10. La personne souffrant d’alcoolisme

Chapitre 10. La personne souffrant d’alcoolisme



Les abus festifs peuvent par leur multiplication et leur banalisation amener à des abus répétés. Le terme d’alcoolisme de société ou d’alcoolisme mondain ne désigne rien d’autre qu’une dépendance. Les conduites de dépendance peuvent se résumer à une dépendance à l’alcool, ou comprendre plusieurs dépendances ou faire partie des dépendances secondaires à des troubles anxieux, des dépressions, des difficultés conjugales ou professionnelles.

Le contexte des psychothérapies des personnes souffrant d’alcoolismealcoolisme recèle plusieurs pièges.


• Tout d’abord, il existe des patients en psychothérapie qui n’ont jamais avoué à leur psychothérapeute des périodes d’abus et de dépendance à l’alcool. Le psychothérapeute mène son travail dans l’ignorance absolue d’une autre forme de difficultés ; un mur sépare les problématiques ; ce mur définit un clivageclivage et pose la question de sa nécessité.


• La psychothérapie peut être dévoyée par le risque organique. Lorsque l’ascite succède aux hématémèses, lorsque les crises d’épilepsie s’associent aux pancréatites alcooliques, le psychothérapeute craint pour la vie de son patient ; il n’a plus la liberté psychique de penser tant il redoute les accidents physiques.


• Une forme atténuée de ce cas de figure apparaît dans les rechutes successives : nouvelles périodes d’alcoolisation, arrêt des consultations du fait des prises d’alcool, difficultés professionnelles amenant à une précarité sociale.



Pourquoi l’alcoolisme reste-t-il méconnu ?

Le premier facteur de méconnaissance peut résider dans la tradition et les habitudes familiales. Même si la consommation d’alcool a profondément diminué en France, l’utilisation midi et soir d’au moins un quart de litre de vin reste bien ancrée dans certaines régions. À ces habitudes dont les racines se situent dans la culture viticole ou sociale d’une région ou d’une famille, répond l’expression « boire comme tout le monde ». Bien sûr, ce comme tout le monde demande une exploration.

La méconnaissance peut simplement provenir d’une bonne tolérance à l’alcool. Le danger pour certaines personnes provient de leur capacité à pouvoir boire de larges quantités d’alcool sans en ressentir de conséquences sur leur vigilance ou leurs capacités intellectuelles. Le piège va se refermer sur elles par cet alcoolisme d’habitude, sans ivresse mais surtout sans interruption.

La pudeur et la honte définissent la dernière variété de méconnaissance. Les mères de famille vont cacher les bouteilles d’alcool qu’elles consomment. Même devant une haleine alcoolisée, certains garantiront qu’ils n’ont pas bu. Ces différentes formes de méconnaissance peuvent être renforcées dans certains milieux où d’apéritifs en pots de départ, de soirées festives en arrosages de promotion, il existe une ambiance permanente de contact avec l’alcool. Pour certains jeunes, les soirées, les fêtes, représentent autant de situations de rencontres. Sans doute la forme de méconnaissance la plus grave est illustrée par la pseudo-lucidité de certains sujets, capables d’exposer l’importance de leur consommation ; ils sont également capables d’en donner plusieurs raisons, d’origine familiale, conflictuelles ou dépressives. Le terme de pseudo-lucidité désigne cette apparence de compréhension, un peu intellectualisée, coupée des racines émotionnelles et d’un vrai désir de comprendre et d’évoluer. Ce discours de façade fonctionne comme le rideau d’un théâtre qui donne à voir mais qui cache l’essentiel.


Comment aborder le sujet de l’alcoolisme ?


Dans des cas assez fréquents, le problème de l’alcoolisme est posé par un tiers ; le plus souvent le conjoint, parfois l’employeur. La personne alcoolique est donc accompagnée, soit par quelqu’un de sa famille, soit par une injonction de se soigner sous peine de perdre son emploi ou d’avoir d’autres formes de représailles. Mais ce tiers peut vite apparaître embarrassant. On saisit bien que la demande n’émane pas réellement de la personne souffrant d’alcoolisme ; elle se plie aux injonctions de quelqu’un d’autre ; elle est là pour faire plaisir, pour obéir. Certains thérapeutes dans ce contexte remettent la prise en charge à plus tard, attendant que la demande vienne de la personne elle-même. D’autres se servent du tiers comme d’une figure parentale toute puissante à laquelle on ne souhaiterait ni faire de la peine, ni désobéir. Le véritable enjeu sera d’arriver à nouer un processus d’alliance avec la personne en quête de soins.

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Jul 6, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 10. La personne souffrant d’alcoolisme

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