1: Sémantique pharmaceutique : Quelques définitions et propositions de corrections d’usages dévoyés

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Sémantique pharmaceutique


Quelques définitions et propositions de corrections d’usages dévoyés








Drogue

Drogue n’est pas synonyme de médicament ! Le terme drogue doit être réservé aux agents psychotropes (i.e. agissant sur le fonctionnement cérébral) générateurs d’une pharmacodépendance : les agents toxicomanogènes ; on dit encore générateurs d’addiction. Il s’agit de substances d’origine végétale (cocaïne, morphine, tétrahydrocannabinol, etc.) ou de synthèse (amphétamines, ecstasy, etc.), dont les premières consommations ont suscité une sensation de plaisir, incitant à leur réitération. Lors de ces usages itératifs, les effets aversifs se sont atténués tandis que les effets appétitifs se sont intensifiés ; le plaisir s’est alors mué en besoin, devenant de plus en plus exigeant, impérieux ; le sujet vit très mal psychiquement (dépendance psychique) et parfois en outre physiquement (dépendance physique) le fait d’être privé de cette substance.


La traduction anglaise du mot français « drogue » est « drug of abuse » ou « addictive drug ». La traduction française du mot anglais « drug » est « médicament » ou bien « agent pharmacologique » — si cette substance pharmacologiquement active ne satisfait pas (encore) aux critères qui conditionnent l’accès à la dignité de médicament.



Promédicament

Un promédicament est une substance qui ne développe pas intrinsèquement (sous sa forme native) les effets pharmacologiques attendus, et qui ne le fera qu’après sa transformation endogène (souvent opérée par le foie) qui génère le principe actif.


On prendra pour exemple le racécadotril (Tiorfan®). Après sa résorption intestinale, lors de la traversée hépatique, le groupement acétyle qui masque le groupement thiol (-SH) sera détaché, tout comme l’alcool benzylique qui estérifie le groupement carboxylique. Alors apparaîtra dans la circulation générale le thiorphan, incapable de franchir la barrière hématoencéphalique et, partant, d’accéder au cerveau ; ce thiorphan pourra inhiber une enzyme, la néprilysine, autrefois désignée « enképhalinase » ; ce faisant, il préservera les peptides opioïdes que sont les enképhalines d’une modalité importante de leur inactivation ; ces enképhalines pourront alors, plus intensément et plus durablement, stimuler les récepteurs opioïdes de type δ (delta), rétablissant alors le sens du courant hydroélectrolytique des entérocytes qui a été inversé par des toxines microbiennes à l’origine des diarrhées sécrétoires. Cette stratégie du promédicament est traduite en anglais par prodrug.


Des néophytes français, utilisant l’anglais de façon approximative, ont traduit le prodrug anglais par « prodrogue » en français. Il n’est qu’à peu près une circonstance où cette traduction déplorable serait pertinente ; elle concerne la codéine, que certains toxicomanes utilisent quand ils n’ont pas temporairement accès à leur chère héroïne. Cette codéine étant, au dixième environ de sa dose, convertie en morphine, elle se comporte alors dans cet usage toxicomaniaque comme une prodrogue puisqu’elle génère une drogue…

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May 9, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 1: Sémantique pharmaceutique : Quelques définitions et propositions de corrections d’usages dévoyés

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