Cas 1. Une Naissance à 33 Semaines
PREMIÈRE CONSULTATION
ÂGE ET MOTIF DE LA CONSULTATION
L’enfant est amené par ses deux parents à l’AC de 2 mois, pour avis à propos d’une hyperexcitabilité extrême retentissant sur le sommeil et l’alimentation.
Sexe: | Masculin |
AG: | 33 SA |
PN: | 1 980g (50e perc.) |
TN: | 43cm (9e perc.) |
PCN *: | 31cm (75e perc.) |
*Le sigle PCN désigne le périmètre céphalique à la naissance, pour le différencier des PC mesurés au cours de la surveillance. | |
HISTOIRE PÉRINATALE
Les parents sont bien portants et non apparentés. La fratrie comporte une fille aînée, née 5 ans plus tôt, eutrophique à terme, sans problème. Cet enfant est le deuxième de la fratrie. Nous ne disposons que d’un résumé: la grossesse est normale jusqu’à la rupture spontanée des membranes à 33 SA ; la mère n’est pas fébrile ; la tocolyse est inefficace. L’accouchement en présentation céphalique survient 28 heures après la rupture. La température maternelle reste normale. Les scores d’Apgar sont de 6 à 1 minute et de 9 à 10 minutes. L’enfant est eutrophique. Dans les heures qui suivent, une détresse respiratoire (DR) justifie une oxygénation sous hood à 40 % ; la concentration est diminuée à 25 % quelques heures plus tard, sans contrôle. Des apnées avec bradycardie surviennent à H6. L’enfant est intubé et transféré en USI. Il sera extubé 48 heures plus tard.
L’histoire néonatale est la suivante: un streptocoque B est présent dans les prélèvements périphériques, l’hémoculture est négative, le liquide céphalorachidien (LCR) est stérile et de composition normale. Un traitement par ampicilline-gentamycine est institué à une heure non précisée, probablement peu après l’arrivée en USI. L’enfant reçoit également 5mg/kg/jr de caféine. Un ictère précoce à J1 est traité par photothérapie ; on signale une thrombopénie (120 000mm3) et une leucopénie (1 900mm3). L’examen neurologique clinique est considéré comme normal pour l’AG ; un EEG montre un aspect très irritatif dans le sommeil calme. L’ETF à l’entrée montre une hémorragie sous-épendymaire à droite. L’évolution est simple: 10 jours d’antibiothérapie, avec baisse régulière de la protéine C réactive (CRP) alors qu’elle était à 18mg/l à H6. L’ictère a été prolongé, la photothérapie n’a été arrêtée qu’à J11. À 3 semaines de vie (soit 36 sem. AC), l’enfant boit ses biberons en totalité. L’ETF à 12 jours de vie montre une régression de l’hémorragie sous-épendymaire, encore bombante dans la cavité ventriculaire. L’EEG n’est pas renouvelé. Il rentre dans sa famille à 3 semaines de vie. Une surveillance est proposée, mais le pronostic cérébral communiqué aux parents est considéré comme favorable.
ORIENTATION ET AIDES REÇUES À CE JOUR
Une prise en charge kinésithérapique avec recherche de postures favorables vient d’être mise en place à la demande de son pédiatre. L’enfant est traité pour un reflux gastro-oesophagien (RGO), sans succès. L’épuisement et l’inquiétude des parents provoquent la recherche d’un autre avis.
EXAMEN NEUROLOGIQUE À 4 MOIS (2 MOIS ½ AC)
L’enfant pèse 4 500g (75e perc.) et mesure 55cm (75e perc.). L’examen crânien montre un PC à 39cm (75e perc.). On palpe des bourrelets métopique et squameux. L’hyperexcitabilité est majeure, avec sursauts à la moindre manipulation ; l’enfant n’est bien ni dans les bras ni sur la table. Il hurle sans arrêt et ne peut ni boire ni dormir. L’attitude en opisthotonos est très marquée, permanente ; le RTAC est permanent et le tonus passif des membres est en forte flexion. La réalité d’un contrôle de la tête est discutable en raison de l’opisthotonos. On n’obtient pas de fixation-poursuite visuelle ; il n’y a pas de communication ni d’apaisement à la voix.
COMMENT CONCLURE CETTE PREMIÈRE CONSULTATION ?
OPINION PERSONNELLE DU LECTEUR SUR QUATRE QUESTIONS
1. Quels éléments considérez-vous comme essentiels à ce jour ?
2. Que peut-on dire à la famille aujourd’hui ?
3. Quelle prise en charge proposez-vous ?
4. Quelles investigations considérez-vous comme nécessaires ?
RÉPONSES PROPOSÉES
Interprétation proposée à la famille
La prématurité est la conséquence d’une contamination maternofoetale par le streptocoque B. L’ETF à l’âge de 6 semaines est préoccupante, en raison d’une zone cicatricielle périventriculaire. L’hyperexcitabilité et la posture en arc de cercle sont à interpréter comme des signes neurologiques. L’inquiétude des parents paraît donc justifiée ; cependant, le raccourcissement probable des trapèzes dû à la posture permanente en arc de cercle majore à son tour le tableau neurologique. On peut donc espérer une situation plus rassurante après un à deux mois de travail kinésithérapique, travail qui vient d’être mis en place.
Prise en charge indiquée
La prise en charge kinésithérapique va probablement améliorer le confort de vie. Il faudra renforcer cette prise en charge selon les observations qui seront faites régulièrement au cours des mois suivants. En raison des difficultés d’examen liées à l’hyperexcitabilité et de l’angoisse des parents, nous proposons de revoir l’enfant deux semaines plus tard.
Investigations demandées
Aucune pour l’instant, l’urgence est à la prise en charge.
SUIVI ET RÉSOLUTION DE PROBLÈME
ÉVOLUTION AU COURS DE LA PREMIÈRE ANNÉE
À l’âge de 4 mois AC, la situation est identique. L’hyperexcitabilité perturbe gravement la vie familiale. Pour cette raison, et à titre purement symptomatique, du phénobarbital à la dose de 5mg/kg/24h est prescrit.
À l’âge de 4 mois ½ AC, soit 2 semaines plus tard, l’effet du phénobarbital est nettement favorable ; l’enfant est plus calme et la famille plus reposée. La croissance céphalique ralentit. En effet, jusqu’à 2 mois ½ AC, le PC était resté sur le 75e percentile ; aujourd’hui 2 mois plus tard, le PC à 41,5cm se situe entre le 2e et le 9e percentile, avec bourrelets des sutures. L’examen neurologique est inchangé. La mimique faciale est très pauvre, mais on remarque des mouvements incessants de protrusion de la langue. Le contrôle de la tête n’est pas acquis. On observe un strabisme convergent bilatéral et la poursuite visuelle reste difficile à obtenir. Un examen ophtalmologique est demandé.
À l’âge de 6 mois AC, les signes de spasticité au niveau des membres inférieurs (MI) deviennent évidents: les mollets sont globuleux, durs. On n’observe aucun relâchement du tonus passif. Les réflexes ostéotendineux (ROT) sont très vifs et un stretch tonique est perçu à la dorsiflexion rapide des deux pieds. Une IRM cérébrale est demandée.