Chapitre 1. La crise d’agitation, la déambulation et les fugues, le refus de soins
1. La crise d’agitation
La crise se définit par un changement brutal et aigu dans l’évolution d’une pathologie.
L’agitation correspond à un trouble du comportement psychomoteur, caractérisé par une hyperactivité motrice associée à une perte de contrôle des actes, de la parole et de la pensée.
A. L’agitation
L’agitation est parfois une manifestation précoce d’un processus démentiel débutant, en lien avec une anxiété massive du fait de la prise de conscience des troubles.
L’agitation peut également émailler l’évolution d’une démence.
Cette agitation peut être verbale ou motrice, agressive ou non.
La crise d’agitation ne doit jamais être banalisée et nécessite toujours une évaluation médicale.
Certes, le patient dément est exposé au risque de vivre une crise d’agitation due à sa pathologie cognitive, mais il faut avant tout s’assurer qu’il n’existe pas une cause curable à cette agitation brutale.
• Ne jamais banaliser l’agitation du malade.
• Bien l’observer et se rappeler des changements infimes constatés récemment dans son comportement.
• Toujours penser à la douleur.
• Le patient a-t-il eu des selles, des urines régulièrement ?
B. Les causes
Il existe des causes « médicales » qui seront recherchées par le médecin et des causes environnementales et relationnelles (à l’ASG de les rechercher avec la famille) :
• changement de lieu de vie (exemple : les vacances dans la maison de campagne, la soirée chez des vieux amis, l’entrée en institution…) ;
• changement de l’organisation des repères au domicile : nouvel aménagement intérieur, pièces fermées à clés pour éviter les intrusions du patient) ;
• changement des personnes s’occupant de la personne malade ;
• départ des enfants en vacances, hospitalisation de l’aidant principal ;
• décès d’un proche non annoncé, caché à la personne malade…
C. La conduite à tenir
Trépied de prise en soins d’une crise d’agitation :
• approche relationnelle du patient agité ;O
• médicamenteuse ;
• contention physique.
D. L’approche relationnelle du patient agité
Cette approche vise à assurer une écoute et à rétablir le contact et le dialogue.
Cette action s’exerce dans le calme, sans précipitation ni hésitation, afin de permettre ensuite les investigations médicales et d’engager les soins éventuels.
Il est nécessaire de limiter le nombre de personnes auprès du patient, car cela majore son anxiété et son agitation.
Parler d’une voix calme, face au patient, écouter.
Rassurer sans porter de jugement, dédramatiser la situation, donner du sens à ce qui n’en a plus pour le patient.
Certaines « diversions » permettent parfois de rentrer en relation en proposant un jus de fruit ou un gâteau, assis, au calme, dans la chambre du patient.
Souvent, ces démarches, à elles seules, créent l’apaisement émotionnel du patient.
Ces méthodes simples ont toutefois leurs limites, surtout lors des états d’agitation incoercibles et dangereux où la sédation par un traitement médicamenteux adapté est le premier geste à réaliser.
E. La prise en charge médicamenteuse
Lors des états d’agitation non gérables par une approche relationnelle simple, avec dangero- sité pour le patient lui-même, les autres patients et les soignants, le médecin peut prescrire un traitement à visée sédative, afin de diminuer l’inconfort du patient. C’est une situation rare.
Ces traitements ne sont jamais anodins en termes d’effets secondaires délétères pour le patient et leur prescription est toujours réfléchie en termes de bénéfices/risques.
Enfin, il ne faut pas oublier que le traitement le plus efficace d’une crise d’agitation sera celui de la cause, quand celle-ci est identifiée.
F. La contention physique
La contention physique est en général à éviter. Lors d’une agitation très intense, de la nécessité d’un transport, d’un effet retardé de la thérapeutique médicamenteuse entreprise, seul le médecin peut décider de prescrire une contention.
L’ASG doit :
• savoir écouter, de façon calme et rassurante ;
• amener le patient dans un lieu plus calme et rassurant ;
• ne pas favoriser les attroupements autour du patient ;
• rétablir si possible un contact avec le patient ;
• utiliser des techniques de « diversions » telles que la prise de boisson, l’alimentation, la promenade, en fonction de la connaissance antérieure du patient et de ses goûts ;
• demander à un collègue de prévenir l’infirmière ou le médecin ;
• repérer et signaler, avant les situations aiguës, une absence de selles, des urines malodorantes, des douleurs lors de la toilette ou des changes…
Points clés de la crise d’agitation :
• approche relationnelle en premier ;
• toujours penser à la cause curable, organique ;
• traitement primordial de la cause ;
• médicaments et contention uniquement sur prescription médicale ;
• importance d’analyser le contexte de survenue de cette crise ;
• repérer les facteurs déclenchants.
2. La déambulation
Elle se définit comme un besoin prolongé et répété de marcher, avec ou sans but, parfois selon un mode compulsif. Elle peut conduire le sujet à se perdre ou à sortir des établissements de soins (ou du domicile) de façon inopinée, ce qui est communément appelé « faire une fugue ».
M. G., âgé de 62 ans, ancien marathonien, a pris sa retraite il y a deux ans. Il comptait voyager avec son épouse. Quelque temps plus tard, il est hospitalisé en unité cognitivo-comportementale, pour prise en soin d’une démence fronto-temporale. Son épouse ne parvient plus à s’occuper de lui à domicile. En effet, M. G a un besoin constant, non contrôlable de marcher, à grande vitesse, il a besoin de beaucoup d’espace de déambulation. Il marche donc sans discontinuer, à vive allure dans les larges couloirs de l’hôpital. Avant son arrivée, il avait escaladé les grilles de l’enceinte de sa copropriété et s’était fait de grandes plaies profondes aux jambes.
Les médecins mettent en place des médicaments pour limiter son impulsivité et son manque de contrôle. Par ailleurs, ils prescrivent, après avoir expliqué le sens de leur démarche à l’épouse de M. G., une contention au fauteuil, plusieurs fois par jour, en aménageant des plages de déambulation libre sous contrôle des soignants et des rééducateurs (psycho- motricien et ergothérapeute). Progressivement, la contention est totalement enlevée et le patient déambule alors à son gré.
À ce jour, une aide à domicile vient une fois par jour faire un tour avec M. G. qui est revenu à son domicile.
A. La fréquence
La fréquence diffère selon le lieu de l’étude : environ 12 % au domicile à 21 % en institution et augmente avec l’évolution de la maladie.
B. Les acteurs favorisants la déambulation
• Sexe masculin.
• Troubles du sommeil.
• Vie antérieure active.
C. Les causes de la déambulation
Le plus souvent, la déambulation est primaire, c’est-à-dire uniquement liée à la démence et à sa gravité. Les deux démences les plus en cause sont la maladie d’Alzheimer et la démence fronto-temporale.
Toutefois, si la déambulation intervient de façon inhabituelle, elle peut être alors l’expression d’une autre cause qu’il convient de rechercher :
• lutte contre l’ennui, notamment en institution ;
• trouble secondaire à la désorientation spatiale du malade ;
• lutte contre l’anxiété ;
• expression de comportements automatiques antérieurs, tels que d’aller chercher les enfants à l’école… ;
• activité motrice dite finalisée, qui nous échappe : déplacement à la recherche de quelque chose (la sortie), de quelqu’un (leur mère bien souvent) ; ces déambulations sont souvent chargées d’angoisse.