Chapitre 1 Moyens et objectifs de l’anatomie pathologique en médecine
Savoir préciser la place de l’anatomie pathologique dans la démarche médicale.
Connaître et savoir donner des exemples des différents types de prélèvements cytologiques.
Connaître et savoir donner des exemples des différents types de prélèvements tissulaires.
Connaître les différentes étapes techniques qui vont permettre l’analyse microscopique d’un prélèvement cellulaire.
Connaître les différentes étapes techniques qui vont permettre l’analyse microscopique d’un prélèvement tissulaire.
Connaître les principes de la fixation cellulaire/tissulaire.
Connaître les principes (apports et limites) d’un examen cytopathologique.
Connaître les principes (apports et limites) d’un examen extemporané.
Historique
Malgré des progrès isolés et significatifs depuis la Renaissance, la médecine restait au XVIIIe siècle en France ainsi que dans de nombreux autres pays européens, tributaire de croyances périmées et de systèmes sociaux peu propices au progrès des connaissances médicales. La médecine, jadis réservée aux clercs, continuait à être enseignée à l’université alors que la chirurgie en avait été écartée pendant des siècles par une faculté de médecine intransigeante.
En 1799, publication du Traité des membranes par Bichat.
Ce traité qui constitua l’ouvrage fondamental de l’anatomopathologie initia une nouvelle façon de voir l’anatomie. En effet, à côté d’une vision montrant des organes voisins les uns des autres, il proposait une conception de l’homme constitué d’enveloppes successives autour des différents organes. Ce modèle se révéla étonnamment utile et permit de prédire de façon satisfaisante l’évolution d’un certain nombre de maladies, telles que des pathologies couramment observées à l’époque, comme la tuberculose. On observait alors très fréquemment des lésions des séreuses pleurales, péritonéales et péricardiques.
En 1819, publication du Traité de l’auscultation médiate par Laennec.
Il s’agissait d’une auscultation au moyen d’un cylindre, précurseur du stéthoscope.
Ces nouvelles méthodes donnèrent des résultats objectifs et fiables pour l’examen des organes internes. Cet ouvrage consacré en principe à la présentation et à la promotion de ce nouvel outil diagnostique comportait une partie très importante dédiée à l’examen post-mortem et à la pathologie macroscopique des tissus. Le lien entre l’auscultation et la percussion d’une part et les autopsies d’autre part était très étroit. En effet, ces nouvelles méthodes d’examen ne trouvaient leur valeur que dans une corrélation étroite avec les autopsies. Tout ceci aboutit vers les années 1830 à la constitution d’un ensemble de connaissances qui se trouva alors brutalement confronté à un nouvel instrument : le microscope. L’histoire de l’anatomie pathologique est exposée au musée Dupuytren (Paris).
Place de l’anatomie pathologique en médecine
Démarche diagnostique
L’anatomie pathologique (ou pathologie) est une discipline médicale qui étudie les lésions provoquées par les maladies, ou associées à celles-ci, sur les organes, tissus ou cellules, en utilisant des techniques principalement fondées sur la morphologie macroscopique et microscopique.
Les lésions sont des altérations morphologiques des organes, décelables par tout moyen d’observation. Celles-ci sont des signes de maladies, au même titre que les symptômes cliniques. Elles peuvent être le résultat de l’agression qui a déclenché la maladie, ou celui des réactions apparues au cours du déroulement du processus morbide. La lésion élémentaire correspond à l’altération morphologique d’une structure analysée isolément. L’association de différentes lésions élémentaires constitue un ensemble lésionnel.
Il n’y a pas forcément de corrélation étroite entre l’importance d’une lésion et son expression clinique ou biologique. Les causes des lésions sont variées : anomalies génétiques constitutionnelles ou acquises, agents infectieux (bactéries, virus, parasites, champignons, prions), agents chimiques (toxiques, caustiques, médicaments), agents physiques (agression thermique, radiations, modifications de pression atmosphérique, traumatismes), déséquilibres circulatoires, nutritionnels ou hormonaux, troubles immunitaires innés ou acquis et sénescence.
La démarche de l’anatomie pathologique est fondée sur une analyse sémiologique qui compare les tissus normaux et les tissus pathologiques. Les lésions sont confrontées aux données cliniques, biologiques et d’imagerie : c’est la corrélation anatomoclinique qui est indispensable pour permettre une interprétation synthétique qui aboutit à un diagnostic (certain, probable ou incertain).
Buts de l’anatomie pathologique dans la pratique médicale
Le rôle de l’anatomocytopathologie est de contribuer à :
• élaborer le diagnostic par la démarche anatomoclinique : les lésions sont analysées et décrites dans un compte-rendu, puis l’anatomopathologiste doit intégrer l’ensemble des faits morphologiques et des renseignements cliniques pour, en conclusion du compte-rendu, affirmer un diagnostic ou proposer une hypothèse diagnostique ;
• préciser le pronostic en apportant des éléments utiles, en particulier dans le domaine de la pathologie tumorale ;
• évaluer l’effet des thérapeutiques : les examens anatomocytopathologiques sont renouvelés au cours d’un traitement afin de juger de la disparition, de la persistance ou de l’aggravation des lésions.
Différents types de prélèvements
Prélèvements cytologiques
Les cellules isolées, ou les petits amas cellulaires, peuvent être obtenus de diverses façons :
• recueil des liquides spontanément émis (urine, expectoration, fistule, drain) ;
• raclage, brossage, écouvillonnage, aspiration de cellules desquamant spontanément (col utérin, bulle cutanéo-muqueuse, bronches, voies biliaires, aspiration après lavage bronchoalvéolaire) ;
• ponction à l’aiguille d’un liquide (épanchement de séreuse ou articulaire, liquide céphalo-rachidien, kyste, collection) avec ou sans contrôle écho-ou scannographique ;
• ponction à l’aiguille d’un organe ou d’une tumeur (ganglion, nodule thyroïdien ou mammaire) avec ou sans contrôle échographique ou scannographique ;
• apposition d’un tissu (pièce opératoire, biopsie) sur une lame.
Prélèvements tissulaires
Ils sont effectués selon trois modalités : la biopsie, les pièces opératoires et l’autopsie.
Biopsie
La biopsie consiste à prélever un fragment de tissu sur un être vivant en vue d’un examen anatomopathologique. Par extension, ce terme peut désigner le fragment tissulaire.
La biopsie peut être effectuée selon plusieurs modalités :
• par ponction à l’aide d’une aiguille coupante ou d’un trocart (foie, rein, os, etc.) : on obtient des cylindres de tissu de quelques millimètres à quelques centimètres de long (figure 1.1). Les ponctions sont effectuées « à l’aveugle » lorsque l’ensemble de l’organe est malade, ou sous repérage (échographie, scanner) lorsque la ponction doit être dirigée sur une lésion focale visible en imagerie ;
• par biopsie chirurgicale après anesthésie locale ou générale et sous contrôle de la vue : biopsie partielle, ou biopsie exérèse enlevant la totalité de la lésion ;
• au cours d’une endoscopie (pince montée sur l’endoscope) : fragments de 0,5 mm à 2 mm (figure 1.2).

Figure 1.1 Carotte de ponction-biopsie hépatique. À gauche, vue macroscopique de la lame : deux carottes de 1 cm. À droite, vue microscopique d’une carotte colorée (* 50).

Figure 1.2 Biopsie de muqueuse colique prélevée à la pince lors d’une endoscopie. À gauche, vue macroscopique de la lame : elle présente 3 biopsies de 1 à 2 mm de diamètre, sur quatre coupes. À droite, vue microscopique d’une biopsie colorée (* 50).
La valeur des biopsies repose sur :
1. leur taille (ex : pour la recherche d’une artérite de Horton où les lésions sont segmentaires, une biopsie d’artère temporale représentative doit mesurer au moins 1,5 cm) ;
2. leur nombre : plus elles sont nombreuses, plus on a de chance de trouver du tissu tumoral, de rendre compte de l’hétérogénéité d’une tumeur et d’observer une lésion focale, mais importante pour le diagnostic ;
3. le choix de la zone biopsiée : éviter les zones nécrotiques ou hémorragiques ; sur la peau ou une muqueuse, éviter les prélèvements trop superficiels ; biopsier le ganglion ayant fait l’objet d’une ponction cytologique motivant la biopsie ;
4. la bonne préservation des tissus : ne pas étirer ou écraser les fragments, éviter le bistouri électrique « grillant » les tissus ;
5. le repérage topographique de biopsies multiples (flacons différents répertoriés).
Pièces opératoires
Les pièces opératoires : exérèse partielle ou complète d’un ou de plusieurs organes, séparés ou en monobloc (figure 1.3).
Autopsie
L’autopsie (ou nécropsie) correspond à un examen anatomopathologique pratiqué sur un cadavre.
Les autopsies médico-légales sont pratiquées sur ordre de la justice (réquisition du procureur, ou ordonnance d’un juge d’instruction) dans tous les cas de mort suspecte, notamment lorsqu’il n’y a pas eu de délivrance de permis d’inhumer.
Les autopsies à but scientifique sont pratiqu jour à l’hôpital, éventuellement à la demande d’un médecin traitant pour un patient décédé à son domicile.
N.B. : les autopsies médicales sont distinctes des dissections anatomiques pratiquées dans les laboratoires d’anatomie des facultés de médecine. Celles-ci sont pratiquées dans le cadre de l’enseignement de l’anatomie et pour la recherche, sur des cadavres qui sont des « dons de corps à la science ».
Techniques d’étude morphologique des prélèvements cellulaires et tissulaires
La qualité des prélèvements conditionne la qualité de l’étude anatomopathologique. Le médecin préleveur et prescripteur a une responsabilité dans l’acte anatomopathologique en s’assurant de la bonne réalisation technique du prélèvement et de son acheminement dans de bonnes conditions au laboratoire (dans des délais brefs, en respectant les règles de fixation, accompagné d’une demande d’examen correctement renseignée).
Enregistrement
Lorsqu’un prélèvement parvient au laboratoire, il est enregistré et reçoit un numéro d’identification unique. Celui-ci sera retranscrit sur les blocs et les lames, qui seront examinées au microscope après le traitement technique du prélèvement. Chaque prélèvement doit être accompagné d’une fiche de renseignements remplie par le médecin prescripteur qui doit mentionner :
1. l’identité du patient : nom, prénom(s), date de naissance, sexe ;
2. le siège, la date (jour et heure) et la nature du prélèvement (biopsie ou exérèse) ;
3. les circonstances cliniques et paracliniques qui ont motivé le prélèvement et éventuellement les hypothèses diagnostiques ;
4. l’aspect macroscopique ou endoscopique des lésions (un compte-rendu opératoire peut être utilement joint), éventuellement l’aspect d’imagerie, en particulier pour les tumeurs osseuses ;
5. les antécédents pathologiques du patient, en particulier, dans la mesure du possible, les antécédents d’examens anatomopathologiques effectués dans un autre laboratoire et la nature des traitements éventuellement administrés au malade ;
6. les nom et coordonnées du médecin prescripteur et du préleveur, et éventuellement ceux des autres médecins correspondants.
Techniques d’étude des cellules
Étalement des cellules sur des lames de verre
L’étalement est fait par le préleveur lors des cytoponctions d’organes, des frottis, écouvillonnage, brossages ou appositions. Ce geste simple doit être bien maîtrisé pour éviter un écrasement des cellules, ou des amas, en plusieurs couches peu interprétables (figure 1.4).
Cytocentrifugation sur lame de verre
Le liquide (naturel, ou d’épanchement, ou de lavage) est acheminé au laboratoire où il est centrifugé directement sur une lame de verre, sous forme de pastille (figure 1.5).
Fixation des étalements
Elle se fait soit par simple séchage à l’air pour la coloration de May-Grünwald-Giemsa (figure 1.6), soit par immersion dans l’alcool-éther, ou par application d’un aérosol de laque fixante pour les colorations de Harris-Schorr, ou de Papanicolaou (frottis cervico-utérins notamment [figure 1.7]).

Figure 1.6 Produit de cytoponction d’un ganglion lymphatique de lymphome de Hodgkin ; étalement coloré au May-Grünwald-Giemsa.
Afin d’éviter l’altération des cellules par autolyse, la fixation, la cytocentrifugation et la coloration doivent être effectuées rapidement après l’obtention du prélèvement :
• fixation des frottis cervico-utérins par le médecin préleveur ;
• acheminement rapide d’un liquide à l’état frais au laboratoire ;
• et coloration au MGG sans délai excessif de lames séchées à l’air.
En cas de besoin (par exemple, recueil d’un liquide en dehors des heures d’ouverture d’un laboratoire) un liquide peut être provisoirement stocké dans un réfrigérateur à + 4 °C.
Étalement des cellules en monocouche
Cette technique moins répandue consiste à recueillir les cellules par ponction (séreuse, organe plein…), ou par frottis (col utérin) et à les transmettre au laboratoire dans un liquide conservateur. Les cellules présentes dans le flacon du fixateur sont ensuite remises en suspension et éventuellement soumises à une dispersion par gradient de densité. Ensuite on effectue un processus de concentration (par filtration et/ou centrifugation). Enfin, les cellules sont transférées en couche mince sur une lame et sur une pastille de taille déterminée.
L’analyse d’un liquide peut également se faire après fixation et inclusion en paraffine d’un culot de centrifugation, qui est alors effectué de la même façon qu’un prélèvement tissulaire.
La technique de prise en charge d’un prélèvement cytologique étant rapide (environ une heure), un résultat urgent peut être donné au médecin prescripteur de l’examen le jour même du prélèvement. Des colorations spéciales et des réactions immunocytochimiques peuvent également être effectuées, à condition de disposer du nombre de lames nécessaires (d’où l’importance des renseignements cliniques fournis à la réception du prélèvement).
Un examen cytopathologique fournit des renseignements souvent partiels, voire sans certitude. Par exemple, les anomalies cytoplasmiques et nucléaires observées dans des cellules cancéreuses, peuvent être difficiles à distinguer de modifications cellulaires induites par des phénomènes inflammatoires ou régénératifs. En outre, lors de l’étude de cellules isolées, des critères importants du diagnostic d’un cancer tels que l’architecture du tissu néoplasique et ses relations avec le tissu sain ne sont pas analysables. L’examen cytopathologique est le plus souvent un examen de dépistage ou d’orientation diagnostique. Un contrôle par biopsie peut être nécessaire avant toute thérapeutique.
Techniques d’étude des tissus
La technique de base comporte plusieurs étapes : la fixation, l’inclusion en paraffine, la confection de coupes et leur coloration. Avant la fixation, il est possible d’effectuer sur le tissu frais des appositions sur lames pour une étude cytopathologique, et des prélèvements pour des techniques particulières :
• la fixation adaptée à la microscopie électronique ;
• la mise en culture pour étude cytogénétique, ou en suspension cellulaire pour étude par cytométrie en flux.
En ce qui concerne les pièces opératoires, une étape d’analyse macroscopique est indispensable, avant (idéalement) ou après la fixation de la pièce.
Étude macroscopique
L’examen macroscopique détaillé est une partie essentielle de l’étude d’une pièce opératoire : la pièce est examinée, mesurée, pesée, palpée puis disséquée (figure 1.8). Chaque lésion est repérée sur un schéma et éventuellement photographiée. Ces constatations sont confrontées aux documents cliniques et/ou radiologiques, ce qui souligne l’importance des renseignements écrits fournis par le médecin clinicien. En cas de pièces opératoires complexes (exérèse monobloc de plusieurs organes, ou pièce de résection selon une méthode non conventionnelle), le chirurgien devra adresser la pièce avec des indications de repérage topographique. Il peut être utile de marquer les berges d’une pièce de résection de tumeur avec une encre indélébile : ceci ne nuit pas à l’étude histologique et permet d’apprécier exactement la distance entre la tumeur et la limite chirurgicale de la pièce (figure 1.9).

Figure 1.8 Examen macroscopique d’une pièce opératoire : mesure et dissection d’une pièce d’œsogastrectomie fixée dans le formol puis sélection des prélèvements destinés à l’étude microscopique.

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