10: La prothèse unicompartimentale du genou : indications et technique opératoire: Unicompartmental knee arthroplasty: indications and surgical technique


La prothèse unicompartimentale du genou : indications et technique opératoire


Unicompartmental knee arthroplasty: indications and surgical technique




Résumé


La prothèse unicompartimentale du genou (UNI) s’adresse aux patients présentant une usure d’origine arthrosique affectant un seul compartiment fémorotibial médial ou latéral. Leur indication repose sur un certain nombre de critères extrêmement stricts dont va dépendre le résultat. L’usure doit provenir d’une arthrose dégénérative ou être secondaire à une nécrose aseptique du condyle interne. L’indication ne concerne pas les atteintes en relation avec un rhumatisme inflammatoire. Le patient doit avoir un âge ou un niveau d’activité compatible avec une indication d’arthroplastie. Son poids ne doit pas être excessif et, plus précisément, son indice de masse corporelle doit être inférieur à 30 kg/m2. Le système ligamentaire doit être intact, en particulier le pivot central. Le défaut d’axe associé doit être modéré, presque totalement réductible en stress et, en tout état de cause, le défaut d’axe résiduel, après correction de la composante d’usure par la « cale » unicompartimentale, ne doit pas dépasser 7 à 10° de varus ou de valgus.Ces conditions très restrictives font que les indications idéales d’UNI sont rares. Elles ne représentent pas plus de 15 % des arthroplasties du genou pour les chirurgiens qui en ont l’expérience. Les équipes expérimentées dans cette technique sont donc peu nombreuses et certains chirurgiens ne l’utilisent même jamais. Si les résultats de certaines séries anciennes ont pu inquiéter les utilisateurs potentiels, on peut affirmer aujourd’hui que les séries récentes, dont les indications et la technique correspondent aux critères modernes d’utilisation, font état de résultats aussi fiables que ceux des prothèses totales du genou, au moins au recul de 10 ans. Au-delà, on se heurte au risque d’usure du polyéthylène lié aux contraintes techniques d’utilisation de l’UNI qui obligent à laisser persister le défaut d’axe constitutionnel du patient. En effet, si on ne veut pas prendre le risque d’une extension rapide de l’arthrose au compartiment opposé, on doit se contenter de redonner au membre opéré l’angle qu’il avait constitutionnellement avant que ne survienne l’usure. Ceci fait, de facto, de l’UNI un procédé chirurgical soumis à des contraintes d’usure dont l’indication devra être adaptée au statut des patients et le pronostic bien expliqué. Nous consacrerons une longue partie de cet exposé à la description des règles précises de mise en place des UNI dont dépendent le résultat et la durée de vie des implants.



Summary


Unicompartmental knee arthroplasty (UKA) may be considered in patients with degenerative arthritis affecting a single femorotibial compartment of the knee (medial or lateral). Avascular necrosis of the medial condyle is also an excellent indication. Unicompartmental arthritis due to inflammatory disease is a contra-indication.


   Indications for UKA are based on very strict criteria. Patient age or activity level should be compatible with an arthroplasty. The body mass index should be less than 30 kg/m2. Ligaments should be intact, particularly the anterior cruciate ligament. The overall deformity should be moderate, almost reducible under stress, and the residual varus or valgus angulation after correction for the axis deviation due to wear should not exceed 7° to 10°. As a consequence of these very restrictive criteria, only few patients are ideal candidates for UKA. The proportion of UKA’s rarely exceeds 10 % of the total number of arthroplasties performed by experimented teams. For this reason, very experienced teams are scarce, and many orthopaedic surgeons state that they never perform UKA. However, recently published results with modern designs of UKA, used according to the recommendations of experts, demonstrate that UKA compares favourably with total knee arthroplasty (TKA), at least for the first decade. After 10 years Uni’s are confronted with the risk of wear due to the very requisites for their implantation. In order to decrease the risk of early degeneration of the opposite compartment, the principle of only restoring the constitutional varus or valgus axis of the patient should indeed be respected. UKA acts as a wedge which should not compensate more than the exact amount of wear. As a result, UKA is exposed to wear beyond 10 years and should be consideredas a temporary procedure, except in older patients. We will specify in detail the very precise rules for implantation in the section covering the surgical technique.





Introduction


L’arthroplastie unicompartimentale du genou (UNI) s’adresse aux patients présentant une usure unicompartimentale fémorotibiale interne ou externe isolée d’origine dégénérative ou en rapport avec une nécrose aseptique du condyle fémoral, le plus souvent interne (ONA).


Ces indications limitées ne sont qu’une des restrictions qui font que, comme nous le verrons au cours de cet exposé, l’UNI est un choix délicat, dont le succès dépend autant de l’indication que de la technique opératoire elle-même.


Notre expérience de cette intervention, enrichie des données récentes de la littérature, permet d’énoncer trois principes :



• l’UNI est, en 2010, un choix validé et recommandable, même si certains d’entre nous ne l’utilisent jamais ou de façon limitée. Les résultats publiés des UNI modernes montrent qu’à condition de respecter des règles scrupuleuses, leur taux de survie est proche de celui des prothèses totales du genou (PTG) à 10 ans [1,7,9,10,13,22,28,30,35,47,51,58,60] ;


• au-delà de 10 ans de recul, les principes techniques des UNI, qui obligent au maintien de la déformation constitutionnelle du patient, exposent cette arthroplastie à une dégradation que nous pouvons qualifier d’inéluctable [3,8,12,15,21,24,38,45,62,63]. Nous devrons en tirer les conséquences au plan des indications et du contrat que nous prenons avec le patient. Ceci conduira également à des orientations particulières dans le matériel à poser, afin que la reprise éventuelle ne soit pas aggravée par nos choix initiaux ;


• les échecs précoces d’UNI ont été, et sont encore, l’élément qui détourne certains chirurgiens de cette indication. Il nous semble que de nouvelles données sont aujourd’hui susceptibles de quasiment supprimer ces « impondérables » particulièrement pénalisants. Nous en indiquerons les principes, qui dépendent là encore de la technique chirurgicale elle-même et du choix du matériel prothétique.


Ces données, fruit de l’expérience convergente de nombreux opérateurs « spécialistes de l’UNI », permettent de proposer aujourd’hui une sorte de « mode d’emploi » de cette intervention dont l’intérêt provient surtout de la comparaison aux PTG. En la matière, l’avantage de l’UNI s’exprime non seulement dans le domaine des suites opératoires, plus faciles, mais aussi parce que la flexion et la fonction obtenues à terme sont plus avantageuses. Ces arguments, sur lesquels ont insisté récemment plusieurs auteurs [1,5,11,13, 14,28,36,38,41,43,46], justifient l’intérêt renouvelé vis-à-vis de cette intervention, et une mise au point sur les règles modernes d’indication et d’utilisation nous est apparue tout à fait justifiée.


Nous diviserons cette conférence en trois parties. La première sera consacrée à redéfinir le principe de l’UNI et sa place dans le traitement chirurgical de l’arthrose unicompartimentale. La deuxième concernera les conséquences du concept UNI sur les règles techniques et de choix des implants. La troisième partie décrira la technique opératoire proprement dite et les choix que nous avons personnellement adoptés. Nous verrons qu’ils sont différents en fonction du type d’arthrose, interne ou externe, ainsi que de l’importance de l’usure arthrosique. Nous conclurons par quelques réflexions d’ordre général sur les ancillaires et les implants disponibles sur le marché.



Place de l’UNI dans le traitement de l’arthrose unicompartimentale


La première question à laquelle nous nous efforcerons de répondre est de connaître la place de l’UNI par rapport aux ostéotomies et aux PTG.



Place de la prothèse unicompartimentale par rapport aux ostéotomies


Par le passé, nous proposions une ostéotomie, en particulier l’ostéotomie tibiale de valgisation (OTV), à des stades avancés d’arthrose (au-delà du grade 3 d’Ahlback) [2]. Un certain flou existait quant aux indications d’OTV dans l’arthrose fémorotibiale interne (AFTI) en l’absence de défaut d’axe (cas fréquent chez l’obèse).


Il nous semble aujourd’hui raisonnable :



• de réserver les OTV aux arthroses fémorotibiales associées à un défaut d’axe osseux constitutionnel (tibia varum) ;


• d’éliminer, ou de bien discuter, les cas où l’usure fémorotibiale est totale, très évoluée avec cupule d’usure. Dans ce cas, il convient alors d’exposer au patient les limites en matière de qualité du résultat. Seule une activité physique incompatible avec une arthroplastie du genou (activités comportant des sauts, des chocs, des torsions, le port de charges lourdes ou la pratique de la randonnée de haute ou moyenne montagne) est susceptible de justifier de pousser l’indication d’ostéotomie, en exposant au patient les raisons de ce choix défensif et imparfait ainsi que les réserves sur le plan de l’indolence à l’effort. Ce choix ne peut être proposé que pour des motifs de sécurité quant à la durée de vie des implants et non comme une alternative équivalente en termes de qualité de vie au quotidien.


Notre tendance est de proposer l’OTV avant que l’usure fémorotibiale ne soit complète, à condition bien sûr que le patient soit symptomatique et qu’il y ait un défaut d’axe. Ceci représente dans notre expérience l’indication idéale d’OTV, permettant d’obtenir la sédation complète des douleurs, la récupération d’une bonne fonction, et de reculer durablement l’échéance d’une prothèse.


On peut donc conclure que la compétition entre l’UNI et les ostéotomies est en fait plus théorique que réelle. La vraie discussion concerne plutôt le choix entre ostéotomies et arthroplasties prothétiques. Dans l’arbre décisionnel, la condition incontournable pour discuter une ostéotomie est que le patient présente un défaut d’axe osseux. Si ce n’est pas le cas, il nous paraît préférable soit de s’abstenir, soit d’envisager une prothèse. Les éléments déterminants sont le niveau d’activité et l’âge du patient, compatibles avec une prothèse. Ce n’est qu’ensuite que l’on s’efforcera de préciser, sur la base d’arguments que nous reverrons, si l’UNI est possible ou si la PTG lui est préférable.



Place de la prothèse unicompartimentale par rapport aux PTG


Dès qu’il existe une usure avec pincement complet de l’interligne fémorotibial en charge ou en schuss (figures 1a et 1b), l’indication d’arthroplastie doit se discuter si l’âge et/ou le niveau d’activité permettent de considérer cette indication. L’UNI peut alors être envisagée en priorité par rapport à la PTG :




• si le patient désigne le compartiment interne comme le siège électif de la douleur [11]. C’est le « signe du doigt » (figure 2) ;



• si le défaut d’axe est modéré ou en tout cas corrigible dans les limites que nous définirons plus loin ;


• si le système ligamentaire est intact, en particulier le ligament croisé antérieur (LCA), ainsi que les formations périphériques de la convexité de la déformation. Ceci conduit à exclure les arthroses internes s’accompagnant d’une translation tibiale externe (figure 3) ou les bâillements internes dans les arthroses externes ;



• si le patient accepte les restrictions d’activité physique. En particulier, il devra s’abstenir de toute activité comportant des sauts ou des chocs, des activités avec rotation brusque du genou et du port de charges élevées. En revanche, le désir de pouvoir s’accroupir ou se mettre à genoux est un argument très en faveur de l’UNI par rapport à la PTG [1,3,38,41,43,56,57]. C’est, chez les patients les plus jeunes, un des arguments qui peut faire pencher la balance en faveur de l’UNI en cas d’hésitation avec la PTG.


Faut-il réserver l’UNI aux très âgés, ou peut-on la considérer comme une solution temporaire en attendant la PTG [26,40,49,50,55] ? La réponse à cette question est complexe, car elle dépend de deux facteurs :



• l’acceptation par le patient d’une reprise éventuelle au-delà de 10 ans pour changement d’une pièce de l’UNI en cas d’usure du polyéthylène (PE) [en cas de plateau « métal-back »], ou changement pour une PTG, ce qui est un geste plus lourd. Ce risque ne peut se justifier que si l’estimation de la dégradation en termes de temps amène le patient à la reprise éventuelle à un âge où il apparaît « acceptable » de réaliser cette chirurgie. Ainsi, un patient opéré d’une UNI à 65 ans et repris après 12 ans sera âgé de 77 ans lors de cette réintervention, ce qui paraît acceptable si son état de santé est correct. En revanche, une UNI faite à 78 ans dont la dégradation survient après 12 ans nous confrontera à une reprise problématique chez un sujet de 90 ans. L’état général de ces patients, l’ostéoporose, des géodes d’ostéolyse liées à l’usure du PE sont en effet des conditions générales et locales défavorables. Il n’est pas exceptionnel de voir de tels patients, qui ont toléré pendant de longues années l’ostéolyse due à l’usure du PE de leur UNI. C’est particulièrement vrai en cas de plateau « métal-back », avec une métallose, et parfois d’importantes géodes osseuses nécessitant des techniques de comblement lourdes à cet âge ;


• ceci nous conduit à la seconde condition pour que la proposition soit acceptable : la nécessité, voire l’obligation, d’un suivi régulier des patients pour éviter des reprises difficiles. Quant à l’implant, si on considère la reprise tardive comme quasi inéluctable, il doit être facilement « révisable ». En la matière, les surcoupes tibiales, les plots métalliques ou de ciment massifs, les prothèses non cimentées dont l’ablation peut conduire à des pertes de substance osseuse délicates à réparer, sont des options qu’il faut soigneusement évaluer. Nous avons ainsi fini par considérer que les UNI avec plateau tout PE étaient vraisemblablement un choix logique même si certaines publications ont curieusement fait état de résultats aléatoires [53] que notre expérience personnelle ne confirme pas [19,42].



Devant une arthrose unicompartimentale, quels arguments vont conduire à donner la préférence à la PTG ?


Il nous semble que la grande fréquence des patients en surcharge pondérale (indice de masse corporelle supérieur 30 kg/m2) dans la population des genoux arthrosiques suffit à elle seule à déplacer l’indication vers la PTG, même en cas d’usure purement unicompartimentale.


En fait, les arguments principaux sont :



• une douleur qui apparaît plus diffuse avec une composante fémoropatellaire, voire bi- ou tricompartimentale conduira à préférer la PTG. Il en est de même d’une composante inflammatoire avec épanchement abondant ;


• toute atteinte radiologique des autres compartiments, à l’exception de l’arthrose fémoropatellaire asymptomatique ou de la fausse chondrocalcinose sans retentissement clinique, doit faire préférer la PTG. Il en va de même des arthroses au-delà du grade 4 d’Ahlback, avec aspect de subluxation transversale du tibia sous le fémur (figure 3), des déformations non ou peu réductibles, des arthroses secondaires à une laxité ou à un cal vicieux extra-articulaire. En règle générale, comme nous le verrons plus loin, dès que le défaut d’axe résiduel en correction dépasse 7 à 8° en varus ou en valgus, la PTG doit être préférée [9,10,35]. Il en est de même quand le défaut d’axe mesuré sur le pangonogramme correspond à un défaut osseux qui, à lui seul, dépasse les limites fixées (figure 4). En effet, comme nous le verrons plus loin, l’UNI ne corrige que la composante d’usure de la déformation. Si le défaut osseux dépasse les limites d’angle définies comme acceptables, ce défaut, qui va persister après la mise en place de l’UNI, compromet sa longévité et est, en lui-même, une contre-indication ;



• concernant l’absence du LCA que nous avons décrite dès 1987 comme cause d’échec potentielle des UNI [17], le débat semblait définitivement clos après la publication convergente de Goodfellow et al. [31]. La discussion concernant ce sujet a néanmoins été relancée par Engh et al. [27]. Ces auteurs, se basant sur des résultats favorables, malgré la rupture du LCA, avec certains modèles d’UNI à plateau fixe [14,36], ont proposé d’utiliser cette technique en cas de découverte fortuite d’un LCA défaillant s’il s’agit d’une arthrose primitive, exclusivement fémorotibiale interne. L’argument développé par les auteurs est qu’en l’absence de défaillance associée des formations postéro-internes, l’absence du LCA n’est pas aussi préjudiciable que dans les arthroses internes sur laxité chronique antérieure. Notre expérience personnelle est très différente. En effet, dans ces arthroses primitives, l’ostéophyte postérieur empêche la subluxation antérieure du tibia sous le fémur. De ce fait, la cupule d’usure est centrée sur le profil en charge car l’ostéophyte postérieur, préexistant à la rupture du LCA, évite la subluxation antérieure. Mais, lors de la mise en place de l’UNI, cet ostéophyte stabilisateur est réséqué par la coupe tibiale. Dans les rares cas de ce type où nous avons transgressé la règle de contre-indication, car il s’agissait de surprises opératoires et que les conditions générales du patient ne nous permettaient pas de changer à la dernière minute d’indication, l’échec et la dégradation par usure progressive du plateau UNI ont fini par se produire (figure 5). Cette usure est beaucoup plus lente et tardive que dans les arthroses sur laxité chronique antérieure avec subluxation préopératoire mesurable sur le cliché de profil en charge (figure 6), mais l’échec n’en reste pas moins inéluctable au recul de 5 à 7 ans. Ce délai nous semble trop bref pour accepter cette indication chez un patient relativement peu âgé. Quant aux indications de réparation du LCA associées à l’UNI [16,48,54], nous n’en avons pas l’expérience. L’important nous paraît surtout de bien analyser ce risque, et il peut être justifié de s’aider d’une imagerie par résonance magnétique (IRM) en cas de doute sur l’intégrité du LCA alors que l’indication est par ailleurs parfaite.




En résumé, on peut considérer que le nombre de patients candidats à une prothèse UNI du genou est limité. La plupart des études qui ont pris en compte le taux de patients éligibles à l’indication d’UNI par rapport aux PTG montrent qu’il ne dépasse pas 10 à 15 %, même pour des équipes spécialisées [28,30,33,39,59]. Il nous paraît essentiel de scrupuleusement respecter les indications idéales que nous venons de définir. En effet, outrepasser ces règles d’indication reviendrait à exposer le patient au risque d’échec.


Ces échecs, dont nous avons répertorié les causes, reflètent les deux types de cassure de la courbe de survie des UNI, bien analysée par Deschmuck et Scott [21] :



En conséquence, les causes d’échecs précoces liées aux contre-indications ligamentaires doivent conduire à la plus extrême prudence, même chez le sujet très âgé qu’il serait regrettable d’exposer à une reprise précoce par PTG de révision, alors même qu’on prétendait être moins agressif en choisissant l’UNI. En revanche, les risques d’échec par usure doivent, chez le très âgé, faire l’objet d’une analyse réfléchie. Il serait par exemple dommage d’exposer un patient de 80 ans à une hypercorrection d’axe ou encore à un risque de luxation de patin mobile, obligeant à une reprise précoce et difficile, sous prétexte de prévention de l’usure, alors même qu’une UNI à plateau fixe permettrait d’amener ce patient à ses 95 ans et au-delà sans aucun risque intrinsèque.


C’est cette analyse, et non pas une position dogmatique, qui doit conduire le chirurgien à raisonner en matière d’indication et de choix du matériel.



Le concept UNI et ses conséquences techniques


Une des premières démarches est de bien analyser le rôle de l’UNI et les objectifs de l’intervention par comparaison aux PTG.


Lors de la mise en place d’une PTG, nous devons nous appliquer à corriger les axes osseux. Cet objectif est une des conditions de la longévité de l’implant. En revanche, l’UNI ne s’adresse qu’à l’usure. Il s’agit d’une cale intra-articulaire qui ne peut et ne doit compenser que l’usure du cartilage dans l’espace intraligamentaire délimité par les insertions capsuloligamentaires fémorotibiales.


En conséquence, l’UNI ne peut en aucun cas corriger la composante osseuse d’une déformation. Le seul objectif est de corriger la composante d’usure, et l’objectif radiologique est de restituer l’axe constitutionnel du membre tel qu’il était avant cette usure. C’est l’intérêt des clichés en stress qui permettent d’apprécier la valeur de l’usure articulaire et de vérifier l’absence d’hypercorrection de la déformation. L’UNI comble seulement la perte de substance cartilagineuse. Ce concept a trois conséquences qu’il faut impérativement comprendre avant de se lancer dans la technique chirurgicale.



Les limites d’indication


Les limites d’indication en matière de déformation sont définies par l’angle de varus ou de valgus résiduel que peut supporter le PE de l’UNI une fois l’usure corrigée. Les limites ont été fixées par plusieurs publications récentes, aux déformations ne dépassant pas 7° d’angle fémorotibial mécanique (AFTM) résiduel en postopératoire [10,15,19,20,32,35,52]. Pour apprécier ces valeurs avant le geste chirurgical, le pangonogramme en correction nous était bien utile [18].


Aujourd’hui, les radiographies numériques ne permettent plus d’obtenir les pangonogrammes corrigés. Seuls les clichés en correction, par ailleurs indispensables, aident à prévoir cet AFTM résiduel.


Ceci nous permet d’insister sur une notion souvent confuse dans la littérature, qui fait référence à la notion d’hypocorrection et de valeurs d’angle préopératoire limites pour définir les indications [39,44]. En particulier, le terme « hypocorrection » nous paraît abusif et source d’erreur d’interprétation. L’objectif radiologique est en fait une correction individuelle, personnalisée, dont la valeur correspond à la restitution de l’axe mécanique constitutionnel de l’individu concerné tel qu’il était avant l’usure arthrosique. Il ne peut être question de conseiller une hypocorrection d’une valeur arbitraire préétablie comme nous le faisons pour l’hypercorrection d’une ostéotomie. La correction idéale est celle obtenue après compensation de l’usure. Seules les limites de l’indication sont définissables, en fonction de nos revues de patients à long terme [35]. L’AFTM du patient sera déterminé sur les clichés préopératoires en stress. Quant à la correction peropératoire, elle ne sera pas jugée sur des radios de contrôle peropératoires mais, comme nous le verrons au chapitre technique, par la remise en tension sans excès des ligaments de la concavité.



Les limites techniques


En effet, sur un plan purement technique, la référence absolue pour être sûr de ne pas dépasser le « seuil de remplissage » du compartiment usé est le degré de tension ligamentaire des ligaments de la concavité (ligament interne pour le compartiment interne, formations externes pour le compartiment externe).


Il est donc crucial de ne faire aucun geste de détente ligamentaire, contrairement à ce que nous réalisons dans la PTG [32]. Les ligaments de la concavité sont la seule référence pour éviter l’hypercorrection (figure 7). Nous avons pour habitude de conseiller de laisser 1 à 2 mm de laxité en extension entre les deux pièces fémorale et tibiale. Un certain nombre d’ancillaires (Zimmer, Tornier) ont même prévu un instrument spécifique pour apprécier cette laxité dite « de sécurité » [28].



Il est également essentiel de comprendre que l’« hyperremplissage » du genou ne concerne pas que le plan frontal en extension. Le respect de l’isométrie ligamentaire en flexion doit aussi permettre de ne pas créer une hypertension de l’espace en flexion (figure 8). Ceci impose deux règles complémentaires :




• réséquer le condyle postérieur de l’épaisseur nécessaire pour loger le patin prothétique fémoral postérieur. Ceci est indispensable dans la mesure où il n’y a jamais d’usure postérieure du condyle fémoral dans l’arthrose, en tout cas pas aux stades auxquels s’adresse l’UNI. L’absence de coupe conduirait donc forcément à une superstructure condylienne postérieure en flexion ;


• le respect de la pente tibiale osseuse « du patient » (et non pas une pente moyenne qui ne correspondrait pas à la tension physiologique des ligaments) apparaît tout aussi essentiel pour éviter une hyperpression postérieure et un risque de descellement prématuré [11]. Nous décrirons notre technique spécifique pour respecter la pente du patient, de même que l’orientation frontale de la coupe tibiale qui doit s’aligner parallèlement à l’interligne tibial et non pas être réalisée à 90° par rapport à l’axe tibial mécanique (figure 9).




L’interligne prothétique dans l’UNI


Le troisième élément d’importance est le calage de l’usure et ses conséquences sur l’interligne prothétique. La compensation de l’usure se faisant à partir de deux pièces prothétiques, l’une fémorale et l’autre tibiale, il importe de prendre conscience que le positionnement et les dimensions de ces deux pièces définissent le niveau de l’interligne prothétique (ILP), qui peut être différent de celui de l’interligne originel.


S’assurer, comme nous l’avons montré précédemment, qu’il n’y a pas d’hyperremplissage ne suffit pas. Un sous-décalage de la coupe tibiale pour « tolérer » une superstructure de la pièce fémorale peut, en lui-même, conduire à des échecs (figure 10). Ainsi, en cas d’usure incomplète de la surface distale du fémur (ONA ou simple pincement postérieur n’apparaissant que sur les clichés en schuss), une prothèse fémorale de resurfaçage risque de créer une superstructure fémorale qui va conduire à surcouper le tibia pour « faire la place » du condyle fémoral dans le compartiment interne. L’excès de coupe tibiale, outre qu’il fait reposer la fixation du PE tibial sur une zone spongieuse plus fragile [37], entraîne aussi, du fait de la forme en entonnoir du plateau, un déport du point de contact du patin fémoral en périphérie du plateau tibial. Ceci peut être à l’origine, comme nous l’avons montré, d’un taux élevé de liserés [11,19]. Certains auteurs ont même décrit des descellements tibiaux qui pourraient être en relation avec cet excès de coupe tibiale (figure 10) [11].


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Apr 27, 2017 | Posted by in CHIRURGIE | Comments Off on 10: La prothèse unicompartimentale du genou : indications et technique opératoire: Unicompartmental knee arthroplasty: indications and surgical technique

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