les ions Na+ ne peuvent plus diffuser à travers la membrane plasmique. Enfin, le retour à un potentiel de repos (phase de repolarisation) se traduira par un retour à une conformation fermée activable des canaux sodiques.



Les canaux sodiques, cibles d’anesthésiques locaux

Historiquement, la molécule de référence douée de propriété anesthésique locale et utilisée par Koller en 1884 en instillation dans le cul-de-sac conjonctival est la cocaïne. Isolée à partir du coca (Erythroxylum coca), petit arbuste des versants orientaux des Andes de Bolivie et du Pérou, la cocaïne était utilisée initialement pour réduire les douleurs provoquées par la faim et la fatigue. Ses propriétés anesthésiques ont été mises à profit en chirurgie ophtalmique et dentaire, mais cette molécule n’est actuellement plus utilisée en raison d’un risque de dépendance physique et psychique dévastateur pouvant conduire à la mort. Pour ces raisons, les anesthésiques locaux de synthèse sont actuellement préférés car ces molécules sont mieux tolérées et ne donnent lieu ni à une action psychostimulante, ni à une dépendance ou une accoutumance.


Sur le plan structural, les anesthésiques locaux possèdent tous un squelette identique constitué d’un noyau aromatique lipophile et d’une fonction amine terminale. Ces molécules diffèrent par une chaîne intermédiaire de longueur variable et disposant d’une fonction ester, éther ou amide. Les anesthésiques locaux sont des bases faibles dont seule la fraction non ionisée est susceptible de diffuser à travers les membranes cellulaires. Ainsi, de faibles modifications de pH sont susceptibles de modifier le degré d’ionisation et donc l’activité pharmacologique de ces molécules.


Le chef de file des anesthésiques locaux de synthèse est la lidocaïne ; d’autres molécules sont également largement utilisées : la procaïne, la mépivacaïne, la bupivacaïne… (figure 10.2).




Cible et mécanisme d’action pharmacologiques

Au niveau moléculaire, les anesthésiques locaux sont des bloqueurs des canaux sodiques Nav, et en particulier de l’isoforme 1.7 majoritairement exprimée au niveau des neurones périphériques. Ionisés au pH physiologique, les anesthésiques locaux diffusent facilement à l’intérieur du canal ionique pour s’y fixer et empêcher les flux sodiques transmembranaires. L’accès au site de liaison est ainsi facilité lorsque le canal ionique est en conformation ouverte. Une fois fixés, les anesthésiques locaux vont stabiliser l’état inactivé en prolongeant la période réfractaire, en retardant le retour à l’état de repos et enfin, en diminuant la propagation de l’influx nerveux.


Ces molécules présentent une faible sélectivité pour les canaux sodiques Nav 1.7 et peuvent cibler d’autres canaux sodiques (cardiaques par exemple), expliquant les effets indésirables associés à l’utilisation de ces molécules.




Les canaux sodiques, cibles d’antiarythmiques

Les antiarythmiques sont utilisés pour lutter contre les troubles du rythme cardiaque. Ils se répartissent en quatre classes selon la classification de Vaughan Williams :



Les antiarytmiques ciblant les canaux sodiques Nav appartiennent à la classe I, stabilisants de membranes. Les molécules de ce groupe agiront préférentiellement au niveau atrial ou ventriculaire.




Molécules et Indications thérapeutiques

La classe I des antiarythmiques de Vaughan Williams est divisée en trois sous classes (a, b et c) en fonction de la durée de fixation de la molécule sur le canal sodique et de l’effet de l’antiarythmique sur la durée du potentiel d’action (augmentée, diminuée ou stable).






Les canaux calciques dépendants du potentiel (Cav)


Les canaux calciques sont très variés et sont, pour la plupart, dépendant du voltage. Ces canaux sont présents de façon ubiquitaire dans toutes les cellules et en plus grand nombre dans les cellules nerveuses et musculaires. Différents types de canaux dépendants du voltage sont connus et ils diffèrent entre eux par la valeur du potentiel qui permet leur ouverture. Ainsi, en raison d’un important gradient de concentration établi entre le milieu extracellulaire (1,5 mm) et le milieu intracellulaire (0,15 µM), l’ouverture des canaux calciques va permettre l’influx massif d’ions Ca2 + à l’intérieur de la cellule. Sur le même modèle que les canaux sodiques, les canaux calciques dépendants du voltage présentent trois conformations stables. Ainsi, les canaux peuvent être dans un état de repos, un état activé ou un inactivé.



Structure des canaux calciques dépendants du potentiel

Les canaux calciques dépendants du potentiel sont des hétéropentamères composés d’une sous-unité principale α1 centrée autour de sous-unités auxiliaires α2, β, γ et δ dont les principales fonctions sont de moduler l’expression membranaire de la sous-unité α1.


Cette sous-unité est formée de quatre domaines homologues (I à IV) reliés par des boucles intracytoplasmiques entre les domaines I et II, II et III, III et IV. Chacun des domaines est composé de six segments hélicoïdaux (S1 à S6). Les parties N et C terminales de cette sous-unité sont intracytoplasmiques.


Sur le plan fonctionnel, les segments S3 et S3-S4 (domaine I) et S6 (domaine I) sont responsables, respectivement, des cinétiques d’activation et d’inactivation voltage-dépendante du canal. La région S4, chargée positivement, forme la région sensible au voltage du canal. L’anse extracellulaire formée entre S5 et S6 constitue l’anse de sélectivité ionique du pore.



Multiplicité des canaux calciques dépendants du potentiel

La diversité fonctionnelle des canaux calciques s’explique par des propriétés fonctionnelles distinctes et une expression tissulaire précise des sous-unités α1. Une première famille de quatre gènes code pour les canaux calciques de type L (Cav 1.1 à 1.4). Une seconde famille correspond aux canaux de type non-L ou « neuronaux » (canaux P/Q, R et N) caractérisés par les sous-unités Cav 2.1 à 2.3. Enfin, une troisième famille correspond aux canaux T représentés par les isoformes Cav 3.1 à 3.3. Les types L, P/Q, R et N sont activés par des voltages élevés (–20 à –30 mV), tandis que le type T est activé pour des valeurs de voltage plus basses (–70 mV). La cinétique d’activation des canaux L et P/Q est lente (> 500 ms), celle des canaux T et R est rapide (50 ms), tandis que la cinétique d’activation des canaux N est intermédiaire. Le tableau 10.2 résume les principales caractéristiques des canaux calciques dépendants du voltage.




Principaux bloqueurs des canaux calciques de type L

Différentes familles de molécules (figure 10.3) ciblent les canaux calciques de type L parmi lesquelles les dihydropyridines, les phénylalkylamines et les benzothiazépines. Les sites de liaison, au niveau du canal calcique, de ces bloqueurs sont bien connus : les dihydropyridines se fixent préférentiellement sur l’anse extracellulaire établie entre les segments S5 et S6 du domaine III, mais également sur la face extracellulaire des segments S5 et S6 du domaine III et du segment S6 du domaine IV. Le site de fixation des phénylakylamines est essentiellement intracellulaire au niveau des segments S6 des domaines III et IV. Enfin, les benzothiazépines bloqueront les canaux calciques en se fixant sur la partie intracellulaire des segments S6 du domaine IV.



L’affinité des bloqueurs des canaux calciques pour le canal dépend de l’état conformationnel du canal calcique. Ainsi, les bloqueurs auront en général une affinité plus importante pour les états ouverts activé et inactivé.


Les dihydropyridines, dont le site de liaison est essentiellement extracellulaire, présentent une affinité importante pour les canaux calciques inactivés. Cela explique leur tropisme majoritairement vasculaire, où le nombre de canaux Cav inactivés est supérieur à celui des canaux Cav ouverts (au niveau des vaisseaux, le potentiel de membrane est constant avec un état dépolarisé prolongé traduisant l’absence d’activité rythmique). Les dihydropyridines exercent une inhibition potentielle (voltage)-dépendante et leurs effets vasodilatateurs seront mis à profit dans le traitement de l’hypertension artérielle ou de l’angor.


Les phénylalkylamines ou les benzothiazépines, dont le site de liaison est intracellulaire, présentent une affinité supérieure pour les canaux calciques à l’état ouvert. Ces molécules sont à l’origine d’une inhibition fréquence-dépendante et ciblent notamment les canaux Cav cardiaques. En effet, la physiologie cardiaque est caractérisée par un cycle continu de potentiels d’action expliqué par un potentiel de membrane fréquemment à l’état dépolarisé, mais sur une courte période. Cette caractéristique physiologique s’explique par un nombre de canaux Cav ouverts supérieur au nombre de canaux Cav inactivés. Ainsi, les phénylalkylamines et les benzothiazépines présentent des effets cardiaques inotropes négatifs, chronotrope négatif et dromotrope négatif et sont indiqués dans le traitement de l’hypertension artérielle, de l’angor ou des troubles du rythme (antiarythmique de classe IV de Vaughan Williams).



Les canaux calciques de la membrane du réticulum sarco-/endoplasmique


Dans la cellule, le calcium est stocké dans des vésicules du réticulum sarcoplasmique ou endoplasmique lisse. Ainsi, la concentration de calcium dans cet organite intracellulaire est maintenue constante à environ 0,1 mm. Deux types de canaux vont participer à l’élimination du calcium du réticulum vers le cytosol : le canal calcique-récepteur à la ryanodine (RyR) et le canal calcique-récepteur à l’IP3 (IP3-R).



Le canal calcique-récepteur à la ryanodine (RyR)

La ryanodine est un alcaloïde d’origine végétale extrait d’une plante d’Afrique du Sud, Ryania speciosa. Originellement utilisée pour ses propriétés insecticides, la ryanodine présente une très forte affinité pour les canaux calciques-récepteurs à la ryanodine exprimés majoritairement dans les cellules musculaires cardiaques et striées squelettiques.



Structure du récepteur

Le récepteur est un homotétramère (figures 10.4 et 10.5) dont chaque monomère est formé de quatre hélices transmembranaires (1 à 4). Ces monomères présentent également une longue extrémité N-terminale et une extrémité C-terminale plus courte, toutes deux intracytoplasmiques. Une anse établie entre les hélices 3 et 4 forme le pore ionique et contribue à la sélectivité ionique.




Le récepteur à la ryanodine comprend trois isoformes (RyR-1, RyR-2 et RyR-3), dont la distribution tissulaire est différente : RyR-1 est l’isoforme du muscle strié squelettique, RyR-2 est celle du muscle cardiaque et du cerveau tandis que RyR-3 serait exprimée de façon ubiquitaire à un faible niveau. La ryanodine se fixe avec une haute affinité sur le canal en position ouverte et le maintient ouvert à faible concentration (nano- ou micromolaire), mais l’inhibe à forte concentration (millimolaire).



Fonctions du récepteur



Couplage excitation/contraction du muscle cardiaque (figure 10.6)


Le couplage excitation/contraction cardiaque implique deux canaux calciques, le canal calcique dépendant du voltage Cav 1.2 localisé au niveau de la membrane plasmique du tubule-T et le récepteur à la ryanodine RyR-2 qui lui fait face dans la membrane du réticulum sarcoplasmique. À chaque battement cardiaque, c’est-à-dire pendant la phase de plateau descendant du potentiel d’action, une entrée de calcium dans la cellule va avoir lieu via le canal calcique Cav 1.2. Ceci est à l’origine d’une augmentation modérée de la concentration de calcium intracytoplasmique qui va activer les récepteurs RyR-2, permettant la libération massive de calcium du réticulum sarcoplasmique. Ainsi, une très nette augmentation de la concentration de calcium intracellulaire sera associée à la contraction musculaire cardiaque.




Le canal calcique-récepteur à l’IP3 (IP3-R)

L’inositol 1,4,5 triphosphate (IP3) est le résultat de l’hydrolyse du phosphatidyl-inositol-diphosphate (PIP2) par une phospholipase C secondaire à l’activation de certains récepteurs couplés à une protéine G membranaire. L’IP3 est un second messager qui facilite la libération de calcium contenu dans les citernes du réticulum sarco-/endoplasmique après fixation sur un récepteur spécifique (IP3-R) localisé à la membrane du réticulum.




Les canaux potassiques


Le potassium est un ion majoritairement exprimé au niveau intracellulaire (concentration moyenne de l’ordre de 155 mm versus 3 mm au niveau extracellulaire). Les canaux potassiques, qui représentent la plus vaste famille de canaux ioniques, sont localisés à la surface des membranes plasmiques des neurones, cellules du nœud sinusal ou des mycoytes ventriculaires. La mobilisation des canaux membranaires sera associée à un efflux de potassium vers le milieu extracellulaire qui engendrera une hyperpolarisation ou une repolarisation.



Structure générale des canaux potassiques

Parmi les nombreux canaux potassiques clonés, trois familles structurales ont été identifiées d’après leurs homologies de séquence, le nombre de segments transmembranaires, le nombre de segments P participant à la formation du pore. La classification de ces canaux dépend de la structure de la sous-unité α de ces derniers.



Les canaux potassiques à six ou sept domaines transmembranaires (figure 10.8)

Ces canaux se constituent en tétramères pour être fonctionnels.



Il s’agit des canaux potassiques dépendants du voltage (Kv) dont chaque monomère présente six domaines hélicoïdaux transmembranaires et des extrémités C- et N-terminales intracytoplasmiques. Un segment P, établi entre les domaines 5 et 6, participe à la formation du pore et détermine la sélectivité ionique de ce dernier. Le domaine 4, riche en arginine et en lysine, joue un rôle de senseur du voltage participant ainsi à la régulation de l’activité de ce canal ionique. Également, appartiennent à cette famille, les canaux potassiques sensibles à la concentration intracellulaire de calcium (BKCa). Ces canaux sont constitués de sept domaines hélicoïdaux transmembranaires, une extrémité N-terminale extracellulaire et une longue chaîne C-terminale localisée dans le cytoplasme. Un segment P se forme entre les domaines hélicoïdaux 6 et 7 et présente les mêmes fonctions que celles décrites plus haut.



Les canaux potassiques à deux domaines transmembranaires (figure 10.9)

Cette famille de canaux regroupe, notamment, les canaux potassiques activés par l’ATP et l’acétylcholine. On dénombre actuellement 16 canaux appartenant à cette famille, qui ont été classés en sept sous-familles. Chacun de ces canaux présente deux segments transmembranaires et une boucle P. Quatre sous-unités α doivent s’associer pour former un canal fonctionnel qui peut s’organiser sous la forme d’un homotétramère ou d’un hétérotétramère. Le domaine transmembranaire 4 n’est pas chargé positivement (en raison d’un défaut en arginine et en lysine) expliquant l’absence de sensibilité de ces canaux aux variations de potentiel.




Les canaux potassiques à quatre domaines transmembranaires (figure 10.10)

Cette famille de canaux potassiques a été décrite par Lesage et Lazdunski au début des années 2000. Elle regroupe les canaux TWIK (tandem of P domain in a weak inward rectifying K+ channels), THIK (tandem pore domain halotane inhibited potassium channel), TASK (two pore domain acid-sensitive K+ channels), TREK (TWIK1-related K+ channel) et TRAAK (TWICK-Related AA-Actived K+ channel). Ces canaux sont constitués de quatre domaines transmembranaires et deux segments P établis entre les domaines transmembranaires 1 et 2 puis 3 et 4. Comme pour les autres familles, ces segments P participent à la formation du pore et déterminent la sélectivité ionique de ce dernier.




Exemples de canaux potassiques présentant un intérêt en pharmacologie


Les canaux potassiques activés par l’acétylcholine (KACh)

Il s’agit de canaux potassiques activés par les protéines G et exprimés dans de nombreux tissus tels que le cœur, le cerveau ou le pancréas, par exemple. Au niveau cardiaque, ces canaux potassiques sont responsables d’un effet chronotrope négatif en réponse à la libération d’acetylcholine par le système nerveux parasympathique. Au niveau cardiaque, la cible principale de l’acétylcholine est l’isoforme M2 du récepteur muscarinique. Il s’agit d’un récepteur couplé à une protéine G qui, activé, mobilise les canaux potassiques membranaires. Ainsi, une augmentation de production d’acétylcholine sera associée un efflux massif d’ions potassium dans le milieu extracellulaire ce qui se traduira par une diminution de la pente de dépolarisation diastolique et donc une diminution de la fréquence cardiaque.



Les canaux potassiques modulés par l’ATP (KATP)

Ces canaux ont tout d’abord été identifiés et décrits dans les myocytes cardiaques puis dans de nombreux tissus dont le muscle squelettique, le cerveau, les cellules du tubule rénal et les cellules bêtapancréatiques. L’activité de ces canaux est directement contrôlée par l’état énergétique de la cellule et en particulier par les rapports des concentrations intracellulaires [ATP]/[ADP] : lorsque ce rapport diminue (en cas d’hypoglycémie par exemple), les canaux KATP s’activent et inversement, lorsque ce rapport augmente, les canaux KATP se ferment.


Sur le plan structural, ces canaux sont formés par quatre sous-unités α (ou sous-unités Kir). Dans le cas des canaux potassiques inhibés par l’ATP, ces sous-unités peuvent être associées à un récepteur aux sulfonylurées (SUR) qui fixe l’ATP. L’association Kir/SUR forme les bases moléculaires des canaux KATP.



Les canaux potassiques et la régulation de la sécrétion d’insuline


Au niveau de la cellule bêtapancréatique, un excès de glucose va être associé à une augmentation de la production d’ATP, ce qui se traduira par une inactivation du canal potassique. Cette dernière engendrera une dépolarisation membranaire provoquant l’activation des canaux calciques dépendants du voltage (Cav) : ainsi, l’influx de calcium dans le milieu intracellulaire participera à l’exocytose de l’insuline permettant de moduler la glycémie.


Parmi les molécules actuellement disponibles sur le marché, les sulfonylurées et les glinides ciblent les canaux KATP pancréatiques. Ces molécules présentent une affinité importante pour le récepteur aux sulfonylurées permettant la fermeture du canal potassique. Ainsi, la dépolarisation secondaire à la fermeture de ces canaux se traduira par un influx de calcium et potentialisera l’exocytose d’insuline. Ces familles de molécules sont donc indiquées dans le traitement du diabète de type 2 mais présentent, comme principal effet secondaire, un risque d’hypoglycémie.


Inversement, le diazoxide, indiqué dans le traitement des hypoglycémies, est un activateur des canaux potassiques KATP. En effet, sa fixation sur le récepteur aux sulfonylurées active le canal potassique avec efflux de potassium vers le compartiment extracellulaire. L’hyperpolarisation ainsi crée bloquera l’activité des canaux calciques dépendants du voltage et empêchera l’exocytose d’insuline.



Les canaux potassiques hERG

Les canaux hERG (human eag related gene) font partie de la famille de gènes Eag (ether a gogo). Il s’agit de canaux potassiques dépendants du voltage (Kv) identifiés chez la drosophile qui, anesthésiée à l’éther, présentaient des mouvements saccadés des pattes. Ces canaux sont retrouvés chez l’homme au niveau du cœur et participent à la repolarisation cellulaire.


De nombreuses molécules bloquent l’activité des canaux hERG (antibiotiques tels que les macrolides, les fluoroquinolones, certains antihistaminiques tels que la terfénadine ou la mizolastine, certains antiarythmiques tels que la quinidine ou l’amiodarone, certains neuroleptiques comme la cyamémazine…). Le blocage des canaux potassiques hERG par ces molécules va se traduire par un défaut d’afflux de potassium dans le compartiment extracellulaire qui conduira à un retard de repolarisation caractérisé par un prolongement du potentiel d’action et un allongement de l’espace QT (visible à l’électrocardiogramme). Ce défaut de repolarisation sera caractérisé par des troubles du rythme ventriculaire à type de torsades de pointes pouvant avoir des conséquences létales (figure 10.11).




Les transporteurs ioniques


Différents types de transporteurs ioniques se distinguent (figure 10.12) :





Les cotransporteurs NKCC


Distribué de façon variable dans l’organisme, le cotransporteur NKCC, protéine membranaire, participe aux transports d’ions Na+, K+ et Cl dans les conditions stœchiométriques, à travers la membrane cellulaire. Deux isoformes des cotransporteurs NKCC ont été, à ce jour, mises en évidence : NKCC-1 et NKCC-2. NKCC-1 sont distribués de façon ubiquitaire dans l’organisme tandis que NKCC-2 est retrouvée principalement au niveau du pôle apical des cellules épithéliales de la branche ascendante de l’anse de Henlé, où il assure la réabsorption d’environ 30 % du sodium filtré.


Les diurétiques de l’anse (furosémide, bumétamide, pirétanide) sont les principales molécules ciblant et bloquant l’activité du cotransporteur NKCC. Ainsi, la réabsorption ionique de sodium (de potassium et de chlorure) ne sera plus possible, ce qui contribuera à diminuer la natrémie. Ces molécules seront indiquées dans le traitement des œdèmes pulmonaires ou des membres inférieurs, notamment en cas d’insuffisance cardiaque. En outre, elles réduiront la volémie donc participeront à la réduction de l’hypertension artérielle bien qu’il ne s’agisse pas d’une indication majeure de ces molécules.


L’utilisation des diurétiques de l’anse (figure 10.13) sera associée à une augmentation importante de la diurèse avec un risque de perte importante de potassium. Ces molécules sont dites hypokaliémiantes et il conviendra, en cas de traitement au long cours, d’associer une supplémentation potassique pour éviter des conséquences cardiaques pouvant être fatales.




Le cotransporteur NCC


Localisé au pôle apical des cellules épithéliales des tubules contournés distaux, le cotransporteur NCC, protéine transmembranaire, assure la diffusion à travers la membrane cellulaire d’ions Na+ et Cl dans des proportions stœchiométriques.


Les diurétiques thiazidiques (hydrochlorothiazide par exemple) sont des molécules qui ciblent et bloquent l’activité de ce cotransporteur, empêchant la réabsorption tubulaire de sodium. Ces molécules sont moins puissantes que les diurétiques de l’anse et sont plutôt indiquées, en première intention, dans la prise en charge de l’hypertension artérielle. Le risque d’hypokaliémie est bien moins important avec les bloqueurs des cotransporteurs NCC. Toutefois, le blocage de ce cotransporteur pourra entraîner un déséquilibre de l’activité des autres transporteurs qui entraînera une kaliurie importante, pouvant être à l’origine d’effets indésirables graves.



L’échangeur Na +/H +


Cet échangeur, localisé de façon ubiquitaire à la membrane de nombreuses cellules, participe à l’efflux d’un ion H+ contre l’influx d’un ion Na + (figure 10.14). Différentes isoformes de cet échangeur ont été identifiées (NHE-1 à -4) et les propriétés physiologiques de l’isoforme NHE-1 sont bien connues. En effet, cette isoforme est présente à la surface de toutes les cellules et contribue à la régulation du pH et du volume cellulaire, en particulier dans les processus d’hypertrophie et de prolifération cellulaire. L’isoforme NHE-2 a été identifiée dans le cerveau, le testicule, l’utérus, le cœur, le poumon et le muscle squelettique, le rein. L’isoforme NHE-3 est principalement exprimée à la surface des cellules épithéliales du rein et de l’intestin. Enfin, l’isoforme NHE-4 est retrouvée dans le cerveau, l’utérus et le muscle squelettique. Leurs rôles physiologiques sont actuellement mal connus.


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May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 10: Les principales cibles des médicaments : mécanismes d’action du médicament de l’échelle moléculaire à l’échelle tissulaire

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