1: Examens complémentaires devant un genou douloureux de l’adulte: Diagnostic workup of a painful knee in the adult


Examens complémentaires devant un genou douloureux de l’adulte


Diagnostic workup of a painful knee in the adult








Introduction


La pathologie du genou est au premier rang des motifs de consultation en orthopédie du fait de la variété des pathologies, qu’elles soient de nature traumatique, microtraumatique, dégénérative, inflammatoire, tumorale ou autre [11]. Le symptôme le plus souvent allégué est une douleur, tantôt typique, tantôt trompeuse par son expression ou son siège. Afin de sérier la question, nous n’envisagerons pas le genou de l’enfant, ainsi que les douleurs des genoux opérés.


Il n’est pas possible d’envisager la prescription d’un examen complémentaire sans un examen clinique complet préalable. Le recours à des examens complémentaires s’avère cependant presque toujours nécessaire, ne serait-ce que sous la forme d’un bilan radiologique minimum [56]. Si l’IRM s’est imposée comme un examen de référence dans de nombreuses circonstances, elle est encore trop souvent prescrite par excès, d’emblée, sans orientation clinique. Le choix de la séquence adaptée, l’opportunité de l’injection de produit de contraste intraveineux, l’orientation des coupes optimales, varie singulièrement selon la structure explorée et sera déterminée par le radiologue, à condition toutefois d’avoir été orienté par le prescripteur.


Le praticien doit conjuguer son obligation de moyens (pour ne pas dire de résultat), les exigences parfois fondées sur des informations mal comprises de son patient, tout en gardant à l’esprit les contraintes plus prégnantes que jamais relatives au coût de la santé [1]. Par ailleurs, dans un contexte de mise en cause d’un tiers ou d’un accident de travail, il est utile de pouvoir disposer d’éléments objectifs pour documenter l’observation.


Certaines modalités de prescription sont affaire d’expérience ou d’école, voire de discipline : le bilan de base du rhumatologue et du chirurgien divergent, ne serait-ce que du fait de la sélection différente des patients. Notre propos, sera davantage centré sur la pratique quotidienne de la chirurgie orthopédique, en tenant compte des recommandations du Guide du bon usage des examens d’imagerie médicale, édité par la Haute Autorité de Santé en 2005 et de l’analyse de la littérature.


Le but de cet exposé est d’évoquer les examens complémentaires (imagerie, examens fonctionnels ou biologiques) en indiquant brièvement leurs différentes modalités et leurs résultats. Il s’agit également de tenter de rationaliser et d’ordonner les indications des explorations complémentaires, en fonction des principaux tableaux cliniques tels qu’ils se rencontrent en consultation et en rappelant quelques pièges ou pathologies inhabituelles qu’il faut savoir évoquer (figure 1).




Bilan clinique et radiographique d’orientation



Orientation clinique


Sans détailler l’examen clinique, qui n’est pas l’objet de cet article, il ne paraît pas concevable d’envisager la prescription d’un examen complémentaire, sans avoir examiné le patient attentivement et avoir établi un minimum d’orientation diagnostique [13]. Dans le cas contraire, cela conduirait, comme on l’observe parfois, à prescrire une échographie du genou pour dépister un simple épanchement articulaire !


L’interrogatoire renseigne sur l’âge du patient, ses antécédents, le contexte traumatique, la présence d’autres manifestations articulaires, notamment de la hanche sus-jacente, ainsi que sur le siège de la douleur et ses autres caractéristiques. L’examen clinique précise l’existence d’un épanchement signant une origine intra-articulaire (d’origine cartilagineuse, méniscale ou synoviale), recherche un point douloureux parfois précis ou typique (ménisque interne sur l’interligne postéro-interne, patte d’oie sur la face antéro-interne du tibia, séquelle d’entorse du LLI sur l’épicondyle interne, etc.). L’inspection relèvera une rougeur locale et la palpation une élévation de la chaleur cutanée. Les amplitudes articulaires sont notées et les laxités éventuelles sont recherchées au moyen des manœuvres spécifiques. L’examen du rachis et de la hanche ne doit pas être négligé.



Bilan radiologique de référence


Quelles que soient les constatations de l’examen clinique, la réalisation de radiographies systématiques nous paraît de bonne pratique, ne serait-ce que pour ne pas ignorer une tumeur, voire un antécédent de fracture non toujours signalé par le patient, ou d’éviter de demander un arthroscanner pour explorer le cartilage, alors que les radiographies révèlent un pincement articulaire évident, par exemple [17].


Ce bilan standard comporte des radiographies de face et de profil en appui monopodal chaque fois que cela est possible, associées à une vue axiale des rotules à 30° de flexion. La qualité de la réalisation de la radiographie de profil s’apprécie à la superposition du contour des condyles postérieurs. Après 50 ans, des clichés en schuss comparatifs permettent de dépister un pincement articulaire souvent absent sur les clichés simples [37] (figures 2 à 4). Des clichés comparatifs, systématiques pour certains, doivent être prescrits en cas de doute sur une image suspecte.





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Figure 4 Même patient que la figure 2. Notez le pincement complet du compartiment fémoro-tibial externe, en dépit de radiographies standard normales en appui monopodal.


Une fois ce bilan minimum réalisé, on peut schématiquement « ranger » le patient dans l’une des trois catégories pratiques suivantes, pour lesquelles un bilan spécifique peut être envisagé : le genou « mécanique » (traumatique, sportif, syndrome méniscal, syndrome rotulien, genou dégénératif, lésions chondrales) ; le genou « inflammatoire » (arthrites inflammatoires, réactionnelles et infectieuses) ; et le genou « tumoral » qui englobe des pathologies parfois graves, frustes ou rares qu’il faut savoir évoquer.



Genou mécanique



Genou traumatique et post-traumatique


Tout traumatisme du genou doit faire pratiquer des radiographies, à quelques restrictions près, fondées sur les critères d’Ottawa en traumatologie courante [38].



Lésions ligamentaires


Le contexte est fortement évocateur et le diagnostic de laxité est essentiellement clinique. Rarement, les laxités se résument à une douleur, à la phase chronique, lorsque le traumatisme initial mineur ou négligé, n’a pas fait évoquer une lésion ligamentaire, parfois très ancienne et occultée par le patient. Une lésion méniscale et/ou chondrale, souvent associée au stade chronique, explique souvent la douleur [21].


Le bilan radiographique comporte des radiographies de face et de profil en appui monopodal. Les radiographies sujet couché sont moins riches d’enseignement et ne sont justifiées qu’en urgence devant une suspicion de fracture.


Les radiographies systématiques en appui peuvent révéler un bâillement articulaire ou une translation sagittale (tibiale antérieure ou tibiale postérieure) tributaires du morphotype, de l’importance des lésions associées ou de la pente tibiale de profil [20]. Les radiographies peuvent surtout montrer des signes indirects sous la forme d’une avulsion ligamentaire à condition de les rechercher attentivement.


Une rupture du ligament croisé antérieur (LCA) peut s’accompagner typiquement d’une fracture de Segond (traduisant un arrachement de la capsule antéro-externe), d’une encoche du condyle latéral (véritable lésion de passage du bord postérieur du plateau tibial externe), d’une avulsion de la surface préspinales du LCA, ou plus rarement de la face axiale du condyle latéral, voire de l’avulsion l’insertion tibiale du demi-membraneux. Une lésion du ligament croisé postérieur (LCP) peut se manifester assez fréquemment sous la forme d’une avulsion de la surface rétro-spinale.


Les lésions périphériques peuvent se traduire en dehors, sous la forme d’un arrachement du sommet de la tête du péroné ou d’une avulsion de l’épicondyle externe. L’atteinte du plan interne peut être visualisée sous la forme d’un fragment osseux de l’épicondyle interne, ou d’une calcification séquellaire de Pellegrini-Sieda, voire avulsion du faisceau ménisco-tibial du ligament collatéral médial.


Une vue des échancrures peut faciliter l’analyse du massif des épines tibiales, et les clichés de trois quarts facilitent l’analyse de certaines avulsions ligamentaires périphériques.


Les radiographies dynamiques, ou en stress, de profil, comparatives permettent de préciser l’importance et la nature de la laxité. La translation est mesurée par la distance entre tangente au bord postérieur du plateau tibial interne (ou externe), parallèle à la corticale postérieure du tibia, et le bord postérieur des condyles superposés (figure 5). La différentielle par rapport au genou sain est retenue [20]. On pourrait en rapprocher les appareils de laximétrie (tel que le KT 1000®). Elles sont le plus souvent demandées dans le cadre du bilan préopératoire et font l’objet de modalités variables, pour le LCA ou le LCP et selon les équipes chirurgicales [40]. Cependant, elles peuvent être pratiquées à titre diagnostic, en cas de doute dans les laxités frustes. On peut ainsi, en cas de test de Lachman de type arrêt dur retardé, différencier une translation antérieure modérée (rupture partielle, ou cicatrisation en nourrice), d’une translation postérieure. De même, des clichés en valgus/varus forcé comparatifs peuvent permettre de différencier une laxité vraie de la laxité de réduction d’une fracture tassement d’un compartiment du genou. En dehors du bâillement de l’interligne articulaire, une décoaptation, visible sous la forme d’une ombre aérique cernant les surfaces articulaires (vacuum sign) est parfois visible.



La prépondérance de l’IRM dans le bilan des lésions ligamentaires n’est plus discutée en particulier pour l’exploration du pivot central (fiabilité de 90 % à 98 % pour le LCA et le LCP) [49, 52]. Le plan de coupe sagittal oblique, coïncidant avec le trajet anatomique du ligament exploré, ainsi que la combinaison de plusieurs séquences garantit cette performance diagnostique [63]. Ceci souligne l’importance de préciser la recherche d’une atteinte d’un ligament croisé lors de la rédaction de l’ordonnance. Même si elle n’est pas indispensable au diagnostic positif de la plupart des entorses du genou, elle devient particulièrement utile dans le cadre de manifestations cliniques se résumant à une douleur, c’est-à-dire dans une forme trompeuse ou laxité partielle. Les anomalies IRM traduisant la rupture du LCA sont maintenant bien documentée sous forme de signes directs et indirects [16] et sont résumées dans le tableau 1. Les lésions associées ont quelques spécificités. Les contusions (parfois les impactions) du condyle latéral ou bone bruises, avec parfois une image en miroir du rebord postérieur du plateau tibial externe, correspondent à des lésions de passage, spécifiques des ruptures du LCA. La classification en trois types de gravité croissante de Vellet va de la simple contusion trabéculaire à la fracture-impaction ostéo-chondrale [66]. Les lésions méniscales sont le plus souvent verticales et périphériques, parfois sous forme d’une désinsertion, à ne pas confondre avec l’hypersignal traduisant la richesse vasculaire de la périphérie méniscale (figure 6).




La rupture du LCP se manifeste surtout par des signes directs mais est parfois révélée par une avulsion de la surface rétro-spinale non vue sur les radiographies simples.


Les lésions périphériques se manifestent sous la forme d’une image directe de solution de continuité, d’un épaississement et d’un hypersignal témoignant de l’œdème en regard de la lésion, d’une avulsion ostéopériostée, ou moins directement d’un hypersignal traduisant un œdème osseux, notamment de l’épicondyle interne dans les lésions du ligament collatéral médial (figure 7). Les incidences obliques, mais également transversales peu exploitées, sont très utiles pour analyser des lésions périphériques et notamment des points d’angles postérieurs [6, 8, 60, 66]. On pourrait en rapprocher les symptômes liés à une pathologie de l’articulation péronéo-tibiale supérieure, dont l’IRM permet de préciser la nature [30].



L’indication à défaut d’être systématique, se justifie d’autant plus que le patient présente un flexum ou des blocages pouvant traduire l’interposition d’une languette méniscale, d’une exubérance fibreuse du LCA (syndrome du Cyclope) ou d’un capotage du LCA rompu dans l’échancrure ou « syndrome du battant de cloche » (figure 8), voire d’un corps étranger émanant d’une fracture ostéo-chondrale. La précision de la nature et du siège de lésions périphériques est également une indication, lorsqu’il s’agit d’un traumatisme grave.



La très fréquente entorse isolée du ligament collatéral médial ou une atteinte du pivot central, bien tolérée chez un patient de plus de 50 ans, pour lequel il n’est pas envisagé de geste chirurgical, ne justifie pas la réalisation d’une IRM systématique.



Fractures occultes


Les fractures occultes sont soupçonnées devant une hémarthrose. Une fracture unicondylienne fémorale ou une fracture oblique d’un plateau tibial pourront être dépistées sur des radiographies de trois quarts. Elles seront au mieux analysées par un scanner spiralé avec reconstructions 2D analysant, le nombre de traits, leur trajet, les déplacements, mais surtout la congruence articulaire [23].


Les lésions ostéochondrales sont difficilement visibles sur les radiographies simples. Là encore l’arthroscanner permettra au mieux de faire un diagnostic précis (voir partie : Lésions chondrales).


Les contusions osseuses sous-chondrales ont été bien mises en évidence avec la généralisation de l’IRM. Elles se caractérisent par un signal hypo-intense en T1 et hyperintense en T2. Localisées sur le condyle externe avec parfois une image en miroir sur le tibia dans les ruptures du LCA, elles peuvent aussi affecter le condyle interne après un choc direct ou un traumatisme appuyé en varus (figure 9). Il faut en rapprocher les contusions osseuses de la face latérale du condyle externe observées dans les luxations de la rotule et les contusions de la rotule par choc direct sur le genou.



Les fractures de fatigue ou de contrainte, ne sont pas toujours de diagnostic aisé et parfois difficiles à différencier des nécroses lorsqu’elles siègent au genou, dans un contexte de fragilité osseuse, c’est-à-dire chez des patients âgés ou ostéoporotiques. Les radiographies sont le plus souvent normales au début. À un stade ultérieur, apparaît une ligne claire sous-chondrale et/ou un aplanissement localisé du contour condylien. Apparaît ensuite un halo scléreux et un effondrement, puis à terme, un pincement articulaire. Un examen tomodensitométrique peut révéler un trait de fracture invisible sur les radios. Chez le patient jeune, elle traduit une hyperutilisation et affecte préférentiellement le plateau tibial interne [55]. L’IRM est très évocatrice, sous la forme d’une bande linéaire hypo-intense sur toutes les séquences, rehaussée par l’injection de gadolinium, au sein d’un œdème spongieux [44]. La scintigraphie montre les manifestations les plus précoces, sous la forme d’un hypersignal se prolongeant aux temps tardifs, mais elle n’est pas spécifique.




Lésions méniscales


Une lésion méniscale peut s’inscrire dans le contexte dégénératif, comme l’une des expressions de l’arthrose (méniscose) ou dans le contexte d’un ménisque préalablement sain, présentant une lésion traumatique (isolée ou dans le cadre d’une association lésionnelle, le plus souvent en combinée à une rupture du LCA). Le contexte et les radiographies en schuss permettent de faire la différence.


L’IRM, plus particulièrement le recours à la séquence T2 en écho de gradient, est idéale pour détecter une lésion méniscale [59]. Ses performances (sensibilité 97 %, spécificité 98 %) permettent de se dispenser d’autres examens [49]. Le caractère pathologique se traduit par un signal linéaire intra-méniscal, communiquant avec l’articulation (figure 10), soit un stade III selon la classification de Stoller et Crues [62, 64].


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Apr 27, 2017 | Posted by in CHIRURGIE | Comments Off on 1: Examens complémentaires devant un genou douloureux de l’adulte: Diagnostic workup of a painful knee in the adult

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