Chapitre 10 Facteurs de risque socio-environnementaux du jeu pathologique
Le jeu problématique est défini comme la résultante d’une interaction entre des caractéristiques individuelles, un contexte social et environnemental et des caractéristiques liées à la pratique des jeux de hasard et d’argent (JHA) au jeu (Abbot et Clarke, 2007; Shaffer et al., 2004). Cependant, à l’image du modèle intégratif proposé par Blaszczynski et Nower (2002), les caractéristiques socio-environnementales tendent à être parfois délaissées à la faveur des caractéristiques individuelles (Thomas et al., 2009). Elles sont pourtant essentielles à intégrer et peuvent être distinguées en facteurs liés à l’individu et au jeu.
Facteurs socio-environnementaux liés à l’individu
Influence de la famille et du groupe de pairs
La qualité de l’attachement parental, basé sur l’échange, la communication et la confiance, est inversement corrélée à la sévérité des conduites de jeu à l’adolescence (Magoon et Ingersoll, 2006). La transmission culturelle des valeurs et des croyances se fait dans un premier temps au sein de la cellule intrafamiliale. Les théories de l’apprentissage social suggèrent qu’un sujet apprend, imite et perpétue des comportements parce qu’ils sont observables et renforcés (Bandura, 1977). L’initiation aux JHA se fait majoritairement dans le premier cercle familial dès l’enfance (Gupta et Derevensky, 1997). Le regard porté par les parents sur les pratiques de jeu conditionne également l’installation d’habitudes de jeu. Les habitudes s’acquièrent d’autant plus que ce regard est tolérant ou bienveillant. Le partage d’histoires de jeu, de mythes familiaux, y contribue aussi (Raylu et Oei, 2004). D’autre part, une surveillance parentale trop distante vis-à-vis des activités de l’enfant, ou une guidance parentale insuffisante au sein de la cellule familiale, ou encore l’absence de limites définies par les parents, sont des facteurs positivement corrélés à la sévérité des problèmes de jeu chez les adolescents (Magoon et Ingersoll, 2006).
Enfin, l’existence d’habitudes de jeu chez les parents, d’autant plus qu’elles sont problématiques, est un facteur de risque d’émergence de jeu pathologique chez les enfants (Lesieur et al., 1991 ; Raylu et Oei, 2004; Magoon et Ingersoll, 2006). La prévalence du jeu pathologique chez les parents de joueurs pathologiques est estimée de 25 à 40% selon les études (Hardoon et al., 2004).
Les pairs ont une influence sur l’initiation des comportements de jeu à l’adolescence. Cette influence sera d’autant plus forte que la pratique des JHA est vécue comme un loisir agréable, excitant et associé à des valeurs positives et que le groupe de pairs joue aussi (Langhinrichsen-Rohling et al., 2004).
Facteurs culturels et religieux
Plusieurs études soulignent l’appartenance à une minorité culturelle comme un facteur de risque de jeu pathologique. Il existe des taux de prévalence plus élevés chez les chinois en Australie, chez les indiens sur le continent nord américain ou chez les maoris en Nouvelle-Zélande (Johansson et al., 2009 ; Raylu et Oei, 2004). Le jeu a alors une fonction sociale particulière dans une minorité vulnérable ayant un fort besoin d’appartenance. Par ailleurs, plusieurs auteurs ont souligné l’influence de la religion et des croyances. Ainsi, l’acceptation culturelle de la pensée magique chez les indiens d’Amérique permet aux croyances liées à la chance ou au destin de se généraliser à la pratique des JHA. Quelle que soit la religion, la fréquentation régulière des lieux de culte est un facteur « protecteur » vis-à-vis des comportements de jeu (Lam, 2006). La pratique d’une religion implique en effet l’intégration dans un réseau social, ce qui diminuerait les motivations à jouer (Ades et Lejoyeux, 2000).