1: Rappels et généralités

Chapitre 1


Rappels et généralités


Dans le premier livre de cette série, consacré au membre supérieur, nous avions développé un chapitre de généralités concernant les particularités de notre approche.


Pour les lecteurs qui n’auraient pas connaissance de cet ouvrage, nous allons résumer les points essentiels qui constituent la « nouveauté » de notre Approche manipulative. Pour de plus amples informations, nous les invitons à consulter les premiers chapitres de l’ouvrage Approche manipulative du membre supérieur.


Nous développons ensuite quelques considérations autour de l’approche systémique et de la biomécanique. Nous expliquons pourquoi un certain recul vis-à-vis d’une démarche biomécanique réductionniste nous paraît nécessaire, et comment notre pratique nous a amenés à envisager une biomécanique plus ancrée cliniquement en intégrant quelques aspects mécaniques et certains principes biologiques.


Dans le chapitre suivant, nous examinons le membre inférieur selon ses rôles dans la stabilité corporelle globale et ses adaptations à la verticalité ainsi qu’à la marche bipède.



Brefs rappels sur la nouvelle approche manipulative



Ni structurel, ni fonctionnel …


Ce livre présente à la fois une conception nouvelle et une gamme de possibilités d’actions sur une articulation qui permettent une approche différente du traitement articulaire manuel.


Loin des classiques oppositions entre techniques fonctionnelles et structurelles, nos techniques se basent sur la recherche d’efficacité dans une pratique libérale, soucieuse de ne pas sacrifier la sécurité du patient. Au départ, ces techniques sont ce que nous pourrions appeler des astuces de cabinet. Initialement, elles ont été majoritairement développées par l’aîné des deux auteurs. Nous les avons ensuite affinées tout au long de nos années de pratique, en fonction des cas rencontrés quotidiennement.


Une fois mises bout à bout, elles nous sont apparues comme un ensemble structuré auquel il manquait sans doute une certaine cohérence globale. Ce questionnement nous a conduits à nous interroger sur les fondements de la fonction articulaire et à remettre en cause certaines de nos idées reçues. Finalement, nous concevons nos manipulations autour de considérations biomécaniques « élargies », voisines d’une perspective plus proche de ce que l’on appelle l’approche systémique.


Cette manière de comprendre et de faire se révèle très utile dans les cas hyperalgiques ou complexes, en fait à chaque fois que les techniques classiques sont inopérantes, difficiles ou impossibles à mettre en œuvre.




Interactions dans le système


Selon notre perspective, la bonne santé d’une articulation est indissociable du bon fonctionnement de chacun de ces sous-systèmes et de leurs parfaites interactions et communications (figure 1.2). L’articulation peut finalement se concevoir comme un « organe complexe » dédié au mouvement. Sa fonction est une résultante qui nécessite coopération et communication de chacun de ses constituants.




Interactions en dehors du système


Considéré selon une perspective systémique, nécessairement plus globale, l’être humain est un ensemble de systèmes qui échangent entre eux et qui échangent avec l’environnement.


De ce fait, le système articulaire fait partie de cette « grande totalité » et interagit constamment avec d’autres parties et d’autres dimensions de l’individu. Il est assujetti au fonctionnement d’autres systèmes du corps comme les systèmes viscéral, vasculaire, nerveux et psychoémotionnel.


Par ailleurs, il se répare et s’adapte constamment aux variations de conditions externes et internes.


Il existe ainsi une très grande variété d’interactions, plus ou moins visibles, plus ou moins évidentes, mais qui conditionnent fortement le fonctionnement du système articulaire.



Approche systémique


Afin d’aider le lecteur à repenser les modes d’action possibles dans le domaine articulaire, il nous paraît intéressant de donner quelques bases et principes de l’approche systémique.


L’approche systémique se développe depuis le milieu des années 1970. Elle permet de s’intéresser à des ensembles organisés et de pondérer les effets réducteurs des démarches scientifiques dites analytiques. Parmi ses multiples applications, elle a changé la manière d’analyser le fonctionnement de très nombreuses organisations dans le domaine de la physique, du vivant ou de la société. La systémique est un mode de compréhension qui peut être vu tout à la fois comme un langage, un état d’esprit, voire une philosophie. Elle a des applications et des retombées concrètes dans de très nombreuses disciplines comme l’écologie, la biologie ou les sciences humaines.


Nous allons voir que cette démarche peut convenir particulièrement bien à l’approche ostéopathique en général et à l’approche des articulations en particulier.



Définitions


La démarche systémique s’appuie sur la notion de système. Un système peut se définir comme un ensemble d’éléments en interactions suffisamment fortes pour constituer un tout qui ne peut être décrit en considérant séparément ses éléments.


Pour De Rosnay (1975), « un système est un ensemble d’éléments en interaction dynamique, organisé en fonction d’un but ».


On distingue généralement :



Dans cette perspective, les organismes vivants, mais aussi leurs cellules et certains groupements d’organes peuvent être définis comme des systèmes ouverts, c’est-à-dire en interaction avec un environnement.



Principes


Pour Von Bertalanffy, un biologiste d’origine autrichienne qui fut l’un des pionniers de l’approche systémique, trois principes structurent le fonctionnement des systèmes ouverts, quelle que soit leur nature :



Ces trois principes font accéder le système à un état temporellement autonome, indépendant des conditions initiales et déterminé uniquement par les paramètres du système (Von Bertalanffy, 1973).



Principe de totalité : les interactions


Un système est un tout qui est plus que la somme des éléments qui le composent et qui n’est pas réductible à ceux-ci. On ne comprendra jamais le fonctionnement d’un système si l’on s’en tient à la seule déduction du fonctionnement de chaque élément qui le constitue. Si « le tout est plus que la somme de ses parties », c’est sous l’effet des interactions entre les éléments, à l’intérieur du système, et entre ces éléments et le contexte extérieur au système. De ce fait, on ne peut pas non plus prédire le comportement de l’ensemble par la seule connaissance détaillée de ses parties. À partir d’un certain niveau de complexité, de nouvelles propriétés peuvent apparaître dans un système. C’est ce qu’on appelle des propriétés émergentes. Les interventions systémiques situent toute difficulté spécifique dans un champ étendu au système et à son contexte, au lieu de focaliser l’attention et l’analyse sur un ou quelques élément(s).



Principe d’homéostasie : les régulations


Un système ouvert possède des mécanismes de régulation qui lui permettent de se maintenir dans un état stable en toutes circonstances, même lorsque son environnement change.


Ces régulations permanentes donnent la possibilité au système de survivre et de se maintenir. Les mécanismes de régulation fonctionnent par une action en retour vis-à-vis d’un facteur interne ou externe. Elles sont, la plupart du temps, implicites dans les systèmes articulaires que nous abordons.


Ces rétroactions sont de type positif ou négatif.



• La rétroaction négative annule l’action des facteurs internes ou externes pouvant modifier l’équilibre du système. Comme c’est sur elles que reposent l’équilibre et la stabilité du système, ces rétroactions sont dites stabilisatrices.


• La rétroaction positive accentue les effets des facteurs perturbateurs et tend à déstabiliser le système jusqu’à atteindre un nouveau point d’équilibre. Les effets de cette boucle sont cumulatifs ; à l’extrême, ils peuvent avoir un « effet boule de neige » et aboutir à une expansion indéfinie, génératrice d’explosion ou de blocage du système. C’est sur ces rétroactions que repose la dynamique du changement.


• La causalité circulaire est une notion qui dérive des notions de rétroaction. L’existence de rétroactions rend parfois difficile la distinction entre l’effet et la cause d’un phénomène au cœur d’un système. En fait, il s’agit alors d’une fausse question ! Il est préférable de considérer une telle boucle dans sa globalité dynamique. Si l’on souhaitait l’observer pour l’étudier, il serait préférable de ne pas l’ouvrir, ni la couper.




Nous voyons ainsi que la mise en œuvre d’une approche systémique en thérapeutique consiste à utiliser les capacités d’un système à s’autoréguler. Cela implique parfois d’activer les possibilités de transformation d’un système bloqué ou de couper certaines boucles de causalité circulaire. N’est-ce pas ce que nous nous efforçons de faire en ostéopathie ?



Principe d’équifinalité : l’adaptabilité


L’équifinalité est la capacité que possède un système d’atteindre ses objectifs à partir de différents états initiaux et par l’intermédiaire de différents scénarios. Un système est équifinal lorsqu’il peut réaliser ses objectifs à partir de différents points de départ et par différents moyens. Ce principe s’énonce comme suit : « Le même état final peut être atteint à partir d’états initiaux différents, par des itinéraires différents » (Von Bertalanffy, 1973). Ce n’est pas l’histoire du système qui permet d’en comprendre le fonctionnement, mais davantage l’architecture instantanée de ses interactions. En fonction de ce principe, c’est plus la compréhension des modes de fonctionnement ou de dysfonctionnement du système que la recherche des causes antérieures qui aide à la résolution d’un problème donné.

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Jun 13, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 1: Rappels et généralités

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