1: Fonction d’une variable réelle : y=f(x)

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Fonction d’une variable réelle : y=f(x)



Le but de ce chapitre est de donner les outils qui permettent de construire des modèles mathématiques explicatifs et prédictifs de situations issues des sciences médicales, pharmaceutiques ou biologiques.


Ces modèles aboutiront à des fonctions réelles d’une variable réelle ; ces fonctions, notées image, ont déjà été bien étudiées au lycée.


Nous en rappellerons les propriétés de base (domaine de définition D, comportement aux bornes de D, parité, périodicité, continuité, dérivée première et seconde, recherche d’extrema et de points d’inflexion, tableau synthétique de variation, graphe). Puis nous introduirons la notion de différentielle de fonction, nous donnerons les règles de calcul des opérations sur les différentielles et des différentielles de fonctions composées. Nous présenterons enfin les dérivées et différentielles logarithmiques.


Nous définirons les fonctions réciproques associées aux fonctions bijectives et nous appliquerons ces fonctions aux fonctions exponentielles et logarithmiques. Nous terminerons par les approximations affines et les développements limités utilisés en calcul numérique.



I Exemple pharmaceutique


Nous allons présenter le modèle de l’évolution de la concentration plasmatique C(t) d’un médicament en fonction du temps (t) ; ici, C(t) et (t) prennent des valeurs positives ou nulles.


Nous travaillerons avec le modèle suivant :



• la concentration en produit est homogène dans le sang ; l’expérience permet de suivre les variations de cette concentration plasmatique ;


• après injection unique par voie intraveineuse, l’arrivée du médicament dans le sang est quasi immédiate. L’évolution de la concentration du médicament dans le sang est donc liée à l’élimination du médicament seulement. On définit la vitesse d’élimination par le quotient de la variation de concentration sur la variation du temps ; nous verrons dans ce chapitre que ce quotient exprime la dérivée C′(t). L’expérience montre que la vitesse d’élimination est souvent proportionnelle à la concentration. Si on appelle k constante positive, ce coefficient de proportionnalité alors on peut écrire image.


    Nous apprendrons dans le chapitre 3 à trouver l’expression de C(t) qui satisfait cette équation, mais on peut intuitivement proposer image puisqu’on vérifie que image


• après un prise orale, la concentration du médicament dans le sang dépend de deux mécanismes : d’une part, une élimination vers les tissus ou les organes d’excrétion, représentée, comme pour la voie intraveineuse, par une exponentielle image avec s constante de vitesse de cette phase de sortie ; d’autre part, une absorption d’origine intestinale, représentée là encore par une exponentielle image avec n constante de vitesse de cette phase d’absorption. Ces deux mécanismes d’entrée-sortie ont lieu simultanément, et ils sont opposés ; la concentration sanguine, à chaque instant t sera proportionnelle à la différence de ces deux exponentielles. Soit A le coefficient de proportionnalité, alors on peut écrire image.



On peut montrer que image où D est la dose de médicament absorbée. L’expression qui modélisera C(t) devra conduire à des valeurs positives, or son signe dépend du signe :



On peut vérifier aisément que l’expression suivante image conduira dans tous les cas à des valeurs de C(t) ≥ 0.


Le premier cas, avec n > s, est le plus fréquent, et c’est celui que nous traiterons comme exemple dans la suite de ce chapitre.


Nous présentons dans le tableau suivant les valeurs de C(t) pour n > s avec :


A = 10 mg/L, s = 1 h−1 et n = 4 h−1.



On voit que la concentration C(t) augmente rapidement (phase 1), passe par un maximum, puis décroît lentement (phase 2). On voit que la décroissance exponentielle liée à l’absorption est beaucoup plus rapide que celle liée à l’élimination, et que la concentration maximale est atteinte aux environs de 0,5 heure. À partir de ce maximum le phénomène d’absorption devient minoritaire.


C’est par l’étude des dérivées de C(t) qu’on pourra expliquer ces comportements.



Cette courbe est un modèle pour décrire, après une prise orale, les deux processus opposés d’absorption et d’élimination du médicament.


C’est sur la base de modèles similaires, quoique plus complexes, qu’on pourra comprendre le devenir du médicament dans l’organisme et en déterminer les conditions d’administration pour obtenir les effets thérapeutiques.


Lorsqu’on réalise une expérience de mesures de concentration plasmatique de médicament, celles-ci ne suivront pas exactement cette courbe théorique. Dans la figure 1.3, les données expérimentales (×) sont légèrement différentes, modifiées par l’erreur expérimentale et le caractère simplificateur du modèle.



Afin d’aller plus loin dans l’étude de cet exemple, nous allons rappeler les propriétés de bases des fonctions réelles que nous appliquerons à la fonction C(t).



II Propriétés de base des fonctions réelles


Compte tenu des applications à la biologie qui nous intéressent, nous n’étudierons que les fonctions de variables réelles à valeurs réelles.





A Comportement aux bornes du domaine de définition D




On doit rechercher les valeurs limites de image aux bornes de D. Les recherches des asymptotes, les règles opératoires concernant les limites de sommes, de produits, ou de quotients dont on connaît les limites finies ou infinies, ne seront pas détaillées ici.




Lorsqu’on obtient une forme indéterminée, comme image, l’application de la règle de l’Hospital permet de lever l’indétermination : en effet, on montre que dans ce cas image.


Nous verrons par la suite les développements limités qui permettent aussi de lever des indéterminations.





D Continuité


La fonction est continue en x0 si « sur le graphe, il n’y a pas de saut en x0», ou encore f(x) est continue sur une partie de D si et seulement si, pour toute valeur x0 de cette partie de D, on a image.


La fonction est discontinue en x0 si « sur le graphe, il y a un saut en x0», ou encore f(x) est discontinue en un point x0 appartenant à D si et seulement si, pour cette valeur x0 de D, on a image.


Il peut arriver qu’on observe des propriétés de continuité différentes selon qu’on tend vers x0 par valeurs supérieures à x0 (notées x0+) ou inférieures à x0 (notées x0). On parlera de fonctions discontinues à gauche en x0 et continues à droite en x0 si la image, alors que la image.


Soit, par exemple, une fonction f(x) calculée sur une série de valeurs : x1, x2, … En chaque valeur xi elle croît d’une valeur positive pi, elle y gravit donc une marche de hauteur pi. Pour xi ≤ x < xi + 1, la fonction conserve sa valeur pi. Aux valeurs xi de la série, on voit que la image et la image, ces deux limites sont donc différentes. Cette fonction est discontinue à gauche et continue à droite car la valeur f(xi) est atteinte lorsque x → xi par valeurs supérieures.


Cette propriété se retrouvera dans le chapitre 6, dans le graphe en escalier représentant les probabilités cumulées d’une variable discrète.


La notion similaire de fonction discontinue à droite et continue à gauche existe aussi.



E Dérivée



1 Définition


La dérivée en un point x0 d’une fonction, c’est la valeur limite du taux d’accroissement (fig. 1.6) de cette fonction en x0.



Les points A, B et C étant respectivement de coordonnées (x0, f(x0)), (x, f(x)), et (x, f(x0)), le taux d’accroissement s’exprime par :


image


On reconnaît le coefficient directeur de la droite AB.


Pour Δx = x − x0 très petit, la sécante AB et la tangente en A à la courbe sont presque confondues, le taux d’accroissement tend alors vers le coefficient directeur de la tangente en A. Ce coefficient directeur est la dérivée de f(x) en x0.


Δf est alors proportionnel à Δx.


image


Cette limite est une forme indéterminée 0/0 : elle n’existe pas toujours. Lorsqu’elle existe on dit que la fonction est dérivable en x0.



Une fonction dérivable en x0 est continue en x0.













F Applications de ces propriétés à la fonction C(t) = A × (est − ent)


Dans l’exemple pharmaceutique que nous venons de présenter la fonction analytique C(t) est définie quel que soit t mais la fonction biologique C(t) pour laquelle t est un temps n’est définie que pour t ≥ 0. Pour t ≥ 0 on aura C(t) ≥ 0.


Quand t = 0, C(t) est nul puisque le médicament n’est pas encore administré, et quand t → +  alors C(t) → 0 puisque, bien sûr, le médicament finit par disparaître de l’organisme.


Cette fonction n’est ni paire, ni impaire, elle n’est pas périodique, elle est continue et dérivable en tout point. À partir des formules du tableau 1.II, des opérations de dérivation et des dérivations composées, on obtient :


image: elle représente la variation de la fonction C(t) au cours du temps ;


image: elle représente la variation de la dérivée C′(t) au cours du temps.



III Différentielle de fonction


Soit une fonction f(x) dérivable en x0 et h un accroissement arbitraire de x :


x = x0 + h ou h = x − x0


À cet accroissement h de la variable est associée une variation Δf(x) = f(x) − f(x0) de la fonction. Sur la figure 1.7 sont portées la courbe représentative de f(x) et la tangente AM en x0 à cette courbe. Le point M est l’intersection de cette tangente avec la droite (BC) ; sur la figure 1.7, on lit image et image.



Si h → 0, c’est-à-dire x → x0, alors la variation de f au point x0 sera très petite et on peut accepter l’approximation suivante : image ; on néglige donc le segment MB. Or, image. On en déduit que, quand h → 0, image, donc Δf(x) ≈ f ′(x0) × h.


Cette petite variation de f au point x0 s’appelle la différentielle de f au point x0 et elle s’écrit df(x0), ou plus généralement df(x), ou plus simplement df. On en déduit donc df = f ′(x) × h.


Cette relation est vraie pour toute fonction f(x) dérivable et notamment pour la fonction f(x) = x. Alors f ′(x) = 1, donc df = dx = 1 × h, ou encore h = dx.


Donc, on peut écrire df = f ′(x) × dx.


Les termes df et dx sont des grandeurs infinitésimales.


On en déduit une nouvelle notation de la dérivée :


image


La dérivée apparaît comme le quotient d’accroissements infinitésimaux. Pour la suite de ce chapitre on utilisera la notation de « l’opérateur » dérivée :


image


Cette notation permet une autre écriture de la dérivée des fonctions composées :


image


De même si la fonction f(x) admet une dérivée seconde f′′(x), celle-ci se calcule par image ; on applique l’opérateur dérivée seconde image. Si les dérivées successives existent jusqu’à l’ordre n, alors cette relation peut se généraliser : image.





A Notations différentielles


Soient u et v deux fonctions de x.






Différentielle d’un produit: Proposons une interprétation géométrique et représentons ce calcul de différentielle d(uv) par le calcul de la petite variation de l’aire d’un rectangle de dimensions u et v.



L’aire initiale A est égale à uv.


Donnons des petits accroissements du à u et dv à v et calculons l’accroissement de l’aire A c’est-à-dire calculons d(A) :


d(A) = (u + du) × (v + dv) − uv = (uv + udv + vdu + du ⋅ dv) − uv.


Si du et dv sont très petits, alors on peut négliger le produit du ⋅ dv (« erreur »).


d(A) ≈ udv + vdu ; on en tire :


image


On peut refaire ce calcul à partir des dérivées :


f(x) = u(x)v(x) f ′(x) = u′(x)v(x) + u(x)v′(x).


df = f ′(x)dx = (u′(x)v(x) + u(x)v′(x))dx = v(x)u′(x)dx + u(x)v′(x)dx df = vdu + udv.


On retrouve d(uv) = udv + vdu.




B Applications de la notation différentielle à la fonction C(t) = A × (est − ent)


image, soit dC(t) = A(− s ⋅ e− st + n ⋅ e− nt)dt.


Entre les temps t0 = 0,1 h et t1 = 0,2 h, soit pour une variation Δt = 0,1 h, on lit dans le tableau 1.I ΔC = 3,7 − 2,3 = 1, 4 mg/L : comparons cette valeur avec la différentielle dC(t).


On utilise les notations de la figure 1.9 et on calcule la dérivée au temps t0 = 0,1 h :


image et image avec h = Δt = 0,1 h et


f ′(x0) = C′(t0) = A(− s ⋅ e− st0 + n ⋅ e− nt0) = 10(− 1 × e− 0,1 + 4 × e−0,4) =17,8 mg⋅L−1⋅h−1 : cette valeur est la pente de la tangente en t0 = 0,1 h.


On en déduit image qui représente la différentielle dC(t).


On remarque que image, ce qui représente l’erreur que l’on fait en approximant la variation de la concentration entre les temps t0 = 0,1 h et t1 = 0,2 h par la différentielle de la fonction en t0 = 0,1 h. Cette erreur n’est pas négligeable car Δt = 0,1 h n’est pas très petit, de plus cette approximation a été réalisée dans la première partie de la courbe où la concentration varie rapidement avec le temps.


image.


C′′(t0) ≈ − 116,3 mg⋅L−1⋅h−2 : la vitesse de variation de la concentration dans le sang au cours du temps diminue.


May 9, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 1: Fonction d’une variable réelle : y=f(x)

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