1 L’ECG des patients en bonne santé
En ce qui concerne les objectifs de ce chapitre, nous supposerons que le patient chez qui l’ECG a été enregistré est asymptomatique, et que l’examen physique n’a révélé aucune anomalie. Il nous faut prendre en considération la fourchette de normalité de l’ECG, mais bien entendu, nous ne pouvons éviter le fait que toutes les affections ne provoquent pas nécessairement des symptômes ou des signes anormaux, et qu’un sujet qui semble en bonne santé peut ne pas l’être en réalité et peut par conséquent présenter un ECG anormal. En particulier, les individus qui se présentent pour un « bilan » peuvent fort bien accuser des symptômes pour lesquels ils n’ont pas consulté de médecin, c’est pourquoi on ne peut affirmer qu’un ECG obtenu à partir d’un bilan de santé provient d’un sujet réellement en bonne santé.
LE RYTHME CARDIAQUE NORMAL
Le rythme sinusal est le seul rythme normal soutenu. Chez les sujets jeunes, l’espace R-R est réduit (avec pour corollaire une accélération de la fréquence cardiaque) durant l’inspiration, ce phénomène prenant le nom d’« arythmie sinusale » (figure 1.1). Quand l’arythmie sinusale est prononcée, elle peut simuler une arythmie auriculaire. Cependant, dans l’arythmie sinusale, chaque complexe PQRST est normal, et c’est seulement l’intervalle qui les sépare qui change.
LA FRÉQUENCE CARDIAQUE
TACHYCARDIE SINUSALE
L’ECG de la figure 1.2 a été enregistré chez une jeune femme qui se plaignait de l’accélération de son rythme cardiaque. Elle ne présentait pas d’autres symptômes en dehors de l’anxiété. Il n’existait pas d’autres anomalies à l’examen et sa numération globulaire ainsi que sa fonction thyroïdienne étaient normales. L’encadré 1.1 montre les causes possibles d’accélération du rythme sinusal.
BRADYCARDIE SINUSALE
L’ECG de la figure 1.3 a été enregistré chez un jeune footballeur professionnel. Sa fréquence cardiaque était de 44/min, et à un certain moment, la fréquence sinusale est devenue si basse qu’un échappement jonctionnel est survenu.
Les causes possibles de rythme sinusal à fréquence cardiaque basse sont énumérées dans l’encadré 1.2.
LES EXTRASYSTOLES
Les extrasystoles ventriculaires, qu’elles soient auriculaires ou jonctionnelles (provenant du nœud auriculoventriculaire [AV]), surviennent habituellement chez les sujets normaux et sont sans signification (figure 1.4). Les extrasystoles auriculaires ont une onde P anormale ; quant aux extrasystoles jonctionnelles, soit leur onde P est absente, soit l’onde P fait suite au complexe QRS.
Les extrasystoles ventriculaires sont aussi observées fréquemment sur des tracés normaux (figure 1.5).
L’ONDE P
Lorsque le rythme est sinusal, l’onde P est normalement positive dans toutes les dérivations excepté en VR. Lorsque le complexe QRS est à prédominance négative en VL, l’onde P peut également être inversée (figure 1.6).
Chez les patients porteurs d’une dextrocardie, l’onde P est inversée en Dj (figure 1.7). En pratique, ceci s’observe souvent lorsque les dérivations des membres n’ont pas été correctement fixées, mais la dextrocardie peut être identifiée si les dérivations V5 et V6, qui normalement « regardent » le ventricule gauche, montrent un complexe QRS orienté vers le bas de manière prédominante.
Si l’ECG d’un patient porteur de dextrocardie est enregistré en inversant les dérivations des membres, et si les dérivations thoraciques sont placées sur l’hémithorax droit à la place de l’hémithorax gauche, aux places correspondantes, l’ECG reprendra alors l’aspect de celui d’un sujet normal (figure 1.8).
L’ESPACE PR
Lors d’un rythme sinusal, l’espace PR est constant et la fourchette normale se situe entre 120 et 200 ms (3 à 5 petits carreaux du papier ECG) [figure 1.9].
Un espace PR inférieur à 120 ms évoque une préexcitation, et un espace PR supérieur à 200 ms est dû à un bloc auriculoventriculaire (BAV) du premier degré. Ces deux « anomalies » peuvent se rencontrer chez un sujet normal, et seront évoquées au chapitre 2.
LE COMPLEXE QRS
L’AXE CARDIAQUE
Il existe une assez large fourchette de normalité en ce qui concerne la direction de l’axe électrique du cœur. Chez la plupart des individus, le complexe QRS est plus ample en DII, mais, dans les dérivations DI et DIII, le complexe QRS est également positif dans la majorité des cas (en d’autres termes, l’onde R est d’amplitude supérieure à l’onde S) [figure 1.10].
L’axe cardiaque est encore parfaitement normal lorsque l’onde R et l’onde S sont d’égale amplitude en DI : cet aspect est habituel chez les sujets de petite taille (figure 1.11).
Lorsque l’onde S est plus ample que l’onde R en DI, l’axe est dévié vers la droite. Toutefois, cet aspect est très fréquent chez des sujets parfaitement normaux. L’ECG de la figure 1.12 a été enregistré chez un footballeur professionnel.
Il est fréquent que l’onde S soit plus ample que l’onde R en DIII, et l’axe cardiaque peut encore être considérée comme normal si l’onde S est d’amplitude identique à l’onde R en DII. Ces aspects sont habituels chez les sujets obèses ainsi qu’au cours de la grossesse (figure 1.13).
Lorsque la profondeur de l’onde S excède la hauteur de l’onde R en DII, il y a déviation axiale gauche (voir la figure 2.26).
LA DIMENSION DES ONDES R ET S DANS LES DÉRIVATIONS PRÉCORDIALES
En V1, on doit observer une petite onde R et une onde S profonde, et la balance entre les deux doit évoluer progressivement lorsque l’on se dirige de V1 à V6. En V6, on doit trouver une grande onde R et l’onde S doit être absente (figure 1.14).
Typiquement, la « zone de transition », lorsque R et S sont d’amplitude identique, s’observe en V3 ou V4, mais il existe en réalité un assez grand nombre de variantes. La figure 1.15 montre un tracé sur lequel la transition se trouve entre V3 et V4.
La figure 1.16 montre un tracé ECG comportant une zone de transition située entre V4 et V5.
La figure 1.17 montre un tracé ECG comportant une zone de transition située entre V2 et V3.
La zone de transition se situe typiquement en V5 ou même V6 chez les patients qui sont atteints d’une affection respiratoire chronique (voir le chapitre 4), et cet aspect prend le nom de « rotation horaire ». Dans les cas extrêmes, l’électrode précordiale doit être placée sur la ligne axillaire postérieure, voire plus en arrière (dérivations V7-V9) avant que ne survienne la transition. Un aspect ECG identique peut s’observer chez les patients ayant une morphologie thoracique anormale, en particulier lorsqu’une dépression du sternum déplace le médiastin vers la gauche, quoique, dans ce cas, le terme « rotation horaire » ne soit pas utilisé. Le patient chez qui le tracé ECG de la figure 1.18 a été enregistré était porteur d’une déformation du médiastin.